L'euro vaut moins d'un dollar : pourquoi cela pourrait durer

L'euro est passé sous le dollar, ce mercredi, après avoir atteint la parité avec le billet vert la veille. Une situation inédite depuis 2002 qui s'explique par le renforcement monétaire opéré par la Réservé fédérale américaine ces derniers mois. Mais aussi par les inquiétudes qui agitent le continent européen qui pourrait rencontrer une véritable crise énergétique l'hiver prochain. De quoi laisser présager de nouvelles chutes de la devise commune dans les mois à venir.
Coline Vazquez
Ce mercredi vers 14H45, l'euro s'échangeait à 0,9998 dollar, plongé sous un seuil symbolique qu'il n'avait plus franchit depuis décembre 2002, date de sa mise en circulation.
Ce mercredi vers 14H45, l'euro s'échangeait à 0,9998 dollar, plongé sous un seuil symbolique qu'il n'avait plus franchit depuis décembre 2002, date de sa mise en circulation. (Crédits : © )

Cela semblait impensable. Et pourtant ! L'euro est brièvement passé sous le seuil de un dollar, ce mercredi. La veille, il avait atteint la parité avant de remonter légèrement au-dessus du billet vert. Cette chute de la devise européenne a commencé il y a déjà quelques mois. Mi-mai, elle valait 1,035 dollar, son plus bas depuis ces cinq dernières années, contre 1,255 en février 2018.

C'est désormais un record vieux de 20 ans, soit depuis sa mise en circulation, que l'euro a battu. À la veille de son lancement, le 31 décembre 1998, le taux indicatif face au billet vert avait été fixé à 1,1668 dollar, et après la première journée d'échanges le 4 janvier, il montait déjà à 1,1837 dollar. Mais dès janvier 2000, face à une économie américaine en plein boom, la nouvelle monnaie a glissé sous le seuil de un dollar avant de sombrer à un plus bas historique à 0,8230 dollar fin octobre, malgré les premiers signes d'essoufflement de la croissance européenne. Lorsque l'euro commence enfin à être utilisé par les habitants des onze pays, en 2002, (aujourd'hui dix-neuf), les sombres perspectives économiques de la zone euro et des États-Unis convergent, et l'euro évolue autour de la parité, avant de franchir le cap de un dollar pour de bon à la fin de l'année, et ne plus repasser sous ce niveau avant ce mercredi.

Deux politiques monétaires différentes

Comme en janvier 2000, cet effondrement s'explique en partie par un dollar très fort. Ce dernier bénéficie de la politique de resserrement monétaire enclenchée par la Réserve fédérale américaine (Fed). Elle a, en effet, relevé ses taux directeurs dès le mois de mars d'abord d'un quart de point de pourcentage en mars, puis d'un demi-point le 4 mai. En juin, elle a annoncé un relèvement de trois-quarts de points de pourcentage, soit la plus forte hausse depuis 1994, pour tenter de contrôler une inflation au plus haut. Avec cette troisième hausse d'affilée, ses taux se situent désormais dans une fourchette comprise entre 1,5 et 1,75%.

De son côté, la Banque centrale européenne s'est, elle aussi, résolue à durcir sa politique monétaire face à une hausse des prix qui, si elle a d'abord été considérée comme « transitoire » par la présidente de la BCE, Christine Lagarde, ne cesse de s'aggraver mois après mois. Elle atteignait, en juin, 8,6% en moyenne dans la zone euro. En conséquence, la BCE a opté pour un relèvement de ses taux directeurs de 25 points de base en juillet, avant une seconde hausse en septembre. Soucieuse de préserver une croissance européenne en berne, l'institut monétaire s'est bien gardé d'agir de manière trop brutale de crainte de provoquer une récession.

Mais cette stratégie ne profite pas à sa monnaie unique qui pourrait voir l'écart avec le dollar se creuser davantage si la Fed optait pour une nouvelle hausse de ses taux. Une hypothèse probable compte tenu de la hausse des prix qui atteignait 9,1% en juin aux Etats-Unis, au plus haut depuis novembre 1981. « Le différentiel entre les politiques monétaires des deux bords de l'Atlantique risque, en effet, de s'accroître, car la Fed devrait continuer sur sa lancée, tous ses indicateurs économiques étant au vert. En revanche, la zone euro connaît un ralentissement économique et la BCE pourrait donc être contrainte de revoir à la baisse ses ambitions en termes de durcissement monétaire », prédit William Gerlach, directeur France d'iBanFirst.

Trop d'inquiétudes pèsent sur le Vieux Continent

Au-delà d'un dollar trop fort, la devise européenne souffre des inquiétudes concernant une possible crise énergétique qui planent depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février dernier. Celle-ci a entraîné une flambée des prix de l'énergie, mais surtout, la crainte d'une pénurie de gaz. Un scénario qui semble se rapprocher de jour en jour. En réponse aux sanctions prises par l'Union européenne, dont un embargo sur le pétrole russe, Moscou n'a eu de cesse de réduire les approvisionnements en gaz. Gazprom a récemment entamé des travaux de maintenance des deux gazoducs Nord Stream 1, entraînant une forte diminution des quantités livrées au groupe autrichien OMV. L'entreprise nationale d'hydrocarbures italienne, Eni, ne reçoit, elle, du géant russe plus que 21 millions de m3 contre 32 millions de tonnes en moyenne ces derniers jours, soit une diminution d'un tiers. Gazprom a carrément interrompu totalement les livraisons de gaz russe vers la Pologne et la Bulgarie, ces pays refusant de payer en rouble comme s'est mis à l'exiger l'énergéticien.

Très inquiète, l'Allemagne, toujours dépendante de la Russie pour 35% de ses importations de gaz, a d'ores et déjà activé, le 23 juin, le niveau 2, dit d'« alerte », de son plan d'urgence sur l'approvisionnement en gaz, soit le dernier palier avant l'organisation d'un rationnement par l'Etat, prévue dans la phase 3, afin de répartir les volumes entre particuliers, administration et industrie.

Les Vingt-Sept cherchent donc activement à remplir au maximum leurs réservoirs de stockage en prévision de l'hiver, période plus consommatrice. Bruxelles a, d'ailleurs, ordonné qu'ils soient remplis à 90% d'ici à la saison de chauffage, en novembre, avant de réviser cet objectif à 80%, face à l'ampleur du défi pour certains des Etats membres. Dernier épisode en date, venant confirmer les craintes européennes, Gazprom a affirmé, ce mercredi, ne pas pouvoir garantir le bon fonctionnement du gazoduc Nord Stream, se disant dans l'impossibilité de confirmer qu'il récupérera une turbine allemande en réparation au Canada. Il laisse ainsi entrevoir la possibilité d'une rupture des livraisons, tant redoutée.

Coline Vazquez
Commentaires 12
à écrit le 16/07/2022 à 10:29
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ça va durer OUI pour 2 raisons fondamentales : le dollar US est une monnaie mondiale pour les échanges internationaux, et en premier lieu les énergies fossiles; ensuite par ce que l'U.E. est composée de 19 Pays de la zone dite euro, aussi différents ...

à écrit le 14/07/2022 à 15:14
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Nou pouvons que remercier les USA de detruire ses allies grace a l'OTAN et ses vassaux europeens. Christine LAGARDE du FMI a la BCE est une tres bonne collaboratrice qui va enfoncer encore un peu plus la degradation monetaire, grace a la Croatie en...

à écrit le 14/07/2022 à 13:57
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L euro faible a 2 raisons principales; - on a imprime plus de 1500 milliards d euros durant le Covid (comme les US) -les Us ont une strategie a long terme que l UE n a pas; le pentagone est en charge de collectionner tous les brevets industriels et...

le 15/07/2022 à 6:52
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Pourriez-vous être plus spécifique dans vos citations de brevets....les médicaments effervescents existent depuis le XVII siècle, les gros moteurs électriques ne signifient rien si gros n'est pas explicité, il y a longtemps que GE sait faire ce genre...

à écrit le 14/07/2022 à 13:27
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Le début de la fin pour l'Euro qui est attaqué par la spéculation du fait de la faillite programmée de la France, l'Espagne et de l'Italie, ces 3 pays sont en cessation de paiement virtuel et ne survivent que grâce à l'Allemagne et les tours de passe...

le 14/07/2022 à 15:02
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Mon avis est radicalement opposé: les économies qui sont faiblement industrialisées sur le vieux continent et qui souffrent de l’euro fort pour équilibrer leur balance commerciale reçoivent le coup de pousse dont elles ont besoin depuis longtemps pou...

le 15/07/2022 à 9:50
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@Math L'espoir fait vivre. VOtre raisonnement est tout droit sorti d'universites qui ne prennent pas compte de la REALITE du terrain. Je vous souhaite bien du plaisir!!

à écrit le 14/07/2022 à 11:58
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Le Monde change, ce ne sera pas dernière fois...sauf si de vieux Stalinistes déclenchent la guerre nucléaire et là ce sera le dernier changement. Un euro plus faible va favoriser nos exportations et renchérir nos importations, pétrole et gaz plus che...

à écrit le 14/07/2022 à 11:19
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C'est la suite logique de la réussite de ceux qui ont "fabriqué" la crise ukrainienne pour démolir l'UE et l'euro. 90% des médias ne veulent pas accepter cette évidence, et on n'entend qu'une pensée unique , même si la réaction russe n'est pas receva...

à écrit le 14/07/2022 à 10:55
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A force de suivre les USA comme un petit toutou, l'Europe finit par être distancé par celle-ci. Et oui, ce n'est pas en suivant les gens, qu'on peut les dépasser

à écrit le 14/07/2022 à 10:38
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@ commentaires: vous avez la mémoire courte et bien sélective : Sans l euro on aurait en France comme par le passé ( annees 70-80) une inflation à 2 chiffres, un franc attaqué par les marchés financiers , des dévaluations de la monnaie baissant le p...

à écrit le 14/07/2022 à 10:09
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Le dollar est le seule monnaie mondialement reconnue dans les échanges internationaux, même AIR BUS est satisfait pour ses exportations payées en dollar US. Quant à l'euro ce n'est pas une monnaie européenne, seuls 19 Pays sur 27 sont dans la zone di...

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