Légère accalmie sur l'économie européenne au second trimestre, l'inflation continue d'assombrir l'horizon

La croissance de la zone euro a accéléré de 0,6% au printemps dernier selon Eurostat par rapport au premier trimestre (0,5%). La levée des mesures de restriction sanitaire en France, en Italie ou en Espagne a permis de doper l'activité. En Allemagne, la croissance, plombée par les effets délétères de la guerre en Ukraine, a fait du surplace entre avril et juin.
Grégoire Normand
Le retour des touristes en Espagne a dopé l'activité au second trimestre.
Le retour des touristes en Espagne a dopé l'activité au second trimestre. (Crédits : Reuters)

L'économie européenne réserve quelques surprises. Près de six mois après l'éclatement du conflit en Ukraine, les indicateurs conjoncturels montrent des signes de résistance. D'après l'estimation flash dévoilée par Eurostat ce mercredi 17 août, la croissance du produit intérieur brut (PIB) de l'union monétaire a accéléré de 0,6% entre avril et juin. Au premier trimestre, l'activité avait augmenté de 0,5%. L'institut de statistiques européen a révisé très légèrement à la baisse ses chiffres (-0,1 point). Aux Etats-Unis, la croissance a reculé à -0,2% sur la même période.

"Le chiffre du second trimestre est une surprise. Nous avions prévu une légère contraction du PIB de l'ordre de -0,2%. La France, l'Italie et l'Espagne ont fait mieux que prévu [...] Pour la France et l'Espagne, il y a eu un rebond plus fort que prévu dans le tourisme et l'hébergement-restauration dans le contexte de la levée des mesures de restriction sanitaires. Les exportations de services touristiques ont été plus importantes qu'espéré. En France, la consommation de services de transport a bien fonctionné avec un effet de rattrapage qui s'est poursuivi au second trimestre", a déclaré Hélène Baudchon, économiste chez BNP-Paribas interrogée par La Tribune.

En dépit de ces chiffres relativement favorables, les indicateurs avancés de la zone euro (indices PMI) et ceux de la confiance des ménages et des entreprises indiquent que l'activité est en train de s'essouffler dans une grande partie du Vieux continent.

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L'Allemagne vacille

Sans vraiment de surprise, l'onde de choc de la guerre en Ukraine a fait trembler les économies de la zone euro dépendantes du gaz russe. La première puissance économique européenne subit de plein fouet les conséquences désastreuses de la guerre en Ukraine. La croissance du PIB a stagné (0%) au cours du second trimestre après un premier trimestre à 0,8%. Après les deux longues années de pandémie, l'économie allemande est à la peine. Très dépendante du gaz russe pour son industrie, l'activité pourrait entrer en récession d'ici la fin de l'année. "Cette pause estivale n'a pas permis à l'économie allemande d'améliorer ses perspectives. Au contraire, deux nouveaux facteurs de risque peuvent être ajoutés à la longue liste des défis : les niveaux très bas des cours d'eau et la taxe sur le gaz. L'Allemagne va avoir besoin d'un miracle économique pour ne pas tomber en récession d'ici le second semestre", a expliqué l'économiste d'ING, Carsten Brzeski.

En effet, les épisodes intenses de canicule cet été ont asséché les cours d'eau provoquant de vastes difficultés pour la circulation de marchandises et d'énergie sur le Rhin notamment. A cela s'ajoutent les difficultés d'approvisionnement toujours d'actualité en raison notamment des politiques de restriction sanitaires en Chine. Résultat, le moral des investisseurs calculé par l'institut ZEW a chuté en juillet pour atteindre -55,3 points, soit son plus bas niveau depuis 2011.

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L'Espagne et l'Italie tirent leur épingle du jeu

Au sud de l'Europe, l'Espagne et l'Italie moins exposées aux soubresauts de la guerre s'en sortent mieux. L'économie espagnole a accéléré de 1,1% au second trimestre après un début d'année décevant (0,2%). Quant à l'Italie, l'activité a rebondi à 1% après un premier trimestre particulièrement morose (0,1%). Ces résultats encourageants sont cependant à relativiser.

En effet, la botte italienne est confrontée à une crise politique majeure. Le départ surprise du chef du gouvernement Mario Draghi a plongé l'économie italienne dans une profonde torpeur. La coalition menée par l'extrême droite composée de la Ligue de  Matteo Salvini et Fratelli d'Italia, un parti post-fasciste présidé par Giorgia Meloni arrive en tête des sondages à quelques semaines d'élections parlementaires déterminantes pour l'avenir de l'Italie.

Quant à l'Espagne, les sécheresses à répétition mettent en péril certains secteurs stratégiques. Dans le sud de la péninsule, les agriculteurs craignent que les pics de température ne réduisent de près d'un tiers la production d'huile d'olive, dont le pays est le premier producteur mondial.

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Accélération du PIB en France

En France, la croissance du PIB a accéléré de 0,5% au second trimestre après un premier trimestre catastrophique à -0,2%. "En France, la consommation a baissé mais l'investissement a résisté malgré les incertitudes. Il y a des besoins d'investissements colossaux en matière de transition énergétique mais également de souveraineté  industrielle. Les conditions de financement pour les entreprises restent favorables même si elles se sont resserrées", a ajouté Hélène Baudchon.

Pour l'instant, la plupart des instituts de prévision (Insee, Banque de France, OFCE, Rexecode) ont écarté le scénario noir d'une récession technique (deux trimestres consécutifs de croissance négative) mais l'inflation persistante pourrait changer la donne. En effet, une grande partie des salariés du privé ont enregistré une chute de leurs revenus réels, c'est-à-dire en prenant en compte l'inflation, au cours du premier semestre.

Compte tenu du poids de la consommation dans l'économie tricolore, l'activité pourrait marquer le pas d'ici la fin de l'année. L'indice général des prix à la consommation qui s'est établi 6,1% en juillet pourrait continuer de miner le pouvoir d'achat des Français malgré les nombreuses mesures défendues par le gouvernement dans son projet de loi pouvoir d'achat adopté au début du mois d'août par le Parlement.

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Coup de frein sur l'emploi

Sur le front de l'emploi, les indicateurs marquent un ralentissement en zone euro. Le nombre de personnes en emploi a freiné au second trimestre à 0,3% contre 0,6% au trimestre précédent. Malgré cet essoufflement, "la bonne tenue de l'emploi en zone euro s'explique par des besoins de recrutement encore importants dans les entreprises. Les difficultés d'embauche restent  très importantes," souligne Hélène Baudchon.

L'inflation menace toujours l'économie de la zone euro

L'indice des prix à la consommation pèse toujours sur l'activité de la zone euro.  L'inflation a été propulsée à un nouveau record par la guerre en Ukraine et les sanctions occidentales contre Moscou, à 8,9% en juillet, après 8,6% en juin. "Le choc inflationniste est très important. Le pic d'inflation est probablement encore devant nous. La hausse de l'indice des prix harmonisé à la consommation (IPCH) pourrait atteindre 10% à l'automne dans la zone euro. L'inflation pourrait plus nettement rogner les marges des entreprises," indique l'économiste.

Cet indicateur a atteint chaque mois un nouveau record depuis novembre. Outre l'envolée des prix de l'énergie (carburants, gaz, électricité), les ménages européens sont de plus en plus confrontés à celle des prix alimentaires.

Parmi les composantes de l'inflation, l'énergie a encore connu la hausse annuelle la plus élevée bien qu'en ralentissement, à 39,7% (contre 42% en juin).  Les prix de l'alimentation (y compris alcool et tabac) ont augmenté de 9,8%, après 8,9% en juin. Ceux des biens industriels et des services ont progressé en juillet de respectivement 4,5% et 3,7%, en légère hausse par rapport au mois précédent. "Il y a un mouvement de balancier dans les composantes de l'inflation. Les prix de l'alimentaire, des services et des produits manufacturiers prennent le relais de l'énergie. La difficulté est que le poids de l'alimentaire est plus important que celui de l'énergie dans le budget des ménages", poursuit l'économiste.

En France, la perspective de la rentrée avec la hausse des dépenses s'annonce tendue pour les ménages les plus modestes. Beaucoup de familles vont devoir se serrer la ceinture alors que les prix des fournitures scolaires ont flambé ces derniers mois.

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Resserrement de la politique monétaire

Après avoir bénéficié d'une politique monétaire accommodante, l'économie du Vieux continent pourrait à nouveau souffrir dans les prochaines semaines. La Banque centrale européenne (BCE) a augmenté à la fin du mois de juillet ses taux d'intérêt pour la première fois en plus de dix ans, suivant une tendance initiée par la banque centrale américaine. "L'horizon économique s'assombrit" et ce "pour la seconde moitié de 2022 et au-delà", a estimé la présidente de la BCE, Christine Lagarde. Les prochaines hausses de taux attendues en septembre et en octobre pourraient porter un rude coup à l'économie des 19.

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Grégoire Normand

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Commentaires 2
à écrit le 19/08/2022 à 20:04
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Bonjour, Je crainds que l'ons nous demande de rembourser tout l'argent imprimer lors des crises COVID.... Maintenant, nous attendons autre chose de l'Union européenne... Pas une planche a billets, mais un espace de paix et de sécurité.... Lorsque ...

à écrit le 19/08/2022 à 17:32
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Elle a bon dos la guerre en Ukraine

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