Régionales : la réindustrialisation, un modèle à peaufiner dans le Grand-Est

Dans le Grand-Est, les élus se sont mobilisés pour attirer de nouveaux investissements sur des sites industriels existants. Ils doivent aussi imaginer la reconversion des sites emblématiques disparus.
Le déclin de la sidérurgie et de la métallurgie a marqué l'histoire industrielle  dans le Grand-Est.
Le déclin de la sidérurgie et de la métallurgie a marqué l'histoire industrielle dans le Grand-Est. (Crédits : Olivier Mirguet)

"Accélérer des projets de transformation des entreprises en lien avec les trois moteurs du changement que sont les transitions écologiques, numériques et industrielles!" Telles ont été les priorités énoncées par Jean Rottner, président (LR) sortant du Conseil régional du Grand-Est, lors de la présentation en décembre 2020 du budget de la collectivité.

Des priorités dans l'air du temps, conformes au Green Deal de la Commission européenne. Quelle peut être la stratégie de différenciation de cette région dont des piliers économiques, tel que la sidérurgie et la métallurgie, se sont effondrés dès les années 1980 ? "Nous sommes toujours capables de gagner des projets d'investissement sur des sites industriels internationaux établis sur notre territoire", assure Lilla Merabet, vice-présidente (Modem) du conseil régional en charge de la compétitivité, de l'innovation et du numérique. "Merck a investi à deux reprises dans son unité de bioproduction à Molsheim. Le groupe américain O-I Manufacturing a réinvesti 60 millions d'euros à Gironcourt, dans les Vosges, pour déployer de nouvelles activités dans son usine de bouteilles de bière en verre", détaille la vice-présidente.

Investissements étrangers

Le groupe américain Mars s'apprête aussi à réinvestir sur son site à Haguenau (Bas-Rhin), où il est présent depuis 1974. Le Coréen Hanon Systems, l'un des principaux employeurs (450 salariés) dans la sous-traitance automobile à Charleville-Mézières et dans les Ardennes, investit 36 millions d'euros pour produire des systèmes de refroidissement destinés aux moteurs électriques. Le brasseur danois Carlsberg a lancé un projet de modernisation pour 100 millions d'euros chez Kronenbourg à Obernai. L'industriel agroalimentaire américain Schreiber Foods a repris le site fromager Bel à Cléry-le-Petit, dans la Meuse, et investi 85 millions d'euros pour produire des yaourts et fromages frais sous la marque Super U.

Mais d'autres sites majeurs dans Grand-Est n'ont pas connu le même succès. Au cours de six années passées, des mutations ont affecté des unités emblématiques implantées entre les années 1970 et 1990. EDF a dû se plier aux injonctions de fermeture de sa centrale nucléaire à Fessenheim (750 emplois directs), en Alsace, dont la production a cessé en juin 2020. Daimler a annoncé en décembre 2020 la vente de son usine Smart à Hambach au groupe britannique Ineos, qui entend y faire ses débuts dans l'automobile. Ineos assemblera en Moselle, avec une partie des salariés du constructeur allemand, son nouveau 4x4 Grenadier. 1.600 salariés sont concernés, avec les co-traitants locaux. Mais le projet, qui pourrait être réorienté vers une motorisation à hydrogène, affiche déjà près d'un an de retard.

Diversifier les investissements

L'arrivée d'Amazon à Augny en Moselle (1.000 salariés), celle des cycles Mercier dans les Ardennes (200 emplois) et l'annonce par Huawei d'un investissement de 200 millions d'euros à Brumath, près de Strasbourg (500 emplois promis) illustrent la variété des pistes de reconversion suivies par la région au cours des six derniers mois. Cette diversité caractérise aussi les lauréats régionaux du programme Territoires d'industrie : lancé avant la crise (novembre 2018) par le gouvernement, il a bénéficié dans le Grand-Est à 53 entreprises lauréates. Le 23 mars, à l'occasion d'une nouvelle vague d'annonces d'investissements, les fonds "Territoires d'industrie" ont été alloués à 18 entreprises dont une miroiterie en Meurthe-et-Moselle, un industriel du textile dans les Vosges, un chimiste dans le Haut-Rhin ou encore un fabricant d'outillages pour la sidérurgie dans les Ardennes. Avec 222 millions d'euros d'investissements cumulés, 7.444 emplois confortés et 959 emplois créés, les choix opérés témoignent de la volonté des pouvoirs publics de ne pas attribuer au Grand-Est une spécialisation mono-secteur, à l'instar de la Lorraine dans l'acier jusqu'au milieu des années 1970.

Un flop en Moselle

"La géographie du Grand-Est est favorable aux mutations industrielles. Dire que nous sommes au cœur de l'Europe, ça n'est pas seulement un élément de marketing. C'est notre réalité, au contact de quatre pays développés avec lesquels nous avons des frontières communes : la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne et la Suisse ", observe Pascal Raggi, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Lorraine.

Utilisé fréquemment par les promoteurs du développement économique, cet argument géographique demeure fragile. Il a pu conduire des élus locaux vers des projets démesurés. En 2012, Patrick Weiten, président (UDI) du conseil départemental de Moselle, promettait 30.000 emplois sur son projet TerraLorraine à Illange (Moselle) : une "mégazone" dédiée à l'accueil d'entreprises chinoises, auxquelles il entendait offrir une porte d'entrée sur le marché européen. Le projet vantait les atouts logistiques de la région et prévoyait, pour 150 millions d'euros, la construction d'un hall de 230.000 mètres carrés. Une sorte d'écho monumental aux hauts-fourneaux de Florange, situés quelques kilomètres plus loin, arrêtés en avril 2013. TerraLorraine a été abandonné fin 2015, alors que la collectivité venait d'achever ses travaux de terrassement sur le chantier. Les Chinois ne sont jamais venus.

Un "laboratoire du mix énergétique"

"La réindustrialisation ne consiste en aucun cas à attendre le retour des usines parties ou délocalisées en Asie ou ailleurs. Dans le Grand-Est, nous n'allons pas redévelopper de la valeur ajoutée en créant des grands sites comme au siècle passé. Il s'agit de libérer les énergies, de cultiver une forme de fierté et de bâtir autour de notre ADN", juge Lilla Merabet. L'élue a défendu l'installation d'un "hub de l'innovation" sur une zone d'activités économique voisine de la centrale nucléaire de Fessenheim. Le projet, qui a subi des retards pour cause d'études environnementales, reste à concrétiser. Une société d'économie mixte a été établie avec les collectivités allemandes pour réindustrialiser cette zone, baptisée EcoRhena. Les élus locaux se sont entendus pour y déployer un "laboratoire du mix énergétique", qui pourrait inclure des applications industrielles liées à la biomasse et à l'hydrogène. Les prochains élus régionaux devront conclure le projet.

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Commentaire 1
à écrit le 26/05/2021 à 16:27
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Les boissons en verres sont pour les hôtels de luxe et non accessibles aux non- essentiels, les gueux …

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