
Coup de torchon sur le crédit immobilier au cours de l'été : selon l'Observatoire Crédit Logement/CSA, le marché du crédit immobilier s'est littéralement effondré au troisième trimestre, avec un recul de 26,8 % de la production et de 27,7 % du nombre de prêts accordés. Du jamais vu depuis la crise financière de 2008 !
Ce constat diffère donc sensiblement de celui de la Banque de France, qui fait état d'un recul modéré de l'activité en août et d'une simple normalisation du marché. Une différence qui s'explique par un périmètre de collecte des données différent, Crédit Logement, organisme interbancaire de caution, ne prenant en compte que les crédits immobiliers accordés aux particuliers, hors rachats et renégociations.
« Nous assistons à une modification importante de régime en passant d'un régime dominé par la demande à un régime d'offre », résume Michel Mouillart, professeur des Universités et directeur de l'Observatoire. Autrement dit, les banques ont singulièrement appuyé sur le frein de la production de crédits immobiliers.
Face à une remontée du coût du refinancement, les banques voient en effet la profitabilité de l'activité se dégrader fortement, à un niveau le plus faible depuis 2001, d'autant que le taux d'usure (taux maximal auquel une banque peut prêter) les empêche d'ajuster leurs barèmes de crédit immobilier aussi vite que les conditions de marché.
Un taux moyen de plus de 2% à la mi-octobre
Après avoir fait le plein de la hausse des taux en juillet (18 points de base en moyenne), le soufflé est ainsi retombé en août et surtout en septembre. Au total, le taux moyen des crédits (hors assurances et frais) s'établit ainsi au troisième trimestre à 1,78% (1,88% fin septembre). Il grimpe à nouveau depuis le relèvement du taux d'usure à partir du 1er octobre pour dépasser, à la mi-octobre, les 2%, avec un rebond de la production, alimenté sans doute par des dossiers bloqués cet été par le taux d'usure.
La hausse des taux paraît cependant modérée (82 points de base depuis janvier) au regard de la flambée de l'inflation (+293 points de base) et de la progression de l'emprunt d'État à dix ans (+236 points de base). Taux d'usure et concurrence jouent donc à plein au profit des ménages. Selon les estimations réactualisées de l'Observatoire, le taux moyen pourrait atteindre 2,4% à la fin de l'année pour toucher un pic de 2,8% à la fin juin 2023, pour finalement revenir autour de 2,45% à la fin 2023.
Des crédits de plus en plus longs
Derrière cette pression à la hausse des taux, l'Observatoire souligne surtout un déplacement du marché vers des crédits de plus en plus longs, et ce pour des biens de plus en plus chers. En un an, le pouvoir d'achat immobilier a ainsi reculé, à emprunt constant, de 4 mètres carrés en moyenne.
Au troisième trimestre, la durée moyenne des crédits s'élève à 241 mois, « soit la durée la plus longue jamais observée », note Michel Mouillart. « L'allongement de la durée ne permet plus de compenser la hausse des taux et des prix immobiliers mais juste de préserver, à partir de juillet dernier, un minimum d'activité sur le marché et à conserver des types de clientèles qui n'auraient pas pu entrer sinon sur le marché », estime l'économiste.
Stratégie des banques
Résultat, 65% des crédits sont désormais, à plus de 20 ans en septembre, une proportion qui grimpe à 78% chez les moins de 35 ans, qui forment le plus gros bataillon des primo-accédants. « Derrière cet allongement de la durée, il existe une volonté des banques de préserver des catégories de clientèles, les moins de 35 ans, mais aussi les 35-45 ans, les plus prometteuses pour l'avenir », explique Michel Mouillart. C'est finalement un déplacement de la structure du marché du crédit immobilier vers des clientèles qui en avaient le plus besoin.
Parallèlement, l'Observatoire constate toujours une augmentation des revenus des emprunteurs, le relèvement spectaculaire de l'apport personnel (+44,5 % depuis 2019), fruit de la volonté de la puissance publique de resserrer les conditions d'octroi, et une hausse très soutenue (+8% sur un an) du coût moyen des opérations, qui s'explique à la fois par une hausse des prix de l'immobilier mais aussi par le déplacement de la demande vers les périphéries, ce qui alimente à son tour la hausse des prix. Du coup, les prix augmentent plus vite que les revenus et le marché se ferme de plus en plus aux clientèles les plus modestes.
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