Une année de "mega deals". Avec 130 opérations de rachats d'entreprises et de rapprochements et 2.300 milliards de dollars (+14% sur un an) déversés par des fonds d'investissements plus offensifs que jamais en matière de fusions-acquisitions, 2021 restera dans les annales. Cette année exceptionnelle, portée par l'accélération de la transformation numérique et l'abondance des liquidités en pleine relance post-Covid, se retrouve dans les volumes des transaction (+57% par rapport à 2020) et sur la quantité de deals (+24%), selon une étude publiée cette semaine par le cabinet PwC.
Une autre étude, qui englobe toutes les transactions, fait état de ce même appétit de la part de chasseurs sur des proies plus abordables. En 2021, au-delà des seuls fonds d'investissements, les "fusacqs" (M&A en anglais), ont ainsi atteint 5.800 milliards de dollars (environ 5.100 milliards d'euros), détaille dans son rapport annuel le cabinet d'avocats Allen & Overy, s'appuyant sur les données de Refinitiv. Un record, quand fin décembre, la plateforme financière Dealogic avait même estimé que ce montant surpassait son précédent record de 2007.
Le Covid a indubitablement rebattu les cartes des stratégies et des parts de marché de chacun. Aussi, en accélérant des tendances de fond comme la "numérisation croissante des échanges" et en "désorganisant les chaînes d'approvisionnement", la pandémie a "polarisé le marché", résume a l'AFP Alexandre Courbon, responsable des fusions-acquisitions chez HSBC France.
+114% aux Etats-Unis
Désormais, tout la question est de savoir si, à l'heure d'un prochain durcissement de la politique monétaire de la première économie mondiale, cette fenêtre d'opportunités tous azimuts va rester ouverte en 2022. Cet environnement, instauré artificiellement par les banques centrales mondiales dont la Fed aux Etats-Unis, a en effet permis aux entreprises de s'endetter à moindre coût, les taux d'intérêt restant très bas.
D'autant que sur ces montants pharamineux, les Etats-Unis ont capté à eux seuls 323 milliards d'investissements, soit une hausse de 114%, en raison d'une vague de fusions et acquisitions qui ont presque triplé durant l'année écoulée.
En 2022, « Les acteurs du capital investissement devront faire face toutefois à une concurrence accrue, avec notamment la recrudescence de l'émergence des SPAC (special purpose acquisition companies) à fin 2021, avec près de 500 véhicules en recherche active de cibles », tempère toutefois PwC qui pointe l'importance des investissements ESG pour cette année.
L'âge d'or du banquier conseiller en investissements
Résultat, ce sont les banquiers d'affaires qui profitent le plus des offensives lancées par les conseils d'administration des entreprises. La banque d'affaires américaine Goldman Sachs a par exemple dégagé en 2021 un chiffre d'affaires et des bénéfices records, grâce notamment à ses activités de conseil aux entreprises. La firme a continué à bénéficié en fin d'année de l'activité de ses banquiers qui conseillent les entreprises souhaitant mener des opérations de fusions ou d'acquisitions ou lever de l'argent sur les marchés. Le chiffre d'affaires de cette division a grimpé de 45%.
Même embellie du côté de JPMorgan Chase qui a gagné 48,3 milliards de dollars sur l'ensemble de l'année, un record. Citi a vu son bénéfice net doubler à 22 milliards tandis que celui de Wells Fargo a été multiplié par six, à 21,5 milliards de dollars.
Au quatrième trimestre, les commissions de ces banquiers conseillers ont encore bondi de 43% chez Citi, de 37% chez JPMorgan, note l'étude du cabinet Allen & Overy.
Plus proche de l'Europe, le constat est le même sur les terres de la finance, à la City de Londres. Au Royaume-Uni, malgré le Brexit, on note aussi un "dynamisme du marché des fusions et acquisitions."
Les deals marquants en 2021
Parmi les accords les plus marquants de l'année, la fusion entre WarnerMedia, filiale du groupe américain de télécommunication AT&T, avec Discovery, estimée par Dealogic à 96 milliards de dollars. Ou encore l'achat du studio du développeur Zynga par le géant américain de jeux vidéo Take-Two Interactive le 10 janvier.
En Europe, les négociations qui se poursuivent autour de Telecom Italia, pour laquelle le fonds américain KKR a fait une offre, tiennent le monde de la finance en haleine depuis novembre. Autre deal marquant, celui entre une filiale de la banque Société Générale et le numéro un européen du leasing automobile LeasePlan, le 6 janvier.
2022, vers la fin de l'helicopter money
La fin programmée des politiques monétaires accommodantes, pour stopper une inflation galopante, ne devrait pas avoir d'effet immédiat sur le dynamisme des fusions-acquisitions.
Santé financière, coût de l'endettement faible, volonté de transformation et de trouver des relais de croissance: "les mêmes facteurs devraient conduire aux mêmes résultats" en 2022, estime pour l'AFP Frédéric Moreau, associé au département Fusions-Acquisitions du cabinet Allen & Overy à Paris.
Pour autant, cet optimisme ne fait pas encore consensus. "Les obstacles tels que la hausse des taux d'intérêt, de l'inflation et de la fiscalité ainsi que le renforcement de la réglementation pourraient freiner la conclusion de transactions", observe de son côté PwC.
« L'activité de fusions-acquisitions en 2021 a été majoritairement soutenue par une forte demande pour les actifs technologiques. En 2022, la course à la technologie continuera d'être un enjeu majeur dans tous les secteurs. Les entreprises chercheront également à maintenir leurs avantages concurrentiels et à réinvestir en cédant les activités peu performantes ou non stratégiques. (...) Cette année, il sera plus que jamais crucial de disposer d'un plan solide de création de valeur pour les transactions » conclut Stéphane Salustro, associé responsable des activités Deals de PwC France et Maghreb.
(Avec AFP)
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