La fintech Checkout valorisée 40 milliards de dollars : le fondateur livre ses secrets

En moins de trois ans, la société spécialisée dans les paiements en ligne Checkout.com a levé 1,8 milliard de dollars en quatre levées de fonds et elle est désormais valorisée 40 milliards de dollars. Son fondateur et dirigeant, Guillaume Pousaz explique depuis Dubaï les raisons de ce succès qui tient, selon lui, en trois mots : digital, entreprises et services dernier cri. Une chose est sûre, les valorisations démentes de ces entreprises de technologie dans le digital traduisent avant tout un changement radical du monde dans lequel nous vivons. Explications.
Guillaume Pousaz; fondateur en 2012 de Checkout.com, vise le marché américain de l'e-commerce.
Guillaume Pousaz; fondateur en 2012 de Checkout.com, vise le marché américain de l'e-commerce. (Crédits : DR)

En moins de trois ans, la société britannique spécialisée dans les solutions de paiement en ligne Checkout.com, fondée il y a dix ans par Guillaume Pousaz, a levé auprès d'investisseurs près de 1,8 milliard de dollars et a vu sa valorisation multipliée par vingt.

La dernière levée de fonds (en série D), d'un montant d'un milliard de dollars, réalisée la semaine dernière, valorise en effet la fintech à 40 milliards de dollars ! Soit deux fois et demi la valorisation atteinte il y a tout juste un an. Pendant cette période, en 2021, le volume de paiement traité a été multiplié par trois, à 100 milliards de d'euros, et ce pour la troisième année consécutive. La croissance du chiffre d'affaires est logiquement dans le même ordre de grandeur.

40 milliards de dollars, c'est beaucoup mais cela reste encore inférieur à certains concurrents, comme l'Américain Stripe (95 milliards de dollars en mars 2021) ou le néerlandais Adyen qui pèse 61 milliards de dollars en Bourse. Sur un registre un peu différent (le paiement fractionné), le suédois Klarna frôle les 46 milliards de dollars lors de sa dernière levée de fonds en juin 2021. Enfin, l'acteur historique des paiements en ligne, PayPal, avoisine les 210 milliards de dollars sur le Nasdaq.

Ces sommes peuvent paraître extravagantes pour des sociétés qui n'existaient pas, ou à peine, il y a dix ans et qui compte de quelques milliers de salariés. Le jeu des comparaisons avec le secteur bancaire est encore plus frappant : BNP Paribas, première banque européenne, 118 milliards de dollars de fonds propres et 190.000 salariés, est actuellement valorisée 93 milliards de dollars.

Changement radical du monde

Pour certains, ces folles valorisations sont bien la preuve de l'existence d'une bulle sur la fintech, alimentée par des liquidités excessives. Pour d'autres, elles sont le reflet d'une croissance hors normes des transactions en ligne, qui accompagne elle-même une explosion du commerce en ligne. Le fondateur de checkout.com le résume lui-même ainsi : « Nous assistons aujourd'hui à une transformation rapide du monde dans lequel nous vivons vers un monde qui sera 100% digital et c'est bien sur cette vague que nous voulons surfer », explique à La Tribune Guillaume Pousaz.

L'explication a le mérite de la clarté. La réussite de Checkout.com (et consorts) est donc une réussite de notre époque, forgée par la Covid-19. « La pandémie a provoqué des changements fondamentaux dans le monde dans notre façon de consommer et de travailler sur Internet. En l'espace de deux ans, l'e-commerce ou l'économie du digital a gagné cinq ans, sans retour en arrière. Ensuite, les nouvelles générations arrivent sur le marché, ils ne consomment plus comme leurs parents et ils vont accélérer cette marche vers la digitalisation », avance le jeune milliardaire suisse quarantenaire, désormais basé à Dubaï.

Ce n'est plus la marche de l'Empereur, mais la marche des startups de la transition numérique, dont ne cesse de se féliciter le président Emmanuel Macron qui vient de fêter la 25ième licorne française. Ces licornes qui sont d'ailleurs l'exemple concret de la transformation du monde mais aussi de la réussite de Checkout.com. Ainsi, Qonto, la fintech des PME qui vient de lever 486 millions d'euros, est un client de Checkout.com. Tout comme Back Market (450 millions d'euros levés, plus de 5 milliards d'euros de valorisation) ou la nouvelle licorne Lydia (91 millions d'euros récemment levés).

La technologie nourrit la technologie

Comme une évidence, Checkout.com accompagne également quelques stars parmi les néobanques, comme Revolut ou Wise. Mais aussi, les champions de la « gig economy » (économie des petits boulots), comme Deliveroo, ou les poids lourds de la « net economy » en Europe, comme Facebook, TikTok ou bien Netflix.

« Toutes ces entreprises modernes sont en train de changer la vie des gens et facilitent le commerce en réduisant les « frictions » à l'achat. Elles se sont créées sur de nouvelles technologies et elles sont naturellement plus sensibles pour s'adresser à un acteur moderne des paiements, basé sur de nouvelles technologies, pour trouver une solution à leurs besoins », estime Guillaume Pousaz.

Une façon à peine voilée de dire que les acteurs historiques des paiements, notamment les banques, ne sont plus dans le coup. Surtout que les banques ne sont plus propriétaires de leurs systèmes mais sous licence de prestataires historiques qui ont du mal à suivre le mouvement.

Qui pouvait en effet penser qu'Apple Pay, après des années de stagnation, allait devenir un moyen de paiement incontournable en moins de trois ans ? Ou comment proposer un service de « split payment » qui permet à un prestataire de diviser un paiement et de l'inscrire sur plusieurs comptes bancaires différents en temps réel ? C'est pourtant un service de plus en plus apprécié par des acteurs comme Uber ou les places de marché, dont le prix de l'achat doit être simultanément réparti entre la plateforme, le livreur et le fournisseur du service (ou du bien), à travers une seule transaction.

Dernier cri

Car, selon Guillaume Pousaz, le nerf de la guerre dans les paiements n'est plus le prix (« nous sommes plutôt en haut de la fourchette des providers »), mais bien la capacité d'innover, et vite. « Ce que nos clients apprécient, c'est notre statut de société de technologie, capable de créer de nouveaux services pour nous adapter en permanence et de proposer toujours le service de paiement dernier cri », vante le dirigeant.

Ce dernier compte faire la différence avec ses compétiteurs sur plusieurs postulats. Tout d'abord, se consacrer exclusivement au digital et au commerce en ligne. Ensuite, concentrer son offre sur les entreprises en ligne en forte croissance, contrairement à Stripe par exemple qui a fondé son développement sur les petites entreprises. Enfin, de proposer des services, « dans une logique de banque privée avec son client ». « Il est très important pour nous de bien choisir nos clients car c'est la seule manière que nous avons d'offrir ce service très spécialisé que les gens recherchent », ajoute Guillaume Pousaz.

Pay In et Pay Out

C'est bien l'addition de services qui pourrait transformer progressivement ce prestataire de services de paiement en véritable banque digitale au service de l'e-commerce. L'an dernier, Checkout.com a franchi le Rubicon en faisant évoluer son système « d'accepteur de paiement » à celui « d'émetteur de paiement », comme une banque traditionnelle. En clair, Checkout.com fait non seulement entrer de l'argent (pay in) pour le marchand mais il peut également payer les salariés ou les fournisseurs de son client (pay out).

Sur le réseau social TikTok par exemple, c'est la société qui assure le paiement des millions d'influenceurs qui créent les contenus. Au total, ce sont plus de 3 milliards de dollars qui ont été assurés en 2021 en « pay out », au lieu de transiter par les banques.

Cette année, plusieurs nouveaux services seront lancés, souvent en concurrence frontale avec les banques, comme un service de KYC en ligne (Know Your Customer, identification du client final) et un service de « split payment ». Ces deux services devraient accompagner l'offensive de la société auprès des marketplaces, une priorité pour 2022. « Les marketplaces représentent déjà presque la moitié du e-commerce », constate Guillaume Pousaz.

Conquête de l'Ouest

L'autre priorité, qui devrait engloutir l'essentiel du milliard de dollars levés, est la conquête des États-Unis, le gros marché de l'e-commerce dans le monde (Chine exceptée mais ce marché est interdit aux acteurs non chinois). « Nous nous sommes vraiment concentrés jusqu'ici sur l'Europe et l'Asie mais nous servons déjà de grandes entreprises américaines, hors de leur marché domestique. Les États-Unis sont donc une extension logique de notre activité », explique le dirigeant. Déjà, la moitié de l'équipe dirigeante réside à New York et 80 salariés (sur 1.700 au total, dont deux tiers en Europe) sont basés à San Francisco pour servir la clientèle de la Silicon Valley.

Mais le marché américain est vaste et très compétitif et la fintech devra énormément investir en ressources marketing et technologie. Le nombre de salariés sur le territoire devrait augmenter de 200% dès cette année. Le groupe prévoit d'ailleurs un ambitieux plan de recrutement pour porter ses effectifs à 3.000 d'ici la fin de l'année et à 4.500 fin 2023.

« Nous avons déjà une taille significative mais il existe tout un segment de l'e-commerce qui nous échappe encore, environ la moitié des gros acteurs, notamment les marketplaces. L'enjeu sera toujours d'innover et je pense qu'une entreprise comme la nôtre sera toujours plus rapide et efficace qu'une banque traditionnelle », conclut Guillaume Pousaz.

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Commentaires 2
à écrit le 19/01/2022 à 8:01
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Ils ont bien raisons d’en profiter et ces startup sont assez malines pour tirer leur épingle du jeu. Chapeau Mais, tous les ingrédients d’une bulle sont là…

à écrit le 19/01/2022 à 6:28
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Depuis dubai quelle honte

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