
Après l'heure des expérimentations tous azimuts, voici le temps de la collaboration. Les entreprises, qui s'emparent massivement de la Blockchain, en particulier dans la finance, passent à cette nouvelle étape. Ce mercredi 31 octobre, deux plateformes de financement du commerce international soutenues par des consortiums de banques ont annoncé un un accord de collaboration (Memorandum of understanding, MoU). Il s'agit de la plateforme européenne we.trade (lancée en juillet 2017 sous le nom de Digital Trade Chain), soutenue par 12 banques, dont Natixis et Société Générale, mais aussi HSBC, Santander, Deutsche Bank et UBS, et de la toute jeune plateforme de Hong Kong eTradeConnect, qui est entrée en phase de production cet été.
Les deux plateformes vont travailler à leur interconnexion pour des opérations de commerce international, aux processus encore peu dématérialisés et encore très papier, afin de permettre à des entreprises membres de we.trade d'engager une transaction avec des membres d'eTradeConnect, de faire de l'affacturage, et vice-versa.
« Cette connexion entre deux plateformes Blockchain de financement du commerce international de grande ampleur est une première, sans précédent » soulignent les deux parties dans un communiqué conjoint.
Baptisé au départ Hong Kong Trade Finance Platform, eTradeConnect s'est appuyé sur une expérimentation à l'initiative de la banque centrale de Hong Kong (HKMA) et a été développé par deux entreprises chinoises, Ping An Technology et Shanghai OneConnect. Elle regroupe un consortium de banques de la région Asie-Pacifique (ou filiales locales), notamment Bank of China, Bank of East Asia, Hang Seng Bank, Australia and New Zealand Bank (ANZ), DBS, HSBC, Standard Chartered, rejointes notamment par ICBC et BNP Paribas Hong Kong.
Une passerelle entre l'Asie et l'Europe
Les deux partenaires utilisent la même technologie, HyperLedger Fabric, l'infrastructure blockchain open source hébergée par la Fondation Linux, dans sa version développée par IBM pour we.trade.
« L'interconnexion des réseaux blockchain est une condition nécessaire clé pour étendre la portée des membres et des services offerts par chaque réseau » insistent les deux plateformes. « La collaboration entre eTradeConnect et we.trade ouvre la première passerelle entre les marchés asiatiques et européens » et ouvre « la voie vers un couloir de commerce digitalisé pour les activités de Trade Finance entre l'Asie et l'Europe » font-elles valoir.
La plateforme we.trade, qui a réalisé en juillet ses premières transactions en temps réel, avait annoncé son projet de s'étendre hors d'Europe en 2019. Les deux partenaires disent partager la même vision de faciliter le commerce transfrontalier en offrant une connectivité mondiale.
« Cette collaboration ne concerne pas que la connectivité informatique, mais aussi les modèles opérationnels, les cadres juridiques et la gouvernance entre les réseaux et les utilisateurs » a relevé le directeur opérationnel de we.trade, Roberto Mancone, un banquier venu de Deutsche Bank et de BNL BNP Paribas (Italie). « Ce type de coopération entre plateformes va devenir de plus en plus nécessaire à l'avenir, du fait de la décentralisation et de la prolifération des solutions digitales mondiales. »
L'enjeu de l'interopérabilité
Il existe en effet déjà une flopée de plateformes Blockchain pour le commerce international. La semaine dernière, huit banques internationales, HSBC, ING, BNP Paribas, Standard Chartered, SEB, Bangkok Bank, CTBC Holding (ChinaTrust) et NatWest, ont présenté Voltron (utilisant la technologie Corda de la startup R3 soutenue par un consortium de banques). La startup britannique TradeIX a développé avec R3 la plateforme Marco Polo, derrière laquelle se trouvent notamment ING, BNP Paribas, Commerzbank, Standard Chartered, NatWest et Natixis. Il y a également Easy Trade Connect, qui a donné naissance à la startup Komgo dans le commerce international de matières premières (sur Ethereum). Il y a également Finacle Trade Connect, la solution de l'indien Infosys qui a créé un réseau Blockchain en Inde, présenté comme agnostique sur le plan technologique, en collaboration avec sept banques indiennes.
Toutes sont bâties sur la promesse de rendre le financement du commerce international et ses processus un brin archaïques plus rapide, plus transparent, plus automatisé, moins coûteux, plus intelligent. Une promesse qui ne pourra être tenue si ces plateformes restent refermées sur elles-mêmes. Il faudra les rendre interopérables et s'accorder sur des standards. Déjà, le consortium derrière l'initiative Batavia d'IBM et UBS, a rejoint we.trade début octobre.
« La collaboration entre les entreprises et l'interopérabilité Blockchain émergent comme des aspects clés de la croissance de la technologie de registre distribué (DLT) » soulignaient les experts du cabinet IDC dans une étude cet été.
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