Blockchain : la finance, moteur des investissements

Le secteur financier représente plus d’un tiers des dépenses estimées cette année dans la technologie des chaînes de bloc, selon les prévisions du cabinet IDC. Encore modestes, les investissements dans les solutions de registre distribué devraient enregistrer une croissance « phénoménale » de 73,2% par an d’ici à 2022, à 11,7 milliards de dollars.
Delphine Cuny
Les investissements dans les solutions Blockchain ces dépenses devraient enregistrer une croissance « phénoménale » dans le monde d'ici à 2022, selon le cabinet IDC,

La Blockchain pourrait être à l'origine de « la quatrième révolution industrielle » et constituer une rupture aussi importante que celle de l'Internet, selon ses promoteurs. Née avec le Bitcoin, cette technologie de stockage et de transmission d'informations, sous la forme d'une sorte de grand registre numérique distribué, intéresse de nombreux acteurs industriels. Les investissements dans les solutions reposant sur la technologie de « chaîne de blocs » demeurent encore modestes, même s'ils ont doublé en un an, à 1,5 milliard de dollars dans le monde en 2018, selon les estimations du cabinet américain IDC. Cependant, ces dépenses devraient enregistrer une croissance « phénoménale », de 73,2% par an, et être multipliées par 7,8 d'ici à 2022, pour atteindre 11,7 milliards de dollars.

« L'enthousiasme pour la Blockchain continue d'être universellement partagé entre les régions alors que les entreprises et les organisations continuent d'explorer les applications métiers potentielles de la technologie. Les préoccupations réglementaires et les normes de l'industrie continuent d'entraver l'adoption généralisée, à l'heure où les gouvernements du monde entier collaborent avec les entreprises afin de définir des politiques et une gouvernance », estime Stacey Soohoo, responsable de la recherche de l'équipe Analyse & vision clients chez IDC. « La collaboration entre les entreprises et l'interopérabilité Blockchain émergent comme des aspects clés de la croissance de la technologie de registre distribué (DLT).»

Il ressort que les acteurs américains sont aujourd'hui les plus actifs (36% des investissements) et qu'ils devraient le rester dans les années à venir, suivis des européens. La collaboration à l'échelle internationale est toutefois indispensable pour cette technologie par essence décentralisée.

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Blockchain investissements IDC par région

[Les États-Unis représentent 36% des investissements dans les solutions Blockchain dans le monde en 2018, devant l'Europe de l'ouest. Cliquer pour zoomer. Crédits : IDC]

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Adoption rapide dans la banque

Les dépenses actuelles dans des solutions Blockchain proviennent en premier lieu du secteur financier, qui devrait investir cette année 552 millions de dollars, soit 36% du total, « en grande partie grâce à l'adoption rapide dans le secteur bancaire » souligne IDC. En particulier en Europe, où le secteur devance la distribution et les services, qui sont, eux, en tête aux États-Unis.

« Le secteur des services financiers sera le principal moteur en Europe occidentale, Moyen-Orient et Afrique (MEA), en Chine et en Asie Pacifique (hors Japon) en 2018 », souligne le cabinet IDC. Les dépenses du secteur bancaire spécifiquement devraient augmenter de plus de 74% par an d'ici à 2022.

Si les montants précis sont rarement dévoilés, de nombreuses banques ont investi directement dans des startups ou des consortiums Blockchain, notamment dans les Américains R3 (où l'on retrouve Natixis, Société Générale, BNP Paribas, aux côtés de Bank of America Merrill Lynch, HSBC, ING, etc) ou Digital Asset (Goldman Sachs, JP Morgan, Citigroup, BNP Paribas, etc).

En février, Crédit Agricole et Citigroup ont investi dans Setl, une Fintech britannique ayant développé une infrastructure de paiements et règlements permettant aux acteurs de marché d'échanger directement entre eux des actifs ou des liquidités. Six sociétés de gestion (Ofi AM, Groupama AM, La Banque Postale AM, Lyxor AM (SG) Arkéa IS, Financière de l'Echiquier) ont aussi confié à Setl la conception d'une plateforme européenne de registre de fonds, sous le nom d'Iznes.

En juin, ING et BNP Paribas ont investi dans le britannique TradeIX, qui a développé conjointement avec R3 une plateforme ouverte, Marco Polo, pour le financement du commerce international (domaine très prometteur pour la Blockchain), rejointe par d'autres institutions financières, dont Natixis et Commerzbank.

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Blockchain invest banques us et euro

[Investissements des banques européennes et américaines dans des startups de l'univers Blockchain à fin juin 2018. Crédits CB Insights]

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Les banques mènent aussi toute une série d'expérimentations avec certaines de ces startups et/ou de grands cabinets de conseil. HSBC et ING ont réussi en mai dernier « la première véritable opération de trade finance en exploitant la technologie Blockchain », une lettre de crédit pour le compte du groupe américain Cargill. La plateforme we.trade (ex-Digital Trade Chain, sur une technologie IBM), une joint-venture entre neuf banques européennes dont la SG et Natixis, a annoncé début juillet avoir réalisé ses premières transactions de commerce international en temps réel.

Crédit Agricole mène aussi une expérimentation visant à simplifier et accélérer les virements transfrontaliers sur une Blockchain privée développée par la Fintech californienne Ripple. L'espagnole Banco Santander a lancé en avril dans quatre pays un service de virements internationaux sur la Blockchain, One Pay FX, en utilisant la technologie de Ripple (dont elle est actionnaire), pour garantir un paiement le jour même et l'exactitude du montant transféré.

Conformité, conservation, règlements : de nombreux cas d'usage

Même la Banque de France a mis en production une Blockchain, ce qui constitue une première mondiale de la part d'une banque centrale. Il s'agit d'une chaîne de blocs privée interbancaire pour gérer le registre d'identifiants créanciers SEPA (entreprises autorisées à émettre des prélèvements), qui a vocation à remplacer à terme l'ancien système centralisé. La Caisse des Dépôts teste avec le Crédit Agricole, Natixis et CNP Assurances le prêt de titres (plus exactement la gestion du "collatéral") sur la Blockchain. La France a été également pionnière en Europe en autorisant par ordonnance le transfert de propriété de titres non cotés en Bourse sur un registre numérique partagé.

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Blockchain Sepa Banque de France

[Le registre des identifiants créanciers SEPA existant, centralisé à la Banque de France, et la version décentralisée par la Blockchain. Cliquer pour zoomer. Crédits : Banque de France]

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Les cas d'usage potentiels de la Blockchain sont nombreux dans le secteur financier : IDC souligne notamment « la conformité réglementaire, les paiements et les règlements transfrontaliers, la conservation et le suivi des actifs, ainsi que le financement du commerce international et le règlement des opérations post-trade ». Les dépenses les plus importantes porteront d'ailleurs cette année sur les paiements transfrontaliers et les règlements (193 millions de dollars, devant celles concernant les cas d'usage de traçabilité de marchandises dans les services (160 millions) et le trade finance et post-trade (148 millions de dollars).

« Ces trois cas d'usage resteront les plus importants en termes de dépenses en 2022 également » prédit IDC.

Il s'agira principalement de dépenses en services aux entreprises et en informatique. Les géants de l'IT se sont tous positionnés sur la Blockchain, notamment IBM avec sa plateforme basée sur le projet opensource de la Fondation Linux Hyperledger, tout comme l'éditeur de logiciels Oracle, qui a développé des « briques » Blockchain à son cloud et compte l'Arab Jordan Investment Bank parmi ses premiers clients à cette nouvelle offre. Microsoft a développé des solutions sur son cloud Azure et fait partie de l'Ethereum Alliance, un vaste consortium d'une trentaine d'entreprises, principalement des secteurs de la banque (JP Morgan, ING, Santander, etc) et de la tech, destiné à définir des standards d'utilisation d'Ethereum, un type de Blockchain permettant de créer des « smart contracts », des contrats intelligents qui s'exécutent automatiquement.

Ce domaine intéresse aussi de près les assureurs : Axa a ainsi lancé il y a quelques mois une assurance de retard d'avion sur la Blockchain, sur ce principe du « smart contract ».

Lire aussi : Retard d'avion : Axa lance une assurance automatique sur la Blockchain

Delphine Cuny

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Commentaires 6
à écrit le 12/09/2019 à 19:31
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J 'ai des projets dans le domaine de plantation des arbres , de l'élevage des animaux .moutons ,vaches,et anes

à écrit le 24/07/2018 à 14:18
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Et ça consomme combien d'électricité au total ce bazar ?

le 24/07/2018 à 19:32
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Ça dépend du mécanisme de consensus utilisé par chaque blockchain. Celui utilisé par la blockchain Bitcoin (Proof of work) est hyper énergivore. Celui bientôt utilisé par la blockchain Ethereum (Proof of stake) ne l'est absolument pas. Bref, ceux...

à écrit le 24/07/2018 à 13:51
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Où sont les énarques grincheux qui vilipendaient les cryptomonnaies en 2017? On en a désormais la preuve, ces gens là donnent leurs opinions alarmistes même quand ils ne maitrisent pas leur sujet. 12 mois plus tard, les voilà qui veulent faire de la...

à écrit le 24/07/2018 à 13:26
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Pour comprendre la Blockchain et son rôle dans les crypto-monnaies, un excellent article en cliquant sur le lien : https://gagnercryptomonnaie.com/comprendre-les-crypto-monnaies/comprendre-les-crypto-monnaies/

le 24/07/2018 à 19:40
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Il faudrait plutôt dire: comprendre le rôle des crypto-monnaies dans la technologie blockchain. Et oui! sans crypto-monnaies, pas de blockchain! Donc tous les loulous qui encensent la technologie blockchain mais crachent sur les crypto-monnaies: al...

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