« Donner une valeur de référence au carbone » (V. Champain)

[ La #COP21 des économistes 4/4 ] Les économistes spécialistes du climat ne croient pas outre mesure à la méthode employée par la COP21. La plupart militent pour la mise en place d'outils permettant de faire émerger un prix du carbone. Le seul moyen d'inciter fortement entreprises et consommateurs à changer leurs habitudes. "La Tribune" a questionné quatre spécialistes, pour quatre approches différentes. Aujourd'hui, Vincent Champain, coprésident de l'Observatoire du long terme.
Vincent Champain, coprésident de l'Observatoire du long terme.

LA TRIBUNE - La priorité contre le changement climatique doit-elle être d'avoir un prix unique du carbone, comme le préconise le Prix Nobel Jean Tirole ?

VINCENT CHAMPAIN - Si le carbone n'a pas de prix, les émissions seront trop élevées. Il faut donc faire payer quelque chose à ceux qui envoient du carbone dans l'atmosphère. Ce « quelque chose » doit être à la hauteur des effets nocifs du carbone. Un prix unique est donc le bon objectif de long terme.

Et tout de suite ? Que peut-on faire ?

On n'aura pas un prix unique du carbone mondial à court terme : il faudrait pour cela un consensus entre 190 pays, aussi différents que le Burkina Faso et la Suède...

À court terme, ce qui serait facile à faire, c'est de publier une valeur de référence, c'est-à-dire une estimation scientifique de ce que « coûte » une tonne de carbone émise. Il suffit pour cela d'une demi-douzaine d'économistes. Ce serait un travail similaire à celui du Giec, qui a abouti à un consensus sur la cible de 2°C. Ce serait un pas vers le prix unique du carbone, et c'est un pas faisable tout de suite ! Cette valeur de référence donnerait une cible commune à tous les pays du monde. Elle pourrait être traduite - dans les pays qui le pourront -en un prix du carbone.

Et après ? Un prix mondial du carbone est-il possible ?

Une valeur de référence donne une information aux acteurs économiques. Un prix ajoute une dimension de contrainte - c'est un ensemble de normes, de régulations, de taxes ou de marchés de droits d'émissions qui imposent à chacun de payer pour chaque tonne émise.

Le prix unique, c'est un peu un mirage. En pratique, il faut un mélange d'efficacité économique, qui imposerait un prix unique et immédiat, et de justice, qui force à reconnaître que les pays industrialisés ont « pris de l'avance » sur les pays pauvres en termes d'émissions : cela se traduira nécessairement par des niveaux d'efforts différents, et donc des prix différents.

À l'intérieur même d'un pays, il faut s'attendre à un prix « dual ». S'agissant des secteurs « verts », le prix du carbone se traduit par une aide financière : il est donc facile de leur appliquer un prix élevé. En revanche, pour les secteurs émetteurs, par exemple le raffinage en France, le prix de carbone augmentera les coûts et pénalisera l'emploi. Il sera difficile d'appliquer le « vrai » prix immédiatement. Ce qui sera acceptable, ce sera de donner une « cible » (la valeur de référence), et d'appliquer un prix qui évolue progressivement vers cette cible pour laisser à l'entreprise le temps de s'adapter. Même la France ne pourra faire sans un tel « prix dual » : c'est d'ailleurs ce que l'on voit avec l'écart entre la valeur du carbone dans les aides françaises aux renouvelables, et le niveau, plus bas, des droits d'émissions carbone.

Quel serait l'instrument le plus efficace ? Une taxe ? Des droits à polluer ? Des normes ?

Le « prix carbone » est une vue de l'esprit. En pratique, on utilise une multitude d'outils (normes, taxes, droits...) adaptés à différents types d'émetteurs. Pour les acteurs très rationnels, qui feront très vite des calculs économiques (industriel devant choisir entre gaz et charbon), un prix « explicite » sera le plus adapté - des permis d'émissions ou une taxe. Pour un particulier choisissant un réfrigérateur, il vaut mieux faire le calcul pour lui - c'est-à-dire définir une norme qui définisse le niveau de performance optimal. Il faut évidemment que le « coût implicite par tonne de CO2 », c'est-à-dire le surcoût de la norme rapporté aux émissions évitées, de cette norme ait un sens économique !

Quel sera le coût de la transition climatique ?

Avec les technologies actuelles, si l'on veut faire cesser le réchauffement cela coûtera de 5% à 10% du PIB. En France, cela revient à augmenter tous les impôts et contributions de 10 % à 20 % ! Heureusement, l'innovation - c'est-à-dire des solutions qui restent à découvrir - peut probablement réduire fortement ce coût. Mais si on le veut, il faut dire aux innovateurs potentiels combien vaut une tonne de CO2 en moins. Pour cela, comme pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, l'urgence est donc de définir une valeur de référence du carbone. Plus vite on le fera, plus le coût de la transition climatique sera modéré.

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Lisez notre série "La COP21 des économistes" en 4 épisodes :

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Commentaires 3
à écrit le 02/12/2015 à 6:58
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Si on diminue le cout du travail avec l'augmentation du prix de l'énergie, cela favorise le développement de l'économie. Lisez la page 12 de la note n°6 du conseil d'analyse "économique.

à écrit le 01/12/2015 à 21:38
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les tarif d'autoroute, ça commence à faire cher, si celle-ci étaient moins chères, cela permettrait que beaucoup d’automobilistes, prennent l’autoroute, pour ne pas polluer, en traversant les communes, et les villes, en voiture, mais la on entend p...

à écrit le 01/12/2015 à 19:39
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Plantez des arbres et trouvez un autre "polluant" a condamner!

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