Aéronautique : l'emploi est devenu le sujet de préoccupation numéro 1 du secteur

L'aéronautique peine à remonter en puissance malgré une demande forte, aussi bien civile que militaire. Après la réduction des effectifs pendant la crise, le recrutement est identifié comme la pierre angulaire de la remontée en cadence. D'où des efforts de recrutement importants, mais il faudra encore attendre pour qu'ils portent leurs fruits.
Léo Barnier
Le secteur aéronautique a besoin de bras pour faire remonter ses niveaux de production.
Le secteur aéronautique a besoin de bras pour faire remonter ses niveaux de production. (Crédits : Reuters)

Dans la remontée en puissance de l'aéronautique, certains temps sont incompressibles. C'est le cas pour l'emploi. Après avoir perdu des salariés et des compétences durant la crise, le secteur doit désormais continuer à embaucher massivement avant de pouvoir espérer remonter franchement en cadences. Lors d'une conférence de presse ce jeudi 27 avril, Guillaume Faury, président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales et président exécutif d'Airbus, a fait part de l'urgence autour du recrutement.

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 « Nous voyons clairement une remontée significative en termes de volume d'activité industrielle. Tout le monde est mobilisé pour réaliser cet objectif », affirme Guillaume Faury, en mettant en avant le besoin de répondre à une demande revenue au niveau d'avant crise et des perspectives solides.

Il souligne le dynamisme des activités de défense, avec des commandes en forte hausse sous la pression de la guerre en Ukraine, et une aviation commerciale qui a besoin d'appareils, après avoir retrouvé son trafic d'avant crise en ce début d'année.

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Résultat, 66 milliards d'euros de commandes ont été enregistrées par les entreprises du Gifas l'an dernier. C'est quatre milliards d'euros de plus qu'en 2019. Le patron d'Airbus a pointé le fait que ces contrats viennent à 60% de la défense, là où le civil représentait les trois-quarts de la valeur avant la crise.

L'emploi plus inquiétant que l'énergie

Dans un cas comme dans l'autre, l'industrie est en flux tendu pour être en mesure de répondre à cette demande. Et pour y arriver, elle doit continuer à recruter.

« C'est un sujet qui nous occupe beaucoup, qui nous passionne. Nous devons trouver les bras et les cerveaux des hommes et des femmes qui vont nous permettre de faire tout ce que nous avons à faire pour le futur, ce qui entraîne un certain nombre de challenges », reconnaît Guillaume Faury.

Il va même plus loin pour quantifier l'urgence de la situation : « Le sujet de l'emploi est repassé devant celui de l'énergie, qui était le sujet de préoccupations numéro 1 en fin 2022 ».

Une analyse corroborée par Clémentine Gallet, présidente du Comité Aéro-PME du Gifas et de Coriolis Composites. « Nous avons des PME qui n'arrivent pas à faire tourner leurs équipements aujourd'hui, parce qu'ils n'ont personne à mettre dessus, témoigne-t-elle. C'est une vraie galère et c'est ce qui tend le plus la reprise et la capacité de la filière à produire ».

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De fait, le Gifas a révisé à la hausse ses objectifs d'embauches. En 2022, les entreprises de l'aéronautique et du spatial ont recruté 18.000 personnes, soit 20% de plus que l'objectif initial. Et rebelote en 2023 avec 18.000 nouvelles embauches prévues, essentiellement en CDI. A cela s'ajoute l'embauche 7.000 alternants, ainsi qu'un recours accru à l'intérim avec 5.000 équivalents temps plein supplémentaires. Ces niveaux de recrutements sont largement au niveau de ceux constatés 2019, lorsque le secteur était déjà en pleine montée en cadence, avant d'être fauché par la crise sanitaire, comme l'explique Philippe Dujaric, directeur des affaires sociales et de la formation du Gifas.

Compte tenu du turnover et surtout des départs à la retraite, le solde net pour 2022 et 2023 est d'environ 7.000 emplois créés pour chaque année. De fait, à la fin de 2023, le nombre de salariés du secteur devrait dépasser à nouveau les 200.000 personnes, hors travail temporaire. Il retrouverait ainsi son niveau précédant la crise, après avoir chuté d'environ 7% durant celle-ci. De même, les effectifs en travail temporaire augmentent fortement pour atteindre un total 11.000 équivalents temps plein.

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Les candidats manquent à l'appel

Encore faut-il dénicher les candidats. Comme le souligne Clémentine Gallet, recruter n'est pas une tâche aisée : « Les outils sont en place, mais pas les candidats ». Le problème se ressent particulièrement pour les petites entreprises de la chaîne de sous-traitance, qui ne bénéficient par de l'attractivité des grands donneurs d'ordres comme Airbus ou Safran, en particulier sur les métiers industriels.

Elle indique que les plus grosses tensions se retrouvent sur les métiers tels que les ajusteurs, les opérateurs de commandes numériques, les chaudronniers, les techniciens... essentiellement dans les métiers de la métallurgie. Un manque qui se vérifie dès les écoles spécialisées. Elle plaide ainsi « à pousser nos jeunes dans ces écoles », en les sensibilisant dès la fin du collège et en seconde, au moment où se font les orientations vers les filières techniques. A l'inverse, Clémentine Gallet estime « qu'au niveau des ingénieurs, nous sommes pas mal couverts ».

Les ingénieurs et cadres représentent pourtant plus de la moitié des besoins de recrutement, comme le détaille Philippe Dujaric, tandis que les techniciens supérieurs comptent pour environ 25% et les ouvriers qualifiés un peu plus de 20%. Concernant ces derniers, il faut aussi ajouter les recrutements en intérim, comme l'explique le directeur des affaires sociales et de la formation du Gifas.

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Le retour du Bourget

Pour renforcer son attractivité, le secteur mise notamment sur le retour du salon du Bourget, en juin 2023. Cet événement incontournable pour le secteur sera marqué par plusieurs initiatives, telles que l'Avion des métiers, la gratuité pendant trois jours pour les étudiants et les demandeurs d'emploi, ou encore la signature d'une convention pour trois ans avec Pôle emploi pour une meilleure information et l'intégration pour les offres des entreprises aéronautiques. En place depuis l'an dernier, le site vitrine « L'Aéro Recrute » sera également mis en lumière durant le salon. Celui-ci permet notamment un affichage des petites entreprises aux côtés des grands donneurs d'ordres.

Malgré ces efforts, et à condition qu'ils soient concluants, il faudra encore attendre pour en mesurer les effets sur la production. S'exprimant plus largement sur la capacité de la filière à remonter en puissance, Didier Kayat, président du Groupe des équipements aéronautiques et de défense (GEAD) du Gifas et directeur général de Daher, fait cette analyse : « Nous sommes encore loin en termes de production cette année. La fantastique sortie de crise de la demande nous a fait entrer dans une crise de l'offre. Cela nous prendra cinq ans pour sortir réellement de cette crise. 2023 sera encore une année compliquée. »

Le niveau de production d'avant crise n'est ainsi plus espéré avant fin 2024. Ce qui dépendra essentiellement de la capacité d'Airbus à atteindre son objectif (plusieurs fois repoussé) de 65 appareils de la famille A320 NEO par mois dans le courant de l'année 2024. Didier Kayat se veut néanmoins confiant et affirme « voir la lumière au bout du tunnel grâce à l'ensemble des soutiens, des grands donneurs d'ordres aux plus petites PME ».

Léo Barnier

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Commentaires 6
à écrit le 28/04/2023 à 15:16
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Les ajusteurs sont souvent des variables... d'ajustement !

à écrit le 28/04/2023 à 12:49
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Si Monsieur Guillaume Faury veut embaucher, il doit savoir que le Salaire, le logement et la qualité de vie au travail sont les 3 leviers pour améliorer l’attractivité d’une entreprise.

le 29/04/2023 à 5:40
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Encore faut-il des manuels qui ne rêvent pas télétravail.Contrairement à l'Allemagne qui donne un métier l'éducation nationale française donne un savoir , et nos jeunes ne pensent que sciences sociales .

à écrit le 27/04/2023 à 18:43
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Je pense que Fleury comme les autres patrons du secteur ont sureagi en se delestant de trop de competences pendant le Covid car bien qu'ingenieur ils ont une vue trop financiere court termiste. Maintenant il faut souvent 5 ans environ pour rendre au...

à écrit le 27/04/2023 à 18:40
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Bonjour, Bon ils faut bien comprendre que tous les intérimaires qui n'ons pas travailler lors de la crise on etait voir ailleurs.... certains ons du trouver autre chose et ne souhaitent pas remettre le doigts dans cette affaire.. Maintenant, ils...

le 28/04/2023 à 4:53
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Comme dans tous les secteurs, non?

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