ATR prêt à lancer une nouvelle génération d'avions régionaux très éco-responsables

Les deux actionnaires d'ATR (Airbus et Leonardo) ont donné leur feu vert pour étudier le lancement d'une nouvelle famille de turbopropulseurs appelée ATR EVO doté d'un moteur hybride. La décision définitive sera prise en 2023.
Michel Cabirol
ATR vise une amélioration de 20 % du rendement énergétique global de sa nouvelle famille d'avions régionaux qui émettront plus de 50 % de CO2 en moins qu'un jet régional.
ATR vise une amélioration de 20 % du rendement énergétique global de sa nouvelle famille d'avions régionaux qui émettront plus de 50 % de CO2 en moins qu'un jet régional. (Crédits : ATR)

Si, si Airbus et Leonardo l'ont fait. Les deux actionnaires du leader mondial de l'aviation régionale ont permis à ATR de réfléchir à la mise sur le marché en 2030 d'une nouvelle génération de biturbopropulseurs, appelée ATR EVO. Plus précisément, ils ont autorisé lors d'un conseil d'administration qui s'est tenu en début d'année, le constructeur franco-italien à lancer une étude de faisabilité portant sur des améliorations incrémentales majeures sur la cellule actuelle.

"Quand on regarde l'optimisation de notre avion en termes de structure, il n'y a aucune raison pour tout changer. Cette étude, lancée conjointement au sein du GIE d'ATR avec Leonardo et Airbus, nous permet de nous projeter vers l'avenir", explique à La Tribune le directeur commercial d'ATR, Fabrice Vautier. Cette étude de faisabilité va comprendre une étude technique et une étude de marché, qui vont compléter les travaux déjà lancés discrètement en interne depuis plusieurs mois sur ce projet.

"Aujourd'hui, nous sommes dans une phase de consolidation des idées que nous avons travaillé en interne en termes de dimensionnement mais aussi de retours d'expérience avec nos clients", explique à La Tribune le directeur technique d'ATR, Stéphane Viala.

Rendez-vous en 2023

Au cours des prochains mois, ATR continuera à travailler avec des compagnies aériennes, des motoristes et des fournisseurs de systèmes avec l'objectif de prendre une décision de lancement du programme dès 2023. L'avionneur toulousain n'a pas souhaité communiquer le montant du financement de ce projet. En novembre dernier, l'avionneur franco-italien avait déjà lancé la remotorisation de sa gamme d'avions (ATR 72 et 42) grâce à des moteurs un peu moins gourmands en kérosène et plus performants dans le support. Les premières livraisons de ces appareils à Air Corsica sont prévues dès novembre de cette année.

Très clairement, Airbus et Leonardo croient en l'avenir d'ATR. Ce qui n'était pas gagné d'avance. "Nos actionnaires croient en notre avenir, confirme Fabrice Vautier. Il n'y a absolument aucun doute sur le sujet. Ils nous l'ont démontré en nous permettant d'avancer sur ce sujet. Cette décision est fondamentale et c'est un signe très fort". Même s'il ne s'agit pas clairement d'un programme d'un nouvel avion partant d'une feuille blanche... Airbus a ainsi refusé à ATR pendant plusieurs années de lancer un appareil de 90 places.

Des émissions de CO2 "proches de zéro"

Outre un design ultramoderne et un nouveau système propulsif, ces appareils (ATR 42 et 72) s'appuieront sur des technologies innovantes qui permettront d'améliorer les performances de l'avion, ses coûts opérationnels et son empreinte environnementale. "Ses atouts clés sont une amélioration de 20 % du rendement énergétique global et sa compatibilité 100 % SAF. Autrement dit, propulsé au kérosène, l'appareil émettra plus de 50 % de CO2 de moins qu'un jet régional. Avec 100 % de SAF, ses émissions seront proches de zéro", explique le président exécutif d'ATR, Stefano Bortoli, cité dans le communiqué publié mercredi.

"Cette nouvelle génération d'appareils nous permettra de faire un pas de plus vers une aviation responsable, via de nouvelles innovations incrémentales. Une fois commercialisé, le nouvel ATR EVO ouvrira la voie à un futur décarboné pour le transport aérien", estime Stefano Bortoli.

ATR "vise également une réduction de 20 % des coûts de maintenance globale", précise à La Tribune Fabrice Vautier. "Nous développons également avec des fournisseurs des technologies qui nous permettront de réduire les coûts de maintenance liés au système de dégivrage en passant à un système électrique", ajoute Stéphane Viala. L'amélioration des performances est à comparer avec les appareils actuellement en production, et non ceux qui seront propulsés par le nouveau moteur PW127XT de Pratt & Whitney Canada. Un moteur dont les coûts de maintenance seront réduits de 20%. En règle générale, les moteurs représentent la moitié des coûts de maintenance d'un avion.

Un moteur hybride en vol

Comme toujours la propulsion sera la clé de la réussite de ce programme. "Nous avons adressé une demande d'information (Request for information) aux principaux motoristes pour le développement du nouveau système propulsif, qui associera des technologies de motorisation actuelles et de prochaine génération", souligne Stéphane Viala. Le constructeur veut disposer d'un "moteur traditionnel qu'on vient hybrider en vol avec une source électrique", précise le directeur technique d'ATR. Les réponses des motoristes permettront dans le cadre de cette étude de faisabilité au constructeur de comprendre "comment il va pouvoir atteindre les objectifs de performances poursuivis". En 2023, ATR décidera de lancer ce nouvel appareil après avoir effectué "le bilan de tous les arbitrages pour définir quel sera le produit que nous lancerons".

"L'idée est d'utiliser la propulsion électrique pour optimiser globalement la façon dont on génère la poussée, notamment au moment du décollage et lors de la montée de l'appareil, et de partager cet effort entre deux sources d'énergie, l'électrique et le thermodynamique. En outre, le fait de réduire la taille du moteur nous permettra des gains de consommation de carburant. Ce qui va nous permettre également d'être plus économe sur les SAF", explique Stéphane Viala.

Car ATR entend énormément miser sur les carburants d'aviation durable (SAF) pour réduire l'empreinte environnementale de ses futurs appareils, qui seront compatibles à 100 % avec les SAF. Il compte avoir la certification 100% SAF de ses avions motorisés par le PW127XT à l'horizon 2025. "C'est un axe important sur lequel nous travaillons", souligne le directeur technique. "En termes d'émission de CO2, on sera à des niveaux très, très bas sur la nouvelle famille. On ne sera pas à zéro mais on en sera proche. On devrait les réduire de 82% avec les SAF", estime-t-il. Le constructeur travaille également beaucoup sur l'éco-conception, qui permet aussi de réduire la masse de l'avion. Que ce soit sur de nouvelles hélices (six ou huit pales ?) que sur une cabine dotée de matériaux bio-sourcés plus légers (fibres de chanvre ou de lin). "La recyclabilité sera également au cœur de notre nouveau design", affirme Stéphane Viala.

"Nos avions représentent le benchmark de l'aviation en termes d'émissions carbone. C'est de notre devoir pour les clients et les acteurs politiques d'avancer sur cet axe et donc vers la décarbonation", insiste Stéphane Viala.

Un avion censé élargir le marché pour ATR

Pour les compagnies aériennes, ce nouvel avion va tomber à pic. Comme l'ATR EVO sera encore plus économique, "les compagnies aériennes seront en mesure de desservir des routes avec de faibles flux de passagers de façon plus rentable", estime Fabrice Vautier. "Cet avion va nous permettre de répondre vraiment à ce qu'attend le marché en termes de décarbonation, précise-t-il. C'est très important pour les marchés matures - Europe, Amérique du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande. Il répondra aussi à l'attente de beaucoup de nos clients dans les pays émergents - Indonésie, Inde, Brésil - pour lesquels le coût d'opération reste un paramètre très, très important. Ces atouts que nous voulons renforcer, nous permettront de rester leader sur notre marché avec un avion plus efficace".

Le marché de l'aviation régionale, et en particulier des turbopropulseurs, est aujourd'hui dans une phase de reprise. "Nous avons constaté une nette tendance à la hausse en 2021, avec des signes positifs d'un marché en reprise", a estimé début février le directeur général Stefano Bortoli. Fabrice Vautier dit le sentir quand il rencontre les compagnies aériennes. "Il y a même un certain nombre de marchés qui dépassent les niveaux de trafic qu'il y avait avant la crise", explique-t-il. Aussi, après deux années difficiles en 2020 et 2021 (respectivement 10 et 31 livraisons), le chiffre d'affaires va être boosté par l'augmentation des livraisons. Cette année, ATR vise "un petit peu moins de 40 livraisons", puis en 2024, "une cinquantaine de livraisons". Ce qui va se traduire par des montées en cadence sur le plan industriel.

Michel Cabirol

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Commentaires 4
à écrit le 19/05/2022 à 10:01
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"Des avi0ns très éco-responsables." Qu'est ce qu'on peut lire de c0nnerie sur éco-c0uillonnade.

à écrit le 18/05/2022 à 14:39
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...." Avec 100 % de SAF, ses émissions seront proches de zéro "... formidable dirait Donald T. Donc comme Peugeot à l'époque qui affirmait que ce qui sortait de l'échappement était plus propre que l'air ambiant... la on brûle du comburant sans émettr...

à écrit le 18/05/2022 à 12:28
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Oui peut eétre mais en quel prix par reduction de la vitesse du vol pas trés bon ça

à écrit le 18/05/2022 à 10:32
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Bonne nouvelle pour ATR, mais remarquez que ATR est resté un GIE (contrairement à ex Airbus Industrie) et cela n'a rien changé à son efficacité. Il est donc faux de dire qu'il faut toujours tout intégrer et tout fusionner: d'ailleurs Aérospati...

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