La Grèce ne relâche pas la pression sur la Turquie en dépit des discussions entamées entre les deux pays pour régler leurs différends en Méditerranée orientale. Après l'achat ultra rapide de 18 Rafale à Dassault Aviation (cinq mois de négociations), la Grèce souhaite tout aussi rapidement boucler le dossier des frégates. "La décision sera prise au cours du premier semestre de cette année à l'issue d'une procédure spécifique", a expliqué la semaine dernière le ministre grec de la Défense, Nikolaos Panagiotopoulos, lors d'une interview accordée à ALPHA TV. Au-delà de l'achat de quatre frégates neuves et de la modernisation des quatre frégates MEKO de fabrication allemande, la Grèce veut aussi rapidement deux navires d'occasion "prêts" et "en bon état, éventuellement mis à niveau". Soit "une solution intermédiaire" en attendant la mise en service des frégates neuves dans sept ou huit ans.
"L'ensemble de ce «paquet» recevra une évaluation très minutieuse de la part des responsables de la marine, qui indiqueront la meilleure suggestion pour aller de l'avant, a indiqué le ministre dans une autre interview à la télévision grecque ERT1. Nous devons aller vite. Du temps a été perdu. La Marine doit être renforcée par de nouvelles frégates de combat majeures. Elle a montré sa valeur et sa capacité de combat cet été en mer Égée et en Méditerranée orientale, mais cela ne signifie pas qu'elle ne doit pas être renforcé avec de nouveaux navires".
Dans ce contexte, la Grèce souhaite obtenir une offre complète de la part des chantiers navals étrangers intéressés par cet expression d'intérêt (RFI). Et ils sont nombreux, très nombreux, selon le ministre grec. "Nous avons l'embarras du choix entre de nombreuses propositions intéressantes, a assuré Nikolaos Panagiotopoulos. Nous en avons quatre ou cinq : les Français qui vont venir, les Américains, les Britanniques, les Allemands, entre autres, puis les Espagnols, les Néerlandais". Des groupes navals, qui devront obligatoirement passer par les chantiers navals grecs pour la construction locales de certaines frégates, a expliqué le ministre de la Défense. Le chantier grec Skaramanga, au cœur d'une énorme polémique en Grèce, serait pour le moment exclu de ce dossier, selon nos informations.
Ce que la France pourrait proposer
La France est évidemment très intéressée par les demandes grecques. Outre les quatre frégates de défense et d'intervention (FDI) et la modernisation des MEKO grecques, elle proposerait, selon Nikolaos Panagiotopoulos, deux frégates légères furtives de type La Fayette, qui doivent être remplacées par les FDI livrées à partir de 2023. La Marine a décidé de rénover trois frégates de type La Fayette (La Fayette, Courbet et Aconit) tandis que les deux autres navires (Surcouf et Guépratte) resteront en l'état. Les travaux sont prévus de durer un an. "Nous attendons les propositions concrètes" de la France, a expliqué le ministre grec sur ALPHA TV. Et contrairement à ce qui a été écrit, la ministre des Armées Florence Parly n'a pas remis d'offre lors de sa visite à Athènes lundi dernier pour assister à cérémonie de signature du contrat Rafale.
"Florence Parly, la ministre française de la Défense, n'est pas venue pour apporter la proposition française pour les frégates (lundi dernier, ndlr) à Athènes, mais elle a assuré que cette proposition n'est pas en retard", a confié Nikolaos Panagiotopoulos à ALPHA TV.
L'équipe de France va devoir rattraper son retard sur la concurrence. Car sur ce dossier, tout a été mis en stand-by en attendant la signature du contrat Rafale par Dassault Aviation. Il a été notamment demandé à Naval Group ne pas parasiter les négociations entre la France et la Grèce sur le Rafale, jugé prioritaire par Paris et Athènes. Ce que le groupe naval a fait de bonne grâce. Aujourd'hui le contrat Rafale signé, Naval Group reprend donc sa "liberté" commerciale. Il va proposer à la Grèce quatre FDI, dont une fabriquée à Lorient et trois autres dans les chantiers navals grecs. S'agissant des partenaires grecs, il attendrait un signe du gouvernement pour savoir avec qui il doit conclure un partenariat.
Une histoire pas simple pour Naval Group en Grèce
Naval Group n'a pas une histoire très simple en Grèce. Plusieurs fois proche de signer un contrat avec Athènes (frégates FREMM, puis FDI), le groupe naval doit à nouveau se lancer dans une compétition incertaine. Et pourtant en juillet 2020 quand le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis informe Emmanuel Macron que la Grèce change de priorité en matière d'acquisition d'équipements militaires - des Rafale plutôt que des FDI armées de missiles de croisière MdCN -, le contrat était quasiment à la signature, selon l'entourage de la ministre des Armées.
Dans une interview accordé dimanche au journal grec "Proto Thema", Nikolaos Panagiotopoulos a expliqué qu'il n'y avait pas eu d'accord (pas de MoU, Memorandum of Understanding) entre la France et la Grèce sur les FDI, simplement "une lettre d'intention", qui exprimait "notre désir d'entamer des négociations pour l'acquisition des deux Belh@rra". Au final, a-t-il confié, ce navire a été "jugé trop cher pour nos capacités financières". Le montant de l'offre française était évalué à 2,5 milliards d'euros. Pour autant, il a à nouveau rappelé que "l'acquisition de navires français n'a jamais été exclue" et a précisé qu'il "n'y a pas eu de préférence à une solution américaine".
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