Ce serait une énorme claque pour la France. La Grèce ne souhaite plus en l'état signer ni l'accord intergouvernemental (AIG), ni plus tard le contrat portant sur la vente de deux frégates de défense et d'intervention (FDI) armées de missiles de croisière Scalp naval pour 2,5 milliards d'euros, selon nos informations. Le montant du contrat comprend les frais de développement des FDI et du Scalp Naval sur les FDI ainsi que les frais d'intégration de certains équipements étrangers. Les ministres des Armées et des Affaires étrangères, Florence Parly et Jean-Yves Le Drian, se démènent pour faire revenir les Grecs à la table de négociations. Les Grecs trouvent le prix des deux FDI trop cher, les conditions et les clauses de financement beaucoup trop insuffisantes et dures.
Des coups de téléphone de la part des deux ministres, y compris ce jeudi, ont été passés pour renouer les fils et tenter de comprendre ce qui se passait à Athènes, où seul deux fonctionnaires du Trésor et de la Direction générale de l'armement (DGA) négociaient jusqu'alors avec le ministre des Finances grec, Chrístos Staïkoúras. Cela rappelle une affaire perdue au Maroc (Rafale). Matignon ne souhaite pas s'occuper de ce dossier tandis que l'Élysée n'est pas encore saisi officiellement par Naval Group et le missilier MBDA, qui n'ont plus d'agents locaux en Grèce pour savoir ce qui se passe exactement - ils paient aux prix fort le zèle de leur politique française de compliance. Pourtant le temps presse... L'Élysée doit rapidement riposter.
Un dossier hautement stratégique pour la France
Alors que tout se passait bien ces derniers mois (y compris pendant le confinement) entre la France et la Grèce sur le calendrier de signature de l'AIG (juillet) et du contrat (avant la fin de l'été), un changement de ton de la part d'Athènes, et en particulier du ministre des Finances grec, serait intervenu il y a trois semaines environ. Chrístos Staïkoúras aurait multiplié des demandes techniques aux deux fonctionnaires pour finalement expliquer qu'il lui fallait le temps de la réflexion avant de signer un accord de défense et l'AIG, et, donc, plus tard le contrat. Des clauses techniques auraient été relevées par les Grecs.
Ce dossier est triplement stratégique pour la France : géopolitique en Mer Méditerranée, industriel (Naval Group, Thales et MBDA, notamment) et enfin capacitaire (Scalp Naval à bord des FDI. "Le perdre dans cette actualité serait une véritable défaite", estime un observateur. D'autant que la France, isolée en Europe, a apporté un vrai soutien à la Grèce face à la Turquie. Ce qui interroge très, très fortement dans ce dossier.
La main invisible des Américains ?
Dans cette décision, certains y voient en coulisse la pression des Etats-Unis, qui souhaitent fournir aux Grecs du matériel peu chers avec les Israéliens, des corvettes SA'AR 72 armées par du matériel américain. Ce qui plairait d'ailleurs beaucoup aux Turcs qui ne veulent absolument pas de Scalp naval en mer Méditerranée, notamment aux mains de Grecs. Les Etats-Unis souhaitent réarmer depuis plusieurs mois la Grèce face au appétits chinois et face à la Russie, au profit des industriels américains.
Dans ce dossier, l'ambassadeur américain Geoffrey Ross Pyatt est d'ailleurs très actif. Il cordonne la CIA, le DoE (Energie), le DoS (relations internationales) et le DFC (initiative financière du trésor américain). En outre, le groupe américano-russe ONEX, a repris le site de Syros en 2019, et surtout début juillet, le chantier naval grec Elefsis, qui a été le partenaire de Naval Group dans les années 2000. Enfin, il y a eu accord (MoU) entre Israel Shipyards et ONEX pour construire chez Elefsis une série de 6 SA'AR 72. Pour le moment, il n'y a ni budget, ni commande de la marine.
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