Les industriels de la défense ratent le train de la relance

Les industriels de la défense ne rentraient pas dans la stratégie écologique du gouvernement. Résultat, ils ne montent pas dans le train du plan de relance.
Michel Cabirol
Pas de Rafale dans le plan de relance très écologique du gouvernement Castex...
Pas de Rafale dans le plan de relance très écologique du gouvernement Castex... (Crédits : © Pascal Rossignol / Reuters)

Pas de commande anticipée de Rafale, pas de porte-avions de nouvelle génération... Le plan de relance du gouvernement Castex, qui avait suscité beaucoup d'appétit et surtout de l'espoir chez les industriels de la défense, n'a aucune retombée directe pour cette filière industrielle pourtant d'excellence, qui regroupe 4.000 entreprises travaillant à la fois pour la défense et pour le civil (200.000 personnes). Hormis pour le spatial militaire (télécoms, observation et navigation), qui a attiré dans son orbite 50 millions d'euros environ

Résultat, les entreprises du secteur devront se contenter des promesses budgétaires de l'actuelle loi de programmation militaire (LPM), qui est "tous les jours un plan de relance", explique-t-on au sein du ministère des Armées. Pour la plupart des grands industriels du secteur, le respect de la LPM est vital et représente la ligne rouge à ne pas franchir par le gouvernement. Sur cinq ans (2019-2023), elle consacre en principe 110 milliards d'euros pour l'équipement des forces armées et sur l'ensemble de la LPM (2019-2025) 180 milliards. Les industriels "ne peuvent pas se plaindre", estime l'Hôtel de Brienne.

Des entreprises en difficulté

Pour autant, 92 entreprises dans la défense, dont 80% de PME et entreprises de taille intermédiaire, ont déjà été considérée "dans une situation critique" en raison de la crise liée au Covid-19, a expliqué lors d'une conférence de presse l'ingénieur général de l'armement Vincent Imbert, qui pilote une "task force" mise en place au sein de la Direction générale de l'armement (DGA) pour identifier les sociétés du secteur en danger (1.236 ont été ciblées). Ces 92 entreprises ont dû faire l'objet d'un soutien du ministère des Armées pour obtenir des prêts bancaires et anticiper des commandes prévues ultérieurement par la LPM. Pour la moitié d'entre elles (47), la DGA considère leur situation comme stabilisée à ce stade.

Mais la DGA dit s'attendre à devoir en aider d'autres à l'automne. Car "le pic du problème sera à l'automne, vraisemblablement en octobre-novembre". "On a identifié 80 entreprises dont on sait qu'il faudra leur porter une attention particulière dans les prochaines semaines", a Vincent Imbert. Interrogé par La Tribune sur la situation de l'entreprise stratégique Aubert & Duval, mise en vente par Eramet, le ministère des Armées a expliqué qu'il y avait "des pistes qui existent" pour que cette entreprise garde un actionnariat français. "Ce dossier est suivi comme le lait sur le feu et à très haut niveau", a précisé l'Hôtel de Brienne.

Le Rafale pas assez vert

Mais une éventuelle commande anticipée de Rafale (500 entreprises participent à ce programme) ne s'inscrivait pas dans la politique écologique du gouvernement, estime-t-on au ministère des Armées. Question de stratégie du gouvernement, qui a fait ses choix politiques : 30 milliards d'euros consacrés à la transition écologique, 35 milliards à la compétitivité et 35 milliards à la cohésion sociale. Pourtant le gouvernement discutait avec Dassault Aviation d'un possible ajustement de "calendrier" pour la commande de 30 Rafale, initialement prévue pour 2023, afin de l'aider à faire face à la crise du secteur aéronautique, avait déclaré dimanche la ministre des Armées, Florence Parly. Mais au final le Rafale n'est pas assez vert...

Toutefois, les industriels de la défense bénéficieront comme toutes les entreprises de la baisse de 10 milliards d'euros des impôts de production (soit 20 milliards sur les deux ans du plan de relance), via notamment une réduction de moitié de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (soit 7 milliards) et la baisse de moitié des impôts fonciers pesant sur les sites industriels. Mais le ministère escompte que ces réductions d'impôt se traduisent in fine par des baisses de prix des armements.

Les industriels de la défense pourront également proposer des projets dans le cadre du quatrième PIA, (PIA4) avec une taille cible 20 milliards d'euros sur cinq ans, dont 11 milliards dans le plan de relance. Il combinera deux logiques d'intervention visant à accélérer l'innovation dans tous les secteurs. Le ministère des Armées compte bien défendre "bec et ongles" des projets présentés par les industriels de la défense, et notamment ceux qui permettront de relocaliser des technologies souveraines en France dans le cadre de la politique de "désItarisation" des systèmes d'armes afin d'échapper à la réglementation américaine ITAR. Un dispositif extraterritorial, qui permet aux Etats-Unis d'interdire la vente à l'exportation d'armement si un composant est américain.

La défense a déjà eu son plan de relance

Le ministère des Armées a annoncé début juin 600 millions d'euros de commandes anticipées dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique. Un plan estampillé Airbus par l'écosystème. Ces commandes comprennent trois Airbus A330 MRTT, huit hélicoptères Caracal, un avion léger de surveillance et de renseignement (ALSR) et des drones pour la Marine nationale (SDAM et SMDM), qui apportent aux bâtiments de surface une capacité d'identification et de renseignement.

Le 25 août, la DGA a ainsi commandé pour 200 millions d'euros trois Airbus A330, dont deux seront livrés d'ici à la fin de l'année. Ceux-ci seront ultérieurement convertis en avions-ravitailleurs en Espagne mais permettent de fournir du travail à Airbus et à ses nombreux sous-traitants. Ainsi, cette commande préservera l'équivalent de 100 emplois pendant 2 ans, estime le ministère des Armées. Les huit hélicoptères commandés très prochainement préserveront l'équivalent de 960 emplois pendant trois ans tandis que l'ALSR pérennisera l'équivalent de 150 emplois pendant deux ans.

Michel Cabirol

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Commentaires 6
à écrit le 07/09/2020 à 9:39
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La souveraineté d'un pays n'est pas une mesure ponctuelle. Les besoins en matériels et surtout en personnels sont criants.... ou bien c'est le retour aux débâcles 1940. Pas besoin du covid pour comprendre que la défense est une variable facile. ...

à écrit le 06/09/2020 à 18:10
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Si il n'y a vraiment que 50 M€ pour le spatial militaire c'est une fine plaisanterie. Surtout ramené aux 100 Mds en question. Juste pour situer le débat, un système d'observation satellitaire de bon aloi dépasse allègrement les 1.5 Md €. 50 M€ c'est ...

à écrit le 04/09/2020 à 16:41
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Erdogan veut trois grands porte-avions. On pourrait les lui offrir ?

à écrit le 04/09/2020 à 8:09
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Curieux et rassurant. Curieux puisque ces derniers jour, il semblait vouloir faire la guerre sur tous les fronts, Turquie, Liban , Irak, Afrique. Rassurant car cette obsession d'engager des conflits de façon unilatéral, était un suicide annoncé pour ...

le 04/09/2020 à 13:03
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Merkel a surtout la trouille d’énerver Erdogan. Sachant que la communauté turque en Allemagne est de 3M de personnes, elle craint les troubles à l'ordre public en cas de bras de fer contre le petit sultan.

le 04/09/2020 à 13:53
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Si la France n'était pas intervenue au Mali et dans la zone du Sahel, on se retrouverait aujourd'hui avec un califat islamique. De plus, si la Turquie réussissait à avoir la main mise sur la Libye, elle pourrait faire pression sur la France et l’Ital...

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