L'Etat français prêt à voler au secours de PSA

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  993  mots
L'Etat, qui détient déjà 15% de Renault, est prêt à sauver le caractère "français" du groupe PSA en crise. Le retrait brutal de GM a surpris le constructeur tricolore, qui a besoin d'argent frais. Son titre perdait 9% ce mercredi matin

"La question" d'une éventuelle entrée de l'Etat au capital de PSA se posera certainement, mais pour l'instant, laissons les entreprises discuter entre elles", affirme ce vendredi  le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg,.interrogé sur BFMTV. "L'Etat décidera quand nous aurons la connaissance de la nature exacte de l'accord entre Dongfeng et PSA", a-t-il ajouté, répétant que "la ligne rouge, c'est que PSA reste français". Le ministre a ajouté:  "l'Etat a l'argent pour faire beaucoup de choses, surtout en matière industrielle".

L'Etat suit de très près le dossier

"L'Etat suit de très près le dossier", indiquait-on jeudi dans l'entourage du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, qui connaît très bien PSA Peugeot Citroën et la famille Peugeot (il est élu de Montbéliard), a rappelé de son côté que "l'Etat est un acteur tout à fait impliqué dans une nouvelle phase de l'histoire de PSA".

"Si le partenariat (en cours de négociation) avec Dongfeng devait se conclure, l'Etat veillera à faciliter son aboutissement", précisait de son côté une source gouvernementale également jeudi. L'Etat a déjà un pied au sein du constructeur en crise. Il avait en effet dû in extremis apporter, il y a un an, une garantie à la filiale bancaire Banque PSA Finance, d'un montant maximal de 7 milliards d'euros d'ici à la fin 2015.

L'Etat français, qui détient par ailleurs 15% de Renault, a en échange placé un homme de confiance, Louis Gallois, au sein du conseil de surveillance de PSA. Paradoxe: le gouvernement socialiste, dont certains membres avaient invectivé la famille Peugeot lors de l'annonce de la fermeture d'Aulnay à l'été 2012, est obligé de voler à son secours pour "sauver".le grand groupe automobile privé en déshérence.

Le titre Peugeot en chute

Le titre du constructeur automobile chutait lourdement vendredi matin à la Bourse de Paris (-9%), après l'annonce jeudi de la vente par GM de sa part de 7% dans le capital, signant là l'échec de la grande alliance stratégique mondiale nouée en février 2012 par Philippe Varin, le président de PSA qui doit céder son fauteuil en 2014 à Carlos Tavares, ancien numéro deux de Renault.

La veille, Peugeot SA le titre avait déjà dégringolé de 7,6%, le groupe tricolore ayant annoncé officiellement qu'il envisageait une augmentation de capital et une entrée au capital du groupe public chinois Dongfeng, avec lequel il négocie une nouvelle "grande alliance". Après le ratage avec GM mais aussi un premier échec avec le japonais Mitsubishi... Le retrait brusque de l'américain a d'ailleurs surpris PSA, qui en prend acte par un communiqué on ne peut plus laconique ce vendredi.

Ce retrait est toutefois logique. PSA avait en effet annoncé jeudi matin une révision à la baisse du périmètre de son alliance avec GM, au terme de laquelle les synergies espérées seraient quasiment réduites de moitié, soit "environ 1,2 milliard de dollars par an à partir de 2018" (870 millions d'euros). Le français et l'américain ont abandonné les projets phares d'une plate-forme conjointe pour petits véhicules et d'un moteur à essence de petite cylindrée.

Rien que des coopérations techniques

L'alliance franco-américaine se limite donc in fine à des coopérations techniques et industrielles. Elle sera concentrée sur le périmètre européen, alors que PSA espérait que GM pourrait l'aider hors du Vieux continent. Ce que l'américain s'est bien gardé de faire... Il est vrai que GM est réputé pour avoir toujours raté ses alliances, avec les japonais Isuzu, Suzuki, Fuji Heavy (Subaru) puis l'italien Fiat.

La coopération entre PSA et Opel, filiale allemande en déficit structurel de GM,  se bornera à une production d'un futur monospace compact Opel chez PSA à Sochaux, la fabrication des minispaces des deux groupes chez General Motors à Saragosse (Espagne). Ces deux familles de véhicules seront développées "sur des plates-formes PSA". Les premiers véhicules issus de l'alliance devraient être commercialisés à partir de 2016. Un  programme portant sur une nouvelle génération de véhicules utilitaires légers est également lancé.

20% pour Dongfeng et l'État français

Le conseil de surveillance de  PSA Peugeot Citroën a approuvé le principe d'une augmentation de capital de 3,5 milliards d'euros impliquant le groupe Dongfeng et l'Etat français, annonçait mercredi l'agence Reuters. Cette proposition, qui n'a pas encore été finalisée, prévoit une augmentation de capital préférentielle avec droits de souscription pour les actionnaires existants et une augmentation de capital réservée, dont le prix serait fixé à moins de sept euros par action, a ajouté une source proche du dossier.

Selon les termes de la proposition, Dongfeng et l'Etat français prendraient chacun environ 20% du groupe, tandis que la famille Peugeot verrait sa participation ramenée à 15% environ, a poursuivi la source. Le capital de PSA Peugeot Citroën est contrôlé aujourd'hui à 25,2% par la famille fondatrice - qui possède 37,9% des droits de vote.  GM avait fait savoir qu'il ne souscrirait pas à une nouvelle augmentation de capital. Dès lors, condamné à être dilué, l'américain n'avait aucune raison de demeurer actionnaire.

3 milliards d'euros de dépréciation d'actifs

PSA, qui avait affiché une perte de plus de 5 milliards d'euros l'an dernier, a annoncé  jeudi qu'il dépréciait encore une fois les actifs de sa division automobile. Une dépréciation "qui pourrait s'élever à environ 1.1  milliard 'euros". Ce qui "viendra en diminution du résultat du groupe".  Le groupe avait déjà subi 3 milliards d'euros de dépréciation d'actifs.

Le groupe a certes confirmé "son objectif de réduire au moins par deux sa consommation de free cash-flow opérationnel en 2013",  mais il en brûlera quand même encore 1,5 milliard d'euros. Et PSA ne s'engage nullement sur un un flux de trésorerie à l'équilibre fin 2014, comme il l'avait promis l'an passé.