Peugeot Motocycles, la petite PME qui rêve de devenir grande

Le fabricant de deux roues, qui n'appartient plus au groupe PSA depuis quatre ans maintenant, déroule un ambitieux plan stratégique fondé sur un large renouvellement de gamme mais également sur une accélération à l'international. La PME du Doubs veut également surfer sur la mode des mobilités légères, largement portées par la crise du coronavirus mais aussi par les politiques anti-voitures en agglomération. Une aubaine pour l'entreprise qui lutte depuis trente ans contre l'offensive des deux roues asiatiques...
Avec le nouveau Metropolis, Peugeot veut capitaliser sur la mode du trois roues, un marché très dynamique et profitable.
Avec le nouveau Metropolis, Peugeot veut capitaliser sur la mode du trois roues, un marché très dynamique et profitable. (Crédits : Peugeot Motocycles)

C'est précisément à l'endroit même où est né l'automobile Peugeot qu'est actuellement fabriqué le scooter de la marque éponyme. Ironie de l'histoire, car Peugeot Motocycles est définitivement sorti du giron du groupe automobile français en 2019, et appartient désormais au groupe indien Mahindra. Pourtant, c'est bien à Mandeure que le siège et la principale usine produisant des Metropolis et des Pulsions sont encore installés. Ici même où, en 1854, Armand Peugeot rachète le moulin de Beaulieu et y fabriquera pour la première fois des Type 1. Dans le Doubs, on est dans le fief des Peugeot où sont encore installées les usines de Sochaux, Vesoul et l'une des plus grandes usines automobiles d'Europe, celle de Mulhouse... Pour Costantino Sambuy, PDG de Peugeot Motocycles, « le seul lien qui ne relie plus les scooters aux voitures sont des liens capitalistiques ».

Quelle responsabilité pour la petite PME, dont le destin est donc intimement lié à celui de la marque automobile : lorsque cette dernière entame son virage stratégique au mitan des années 2010 vers un repositionnement premium, à charge pour les scooters de suivre... Autrement dit, la souveraineté de la petite PME est toute relative.

Le rouleau-compresseur des marques asiatiques

En réalité, cette stratégie tombe à pic puisqu'elle colle à l'évolution du marché des scooters. Ce dernier « a été chamboulé par deux vagues de nouveaux scooters en provenance d'Asie dans les années 1990 puis dans les années 2000, il était nécessaire pour la marque de se repositionner sur le haut-de-gamme », nous explique Thierry Sanseigne, directeur des ventes internationales de Peugeot Motocycles.

L'offensive des taïwanais Kymco et Sym au début des années 1990, plus tard rejoints par des marques malaysiennes et chinoises, a fait de gros dégâts sur le secteur. « Ce déferlement a frappé toutes les marques européennes installées qui n'ont rien vu venir en l'absence d'outil statistique efficace, notamment sur les immatriculations », raconte Thierry Sanseigne. « Nous affrontions alors une concurrence qui a divisé les prix par deux, très peu d'entreprises, sur n'importe quel autre secteur, n'aurait pu survivre à une telle guerre des prix », ajoute-il.

La stratégie de repositionnement de Peugeot paraît donc incontournable, et va se dérouler en deux étapes majeures. La première est mise en œuvre à la moitié des années 2000 et consiste à refonder la gamme sur deux axes: l'entrée de gamme sera désormais fabriquée en Chine, via une coentreprise avec QinGqi, puis une offensive produit sur le milieu et le haut du segment.

Peugeot Scooter lance ainsi le Kisbee. Ce 50 cm3 bien fini et compétitif importé de Chine, fait un carton et consolide l'offensive de Peugeot sur cette catégorie. Dans le même temps, Peugeot réduit l'écart avec Honda et Yamaha, leaders des scooters de milieu de segment, avec les Satelis et Geopolis. Enfin, l'arrivée du Metropolis en 2011 consacre l'ambition de repositionnement premium de Peugeot avec ce scooter à trois roues. Ce segment est au scooter ce que le SUV est à l'automobile: très profitable et il contribue à la dynamique d'attractivité de la marque. Un trois roues se vend environ 10.000 euros, contre 1.000 à 1.500 euros pour l'entrée de gamme.

Le Kisbee, nouveau leader en Europe

En parallèle, pour renforcer cette offensive produit, le Ludix est lancé en 2007. Fun et abordable, ce 50 cm3 tente de se démarquer sur le marché avec un positionnement de "Smart des scooters", du nom de la marque de micro-citadines deux places filiale du groupe Daimler. "On tirait partout pour couvrir tous les segments tout en étant innovant", se souvient Thierry Sanseigne, véritable mémoire vivante du fabricant de deux roues.

Le nouveau Kisbee lancé en 2012 est encore plus ambitieux:

"Il n'a rien à envier à personne. Complet en équipements, il a tout ce qu'il faut : le confort, la facilité, l'amplitude dans la position de conduite. Il convient aux grands et aux petits et est disponible en moteurs deux temps et quatre temps", martèle fièrement Thierry Sanseigne.

Peugeot Scooter parvient alors à s'imposer sur le segment en Europe, et réussit même à déloger l'historique Piaggio Zip. "Le Kisbee nous a rendu notre place de leader en France et en Europe", lance le patron des ventes. Le petit 50cm3 s'est ainsi vendu à 22.000 exemplaires en 2019.

Oui mais Peugeot doit encore consolider son offensive sur les segments supérieurs. En 2019, il lance Pulsion qui remplace Satelis et Geopolis, et en 2020, la PME du Doubs lance la troisième génération de Metropolis. "Il commence à y avoir du monde sur le trois roues", concède toutefois Thierry Sanseigne. Mais Peugeot Scooter estime avoir une longueur d'avance puisque la France représente encore 60% de ce marché mondial. La génération précédente de Metropolis s'est vendue à 3.200 unités en 2019.

Vers un retour à la moto

C'est en 2018 que Peugeot Scooters - qui devient Peugeot Motocycles - lance la deuxième fusée de sa stratégie de repositionnement sous la férule de Costantino Sambuy arrivé en 2017, ancien de chez Piaggio. L'italien veut renforcer l'offensive produit sur le haut-de-gamme en imaginant une "famille" autour des trois roues. Il vise également le marché du scooter électrique, dont il estime qu'il pourrait représenter 50% du marché en 2030. Enfin, Peugeot Motocycles veut revenir sur le segment de la moto. En 2019, la marque avait présenté deux concepts pour préfigurer son ambition dans la moto, mais pour l'heure, aucun agenda n'est à l'œuvre en la matière.

Mais c'est à l'international que Costantino Sambuy veut pousser les pions de Peugeot Motocycles.

"L'Europe c'est 1,2 million de deux roues par an, contre 50 millions dans le monde, notre marché domestique est beaucoup trop étroit", analyse-t-il.

Il a donc décidé de renforcer son offensive en Chine (10 millions de scooters par an), et d'attaquer le marché de l'Asie du Sud-Est (15 millions).

Un marché très dynamique

Pour l'ancien de chez Piaggio, la crise du coronavirus a ouvert une extraordinaire fenêtre de tir pour vendre des 2 roues et gagner des parts de marché à la faveur de cette offensive produit. "L'année avait bien commencé avec un mois de janvier à +30% sur un an, puis il y a eu la crise sanitaire, mais la reprise est encore plus forte avec une explosion des ventes", se réjouit le patron de Peugeot Motocycles. Et si l'Europe se reconfine, la Chine, elle, semble avoir vaincu l'épidémie.

"La Chine est devenue notre premier marché avec des ventes multipliées par deux, soit désormais 25% de nos volumes", ajoute-t-il. Et pour profiter au maximum de cette fenêtre de tir, le constructeur français a décidé de lancer son Metropolis en Chine. "Nous sommes les premiers à vendre des trois roues en Chine", s'exclame Costantino Sambuy. Il espère le même accueil en Asie du Sud-Est.

Ainsi, Peugeot a enclenché une belle dynamique commerciale, mais qu'il est difficile d'apprécier tant la PME de 400 personnes cultive le secret sur son activité. Nous ne saurons ni le chiffre d'affaires, ni même le volume de deux roues vendus. Mais Costantino Sambuy en est convaincu, l'avenir s'annonce radieux:

"Le Covid a été un véritable accélérateur pour toutes les formes de mobilité, que ce soit la trottinette ou le vélo électrique, évidemment, le scooter en profite pleinement."

Lire aussi : Porté par l'électrique et le Covid, le vélo change de vitesse à Paris

Peugeot Motocycles a pourtant dû affronter de graves problèmes d'approvisionnement en pièces qu'il a fini par affréter par train, voire par avion afin de répondre plus rapidement à l'explosion de la demande. Les usines ont pu manquer de pièces jusqu'en juillet, et l'entreprise est à peine en train de rattraper le retard des commandes.

L'actionnaire indien en soutien

Heureusement, Peugeot Motocycles a pu profiter du soutien logistique de son actionnaire, le groupe indien Mahindra. Le groupe indien a racheté les 49% de la PME du Doubs en octobre 2019, quatre ans après en avoir acquis 51%. Avec Mahindra, Peugeot Motocycles a gagné en autonomie et en moyens pour consolider son offensive stratégique en étant ainsi adossé à un groupe spécialiste du deux roues, assis sur le premier marché du monde (20 millions d'unités par an). Le budget R&D a été augmenté de 50% et le groupe a investi sur le site de Mandeure pour gagner en productivité: compactage avec la suppression d'une ligne de production en flexibilisant la principale, préparation de kits en bord de ligne... "Nous avons largement réduit le parcours d'une pièce qui, avant ces investissements, pouvait atteindre 4,5 km", indique Baptiste Thibaud, directeur des opérations de l'usine de Mandeure.

Ces efforts étaient impératifs dans une industrie encore très manuelle, loin des lignes ultra-robotisées des usines automobiles. Le site de Mandeure tourne à fond pour répondre à l'explosion de la demande. "Nous avons fait appel aux heures supplémentaires, à des intérimaires et nous travaillons même le samedi", assure Baptiste Thibaud, soulagé d'avoir pu être enfin réapprovisionné en pièces.

Peugeot Motocycles a donc toutes les cartes en main: un plan produit ambitieux en plein renouvellement, une stratégie de repositionnement désormais bien ancrée, une usine remise d'aplomb, un actionnaire qui accompagne, un marché en forte reprise... L'entreprise estime être en capacité de consolider son leadership ou de renforcer ses parts de marché, voire de s'internationaliser. Les scooters Peugeot feront-ils alors mieux que les automobiles de l'ancienne maison-mère en ne reproduisant pas son incroyable déroute commerciale en Chine ? Pas de doutes que la famille historique regarde d'un œil bienveillant l'aventure Peugeot Scooter...

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Commentaires 7
à écrit le 07/11/2020 à 23:23
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PEUGEOT Motocycle deviendra un grand le jour où il oseront enfin se placer sur le marcher des supermotar et autre. Ça fait des années que les français attendent de voir la marque au lion tenter sa chance sur ce marchés

à écrit le 07/11/2020 à 13:51
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Il ny a plus rien de français dans le 2 roues à par l insigne Peugeot pour les Franchouillards pas la peine de faire un article

à écrit le 07/11/2020 à 11:59
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"Peugeot Motocycles est définitivement sorti du giron du groupe automobile français en 2019, et appartient désormais au groupe indien Mahindra." C'est une honte ! On a un gros gros problème en France avec le 2-roues motorisé. Nous sommes le premier ...

le 07/11/2020 à 15:42
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Très bon commentaire

le 07/11/2020 à 15:49
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Très bon commentaire c'est n'importe quoi ce pays

le 08/11/2020 à 10:26
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Oui mais n'oublions pas l'énorme marché indien qui peut assurer des débouchés exports conséquents avec un tel encrage, pour peu que l'innovation et la compétitivité se maintiennent à ht niveau chez la filiale française ( par ex ds le 2 roue élec ou l...

à écrit le 07/11/2020 à 8:46
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c est vraiment domage que cela ne sois pas francais

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