Automobile : combien de temps faudra-t-il subventionner l'électrique ?

Moins d'un tiers des Français souhaitent acheter une voiture électrique selon une étude du 11 avril réalisée par l'Ifop et Sixt. En cause : le prix que reste le frein principal à cet achat. Afin de faciliter la bascule vers l'électrique l'étude recommande une augmentation des aides gouvernementales. Mais celles-ci sont-elles vraiment efficaces ? Jusqu'à quand les attribuer ? Et pour qui ? Décryptage.
« Sur la seule force du marché actuel, vous n'avez aucune raison d'aller vers l'électrique », affirme Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'INSEEC.
« Sur la seule force du marché actuel, vous n'avez aucune raison d'aller vers l'électrique », affirme Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'INSEEC. (Crédits : DR)

Alors que l'interdiction des ventes de véhicules thermiques neufs après 2035 vient d'être votée, seulement 27% des Français déclarent vouloir acheter une voiture électrique, soit 5% de moins que l'année dernière. C'est ce que révèle une étude de l'Ifop et de Sixt publiée le 11 avril, portant cette année autour du véhicule électrique.

« Le chemin est encore long pour lever les barrières psychologiques et pratiques à cet achat », affirme Jean-Philippe Doyen, président de Sixt Europe du Sud et de l'Ouest.

Outre les inquiétudes autour de l'autonomie et des bornes de recharges, le premier frein reste à ce jour le coût des voitures électriques.

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En effet, près de 73% d'entre eux estiment qu'un prix moins élevé pourrait les inciter à passer à l'électrique, soit 5% de plus que l'année dernière. Pourtant, le gouvernement a appliqué des aides à l'achat de voitures électriques neuves de 5.000 euros et allant jusqu'à 7.000 euros pour les ménages dont le revenu est inférieur ou égal à 14.089 euros. Mais cela reste insuffisant selon l'étude qui demande un renforcement des aides gouvernementales.

La subvention, passage obligatoire pour changer l'écosystème

« Sur la seule force du marché actuel, vous n'avez aucune raison d'aller vers l'électrique », affirme Julien Pillot, économiste et enseignant-chercheur à l'INSEEC. L'industrie automobile s'est structurée autour du moteur thermique durant plusieurs décennies, créant un écosystème rentable et compétitif. Désormais, si l'on veut changer l'ensemble de l'écosystème, il est nécessaire de subventionner à tous les niveaux, estime-t-il.

En France, pour effectuer cette bascule du thermique vers l'électrique, le choix s'est porté sur trois points : une subvention à l'achat d'un véhicule neuf, des aides aux entreprises qui développent les bornes de recharge et des restrictions attribuées aux constructeurs automobiles sur la quantité d'émissions de CO2.

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D'autres pays ont fait des choix plus radicaux. C'est le cas de la Chine, qui a choisi d'imposer des quotas de production de voitures électriques aux constructeurs sous peine de se voir refuser la commercialisation de la totalité de leur flotte et de subventionner massivement. Résultat : 20% des ventes de voitures neuves sont électriques en 2023 et ce, même si la Chine a supprimé ces subventions à fin 2022.

Jusqu'à quand subventionner ?

En France, il n'est pour le moment pas question de supprimer ces subventions. L'Etat a déjà alloué 700 millions d'euros dans les aides au véhicule neuf. Le gouvernement a également évoqué l'idée d'un « leasing social » dès 2024 avec une offre à 100 euros par mois. Un projet estimé à 30 millions d'euros pour 10.000 voitures attendues.

Une question se pose alors : ces aides peuvent-elles perdurer ad vitam aeternam ? D'un point de vue économique, tant qu'il sera plus coûteux sur le plan industriel de produire un véhicule électrique qu'un véhicule thermique, les subventions peuvent se justifier. « Certaines études prévoient une bascule entre 2027 et 2030 », affirme Julien Pillot, soit au moment où le système devrait être suffisamment mature pour diminuer les coûts de production de l'électrique. Ces études sont néanmoins à prendre avec des pincettes tant elles sont hypothétiques et dépendent fortement des décisions politiques des prochaines années ainsi que des comportements d'achat.

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Mais arrêter les subventions au moment où cela se justifierait économique, pourrait poser un problème au niveau politique notamment pour des raisons de justice sociale selon Julien Pillot :

« Si on arrête les subventions à ce moment-là, ceux qui en auront profité jusqu'alors seront sûrement les personnes favorisées, les autres n'auront pas pu, par manque de moyens. Ce sont pourtant ceux qui en ont le plus besoin et qui ont, en moyenne, les véhicules thermiques les plus vieux donc les plus polluants. Ils ne pourront pas aller dans les centres-villes. Ce n'est pas parce que des subventions ne se justifient pas sur le plan économique, qu'elles ne se justifient pas sur le plan social. »

Une préférence géostratégique en réflexion

Pour l'heure, les voitures électriques les moins coûteuses sont celles provenant de Chine. En effet, le pays a développé son écosystème électrique très rapidement ce qui lui permet de bénéficier de coûts de production plus bas que les pays européens ou les Etats-Unis. D'ailleurs, selon l'étude de l'Ifop et de Sixt, plus de la moitié des Français achèteraient un véhicule chinois s'il est moins cher que son équivalent européen, c'est même 66% pour les 18-24 ans.

L'Europe est aussi, pour le moment, encore très dépendante de la Chine dans la fabrication de ses propres voitures, notamment pour les batteries électriques qui nécessitent certains métaux dits « critiques » comme le lithium ou le cobalt importés pour moitié de l'Empire du milieu.

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Or, les aides actuelles pour l'achat de véhicule neuf n'ont pas de restrictions en termes de provenance ni sur les matériaux qui composent la voiture. « Nos subventions, aujourd'hui, sont des subventions indirectes pour les intérêts chinois », regrette Julien Pillot. Dans le projet de « leasing social » pour la location de voitures, Emmanuel Macron a insisté sur une préférence européenne comme condition d'attribution. Une annonce à contre-courant du libéralisme européen mais qui fait échos aux mesures protectionnistes annoncées par le plan anti-inflation de Joe Biden. Dernièrement, le gouvernement américain a annoncé des subventions à l'achat de véhicules électriques produits en partie à l'étranger mais sous réserve d'un accord avec certains pays, dont la Chine ne fait pas partie.

Des aides « fléchées » pour les plus précaires ou les entreprises

Des subventions selon les revenus sont aussi à prendre en considération. De la même manière que le « leasing social » prévu pour 2024, d'autres subventions indirectes pourraient être attribuées selon l'économiste Julien Pillot.

« L'Etat peut financer une flotte importante de véhicules électriques mis à disposition en bordure de ville avec de grands parkings relais pour permettre l'accès au centre-ville des zones à faibles émissions (ZFE). Si on ne veut pas exclure une grande partie de la population, il est impensable de dire à des gens qu'ils ne peuvent pas venir dans les centres urbains. »

Jean-Philippe Doyen de l'entreprise Sixt propose quant à lui « un fléchage des dispositifs d'incitation à destination des entreprises afin qu'elles puissent irriguer le marché de l'occasion ». Les entreprises sont en effet les premiers acheteurs de véhicules neufs électriques actuellement puisqu'elles ont l'obligation, pour celles qui ont plus de 100 voitures, d'avoir au moins 10% de leur flotte électrifiée. Certaines aides au leasing sont actuellement en vigueur dans les entreprises. Sixt demande plus de subventions afin de faciliter le ruissellement vers les particuliers in fine. L'étude insiste sur le fait que 97% des sondés se déclarent satisfaits ou très satisfaits du véhicule électrique.

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Commentaires 22
à écrit le 15/04/2023 à 8:51
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c'est hallucinant!!!!!! y a pas l'outil de production, y a pas les reseaux, y a pas la production d'e'lectricite, et on remet du charbon dans la locomotive pour accelerer!!!! a priori personne n'a vu ce que ca donne d'acclerer les politiques monetair...

à écrit le 14/04/2023 à 17:23
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On ferai mieux de se pencher sur la fourniture des bornes et des possibilités de recharge dans les copropriétés et je ne parle même pas dans le logement social , où on voit déjà des fils descendant des balcons.La voiture électrique c'est aujourd'hui ...

à écrit le 14/04/2023 à 16:24
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il faut attendre encore 1 an pour avoir une opinion !! BYD vient de lançer une voiture electrique pas chere avec batterie au sodium; la seagull. Pas besoin de subventions.Elle aurait deja le meme prix qu une thermique

à écrit le 14/04/2023 à 15:31
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De nombreux commentateurs font une fixation sur le prix des voitures électriques mais d'ici 2035 les prix baisseront d'une part et il ne sera plus indispensable d'acheter son véhicule , les services marketing et financiers des constructeurs trouveron...

le 14/04/2023 à 15:58
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Non ils resteront aussi cher voir augmenteront. En 1994 vous achetiez une ford escort ghia avec le plus gros moteur et toutes options pour 104 000 Francs aujourd'hui vous avez une Focus sont équivalente a 30 000 euros avec le plus petit moteurs et tr...

le 14/04/2023 à 17:52
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@ @ldx: Il y a une nuance : Ford Escort de l’époque est plutôt équivalente à une Fiesta d’aujourd’hui, Focus actuelle est presque 30 cm plus longue, plus spacieux, bien mieux équipée même en entrée de gamme par rapport à haut de gamme de l’époque, le...

à écrit le 14/04/2023 à 10:06
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A ce niveau de ..compétences viendra un moment ou plus que la subventionner il faudra la produire..

à écrit le 14/04/2023 à 8:58
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Avec ces subventions les riches touchent plus que le RSA annuel !

à écrit le 14/04/2023 à 2:06
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La véritable question n'est pas tant de savoir combien de temps faudra-t-il subventionner des véhicules qui ne répondent pas à la demande du marché mais plutôt pourquoi subventionner à la base l'achat de tels véhicules? Caprice de bobos ou corr...

à écrit le 13/04/2023 à 23:33
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Ils nous font marrer avec leurs pseudos laides.. pour un foyer gagnant moins de 15000 euros annuels. Je ne vois vraiment pas comment ils pourraient s acheter une voiture électrique de la com à la Macron et du foutage de gueule .. quand je constate ...

le 14/04/2023 à 6:34
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très bonne analyse .... enfin des gens réalistes ....

le 14/04/2023 à 23:52
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Recherchez les pompes à chaleur, COP= 3 à 4. Et subventionné meme à votre niveau de revenus.

à écrit le 13/04/2023 à 20:43
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Famille 2 adultes et 2 jeunes adultes. Budget pour les adultes : 2x13000 euros, voitures d'occasions. Budget pour 2 jeunes adultes : 2x6000 euros voitures d'occasions. On ne peut acheter neuf 4 voitures, on s'estime chanceux d'avoir pu trouver c...

le 14/04/2023 à 0:07
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@Azerty: Il faut calculer le coût total de possession, pas le prix payé à l'achat, surtout que les électriques sont (ou au moins étaient) particulièrement intéressantes en LLD/LOA. En 8 ans (10.000 km/an en moyen) en voitures électriques en LLD j'ai ...

le 14/04/2023 à 6:29
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4 voitures dans un seul famille? Tout va bien.

le 14/04/2023 à 23:57
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Réponse à : Ex-Moscovite: Oui mais le prix de lélectricité grimpe et grimpe et grimpe....EDF affiche leur intention de rattraper ce qu'elle ne pouvait pas obtenir de nous en 2022 et 2023 dans l'avenir - ce qui veut dire qu'elle veut au moins doubler ...

le 15/04/2023 à 13:12
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@ Buonaparte: a). Les carburants aussi, ainsi, l'écart reste très important. b). L'électricité ne va pas grimper jusqu'au ciel, et la voiture électrique n'est pas le consommateur principal d'électricité dans le ménage. Dans mon habitation tout est él...

à écrit le 13/04/2023 à 19:48
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Et pourtant ce sont les ventes de voitures électriques qui augmentent le plus . Et la question posée concerne l'achat la solution viendra peut-être de la location de plus ou moins longue durée ?

le 13/04/2023 à 20:20
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Tout à fait, un loyer mensuel sans avoir à acheter le véhicule (quand les métaux essentiels (Li, Ni, Co, Nd, etc) vont voir leur prix grimper à cause de la demande mondiale ça va être encore plus cher, la watture). En attendant des parkings seraient...

le 13/04/2023 à 21:25
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Regardez les offres de LOA/LDD de VE actuellement disponibles : elles sont hors de prix, avec un "1ier loyer" délirant et des forfaits kilometriques très bas qu'il ne faut surtout pas depasser sous peine de pénalités enormes (PSA vien de sortir une ...

le 14/04/2023 à 1:13
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@Jeff: Certes, les loyers pour les voitures, particulièrement, pour les VEs, ont augmenté très fortement (+50% en moyen, voire plus), mais pour les thermiques c'est guère mieux. Par contre, où est-ce que vous avez trouvé des "pénalités énormes"? Pour...

le 14/04/2023 à 10:12
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Faut bien payer les actionnaires, regardez à titre d'exemple les revenus du patron de Stelantis (de l'ordre de 25 millions). Je n'ai jamais compris pourquoi les conseils d'administration se déroulaient dans des paradis fiscaux ou au moins des pays co...

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