Comment la construction bois fait son nid à Rennes et alentours

Qualifié de disruptif, le nouveau Programme local de l’habitat (PLH) 2023-2028 de Rennes Métropole veut ralentir la surenchère immobilière en dissociant le foncier du bâti, et accélérer la construction bas-carbone. Dans le paysage urbain du futur, la construction bois pourrait ouvrir une nouvelle voie.
Matériau isolant, le bois émet peu de carbone pour sa transformation contrairement au béton et à l'acier et a l'avantage d'en stocker.
Matériau isolant, le bois émet peu de carbone pour sa transformation contrairement au béton et à l'acier et a l'avantage d'en stocker. (Crédits : Ataraxia)

En février 2024, le premier immeuble d'habitation bois R+6, soit 25 mètres de haut, en Bretagne sera livré sur la ZAC Beauregard-Quincé, sorte de ville bocage située au Nord-Ouest de Rennes.

Baptisé Ile Ô Bois, ce projet porté par le promoteur Ataraxia Promotion, filiale de Crédit Mutuel Immobilier, prévoit la construction de 111 logements en accession à la propriété, dont 39 maisons individuelles, caractérisés par une ossature et une structure primaire tout en bois.

La démarche est innovante. Il s'agit du premier projet de logements avec murs porteurs, façades et planchers en bois lamellé collé croisé (CLT) sur six étages de la région, et il figure parmi les tous premiers en France.

Ile Ô Bois est le programme immobilier le plus expérimental parmi les onze retenus à l'issue de l'appel à manifestation d'intérêt (AMI), « Construction Bois pour Tous » initié par Rennes Métropole, avec la filière Fibois Bretagne.

Cet appel d'offres a été lancé en 2018 par l'aménageur Territoires Rennes pour la réalisation de logements permettant le développement d'une filière locale de construction bois.

L'initiative trouve aujourd'hui un écho supplémentaire dans les orientations stratégiques du Programme local de l'habitat que le conseil métropolitain de Rennes Métropole a adoptées le 2 février dernier.

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Programme local de l'habitat rennais : l'enjeu de la construction bas-carbone

« Le défi collectif est de réussir à mettre en place des dispositifs durables de maîtrise des prix, à garantir la capacité d'une production durable de logements abordables dans un contexte Zéro artificialisation nette (ZAN), à faire du foncier un bien commun, et à permettre la décarbonation du logement » justifie Rennes Métropole, où les prix de l'immobilier ont grimpé de 17% en trois ans.

En posant les bases d'un Programme Local de l'Habitat (PLH) contraignant, la métropole rennaise veut traduire en acte tous les angles de sa politique volontariste en faveur du logement.

Sur le plan social, l'agglomération, qui va gagner 100.000 habitants à l'horizon 2040,  prône la construction de 5.000 logements par an (4.000 dans le PLH précédent), un recours facilité au Bail réel solidaire en distinguant le foncier du bâti, la production à terme de 1.250 logements locatifs sociaux par an et un encadrement des loyers du parc privé et des meublés touristiques.

10% de l'offre nouvelle de logements devra aussi être cherchée dans le parc bâti déjà existant (surélévation, transformation de bureaux en logements, régulation des Airbnb).

Ces objectifs devront, en outre, prendre en compte les enjeux environnementaux, en application du référentiel Énergie bas carbone voté l'an passé.

Le nouveau PLH de Rennes Métropole vise avec à accélérer la structuration de filières bas-carbone voire low-tech de la construction : matériaux biosourcés, géosourcés, réemploi pour les plus gros projets.

Des programmes de construction résolument bas-carbone comme celui de l'écoquartier Via Silva au Nord-Est de Rennes (12.000 habitants en 2040 sur 200 hectares) sont orientés vers le réemploi et l'utilisation de matériaux comme la terre crue porteuse, mais aussi le bois.

Programmes immobiliers de 340 logements

Matériau isolant, le bois émet peu de carbone pour sa transformation contrairement au béton et à l'acier et a l'avantage d'en stocker. Depuis 2018, dix communes de Rennes Métropole se sont engagées dans la construction de logements bois et la réduction significative de la consommation énergétique.

De Cesson-Sévigné à Vézin-le-Coquet, cela représente onze programmes immobiliers pour un total de plus de 340 logements bois. Le promoteur Keredes a ainsi livré en janvier L'Estampe, une résidence de 32 logements avec façades ossature bois habillées de bardage bois, située dans la ZAC de La Courrouze entre Rennes et Saint-Jacques-de-la-lande.

De son côté, Ile Ô Bois fait aussi la part belle aux matériaux biosourcés, qui favorisent un habitat sain régulant naturellement la température et l'humidité intérieures.

Un modèle de construction 10 à 15% plus cher

« Ce projet pionnier s'inscrit dans une vision urbaine ambitieuse et responsable de la Ville de Rennes » soulignait Philippe Clément, chef de projet chez Territoires, lors de la pose de la première poutre du projet immobilier en février 2022.

« Tout est encore à construire avec la filière bois. L'idée est d'avancer collectivement dans une démarche de pédagogie et de reproductibilité en développant l'apprentissage du logement passif .»

Selon le promoteur Ataraxia, la construction responsable est aussi de plus en plus plébiscitée par les citoyens. « Il s'agit de démontrer qu'une nouvelle voie est possible » assure Dominique Feuvrier, directeur agence Bretagne Ataraxia Promotion, groupe dont le chiffre d'affaires oscille entre 80 et 100 millions d'euros par an. « Ce projet impose de penser « bas carbone » et d'apporter des solutions pertinentes pour produire les logements de demain, à coûts maîtrisés. »

La plus-value écologique du bois a pour l'instant un coût. D'un budget global de 16 millions d'euros, Île Ô Bois sera 10 à 15% plus onéreux qu'une construction neuve traditionnelle reconnait le promoteur.

4% des logements collectifs

Pour développer la filière de la construction bois en Bretagne et augmenter les compétences sur des domaines comme la sécurité incendiaire ou l'acoustique, Ataraxia Promotion s'est entourée d'experts, comme les cabinets d'architectes Liard et Tanguy et A'DAO Achitecture à Rennes, le constructeur Belliard pour la découpe et l'assemblage du CLT, l'entreprise nantaise Alhyange Acoustique, ou encore Fibois Bretagne.

Cette association interprofessionnelle de la filière forêt bois réunit près de 300 adhérents en Bretagne et fédère une filière régionale porteuse de 15.000 emplois et 3.000 entreprises.

Avec 4% du logement collectif, 9% du logement individuel, 16% du non-résidentiel, la construction bois détient encore une faible part de marché en France.

La ville de demain devra sans doute mixer les matériaux, rendre le bois plus commun dans la construction. Pour autant, « les filières bretonnes et françaises ne sont toutefois pas encore parfaitement adaptées à la demande » reconnaissent les professionnels. L'approvisionnement en épicéa provient essentiellement du Nord de l'Europe.

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