
Le constat est connu, mais rien ne change. Les populations n'arrivent plus à se loger ni dans les grandes villes ni sur les littoraux ni en montagne. Ces zones tendues, c'est-à-dire là où la demande de logements excède largement l'offre, viennent de faire l'objet d'un énième rapport, cette fois de deux députés de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale sur « les moyens de faire baisser les prix », hors Île-de-France.
« Le logement est l'une des charges les plus importantes des foyers avec jusqu'à 30% des dépenses des ménages », rappelle, à La Tribune, la co-rapporteure de la mission d'information, Annaig Le Meur, élue Renaissance de la 1ère circonscription du Finistère.
« Localement, cela crée un fort sentiment de mécontentement de même que les entreprises ont des difficultés pour recruter des salariés voire n'embauchent pas à cause de cela », ajoute la députée en tandem avec Vincent Rolland (LR, 2ème circonscription de Savoie).
Sans surprise, il ressort de leur étude que les plateformes type Airbnb ne sont pas la seule cause de la cherté des logements. D'une valeur patrimoniale, ils ont en effet pris une valeur lucrative du fait des dispositifs d'aide fiscale. A cela s'ajoute la rareté des biens du fait des différentes typologies familiales entre divorces et maintiens à domicile, mais aussi en raison de l'inflation qui pénalise les ménages les moins aisés dans l'accès au crédit. Sans oublier l'objectif de 2050 de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols qui accroît la pression foncière.
25 recommandations
Aussi formulent-ils vingt-cinq recommandations, à commencer par rééquilibrer, en zones tendues, la fiscalité relative aux meublés de tourisme au profit de la location de longue durée, en particulier à destination de l'emploi, en tenant compte, cependant, de la situation spécifique des communes de montagne. Cela tombe bien : à la suite d'un rapport d'inspections générales de trois ministères rendu public le 13 mars sur la pénurie de résidences principales dans les zones touristiques, le gouvernement songe, selon nos informations, à durcir la fiscalité sur les meublés de tourisme. Si cela se confirme, cela se traduira dans la prochaine loi de finances.
Les deux députés appellent également à « engager une réflexion » sur la création d'un régime d'autorisation préalable des nouveaux investissements immobiliers en zones tendues. Autrement dit, les collectivités rencontrant de « sérieuses difficultés » pour maintenir une population permanente et préserver une activité économique « autonome » par rapport au tourisme pourraient y maîtriser lesdits investissements.
Donner à l'échelle territoriale « plus d'agilité »
Dans un autre registre, Annaig Le Meur et Vincent Rolland plaident pour « engager une convergence » des différents zonages existants en accordant une place « centrale » aux collectivités dans ce travail de redéfinition.
Aujourd'hui, les zones A et B renvoient aux zones tendues et recouvrent la région Île-de-France, la Corse, la Côte d'Azur, la partie française de l'agglomération genevoise, les départements d'Outre-Mer et les villes centres de certaines grandes agglomérations, tandis que la zone C correspond au reste du territoire « détendu » où la durée de préavis d'un logement est de 3 mois contre 1 en zone tendue.
Demain, les parlementaires espèrent des « évaluations » et des « modifications » à l'échelle territoriale pour donner « plus d'agilité ». « Il n'y a pas une problématique mais des problématiques du logement cher avec des causes multiples », martèle le Savoyard Vincent Rolland.
Vers la modulation des dispositifs nationaux en fonction de curseurs locaux ?
Ce dernier pousse ainsi particulièrement la possibilité d'offrir aux communes situées dans ces zones tendues de désigner, dans leurs documents d'urbanisme, des zones destinées à la construction de résidences principales afin de « juguler l'essor des résidences secondaires ».
Dans la même veine, les parlementaires préconisent de renforcer l'information et l'accompagnement des élus locaux sur le cadre juridique applicable, notamment en matière de fiscalité et de réglementation d'usage. Ou encore via la constitution d'une base de données nationale des régulations applicables à la location des meublés de tourisme.
Tout comme la Finistérienne Annaig Le Meur et son collègue demandent d'autoriser les collectivités à moduler les dispositifs nationaux de la politique du logement en fonction de curseurs locaux. Par exemple, confier aux villes de moins de 200.000 habitants la compétence « pour décider d'instaurer » des mesures de réglementation de la location touristique meublée. Depuis la loi Alur de 2014, le plafond est de 120 jours pour louer sa résidence principale.
« Réhabiliter » l'acte de construire
Par ailleurs, tout comme le groupe de travail « réconcilier la France avec l'acte de construire » du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement, les deux députés entendent « réhabiliter » l'acte de construire.
Comment ? En faisant bénéficier les opérations de logements neufs d'une TVA à taux réduit dès lors qu'elles sont commercialisées à 15% en dessous du prix du marché et qu'elles comptent au moins 30% de logements locatifs.
Toujours dans ce domaine, ils suggèrent de créer un fonds d'investissement « zone d'artificialisation nette » qui financerait le réhabilitation des locaux existants ou de la désartificialisation des sols, à condition que les logements soient mis sur le marché de longue durée.
Mobiliser le logement privé au service de l'économie locale et de l'emploi
Autres pistes : réformer la mission du groupe Action Logement en prévoyant un engagement spécifique vis-à-vis des petites entreprises pour offrir des solutions aux salariés mais également étudier la mise en place d'avantages fiscaux visant à encourager les propriétaires privés à louer des logements à des prix « abordables » pour les travailleurs.
« Entre réindustrialisation et souveraineté, nous devons offrir aux entreprises la capacité d'héberger leurs salariés. Deux sociétés sur cinq ont des difficultés de recrutement. Dans nos territoires littoraux et de montagne, cela va bien au-delà », insiste Annaig Le Meur.
Toujours dans ce souci de mobiliser le logement privé au service de l'économie locale et de l'emploi, la députée Renaissance du Finistère et son collègue Vincent Rolland veulent « créer un dispositif d'encadrement des prix du foncier ».
Une idée décidément en vogue : au moins deux groupes de travail sur trois du Conseil national de la refondation (CNR) consacré à l'habitat, dont celui sur la refonte des politiques sociales, se font l'avocat de cette mesure.
Des baux réels intermédiaires (BRI) sur le modèle des BRS ?
Ces derniers défendent d'ailleurs les organismes de foncier solidaire (OFS) qui proposent des baux réels solidaires (BRS), c'est-à-dire des logements en accession à la propriété beaucoup moins chers que d'habitude, les particuliers ne se portant acquéreurs que des murs et non du terrain, restant l'apanage d'un bailleur social.
Dans cet esprit, les deux parlementaires « envisagent » la création, sur le même modèle, d'un bail réel intermédiaire (BRI) qui, comme son nom l'indique, porterait sur le logement intermédiaire. Un habitat situé près des transports en commun et des bassins d'emplois dont le loyer est 15% inférieur à celui du marché qui permet de répondre aux attentes des foyers trop riches pour le logement social et trop pauvres pour le parc privé.
Ce n'est pas tout : ils soutiennent le renforcement de l'évaluation de l'efficacité des outils de la politique publique du logement dans le but de disposer de données actualisées sur l'efficacité des dispositifs concernés.
Ils recommandent, enfin, de créer un observatoire spécifique des zones tendues afin d'obtenir un suivi « en continu ». Vaste programme...
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