
C'est un rapport commandé en pleine campagne présidentielle, en février 2022. A l'époque, Bruno Le Maire - déjà à Bercy -, Olivier Dussopt - alors aux Comptes publics -, Emmanuelle Wargon - Logement - et Jacqueline Gourault - Cohésion des territoires et Relation avec les collectivités locales - demandent à trois inspections générales - Administration, Développement durable et Finances - de plancher sur l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques. Autrement dit, de trouver des leviers pour maintenir un parc de logement accessible aux habitants, particulièrement sur les littoraux et en montagne. Un marché actuellement largement capté par les plateformes d'hébergements (Airbnb, Booking, Abritel...).
Dans un contexte de pénurie d'habitats partout en France, la feuille de route des hauts fonctionnaires est alors claire. Ils doivent alors proposer des « recommandations » et une « méthode » afin d'offrir un « tableau de bord actualisable et incontestable » sur la location longue durée, les meublés de tourisme et les résidences secondaires, ainsi que sur « la mobilisation des dispositifs fiscaux afférents ». En d'autres termes, remettre à plat la fiscalité de ces produits immobiliers qui présente, à l'heure actuelle, de nombreux avantages.
Dans cette logique, ils ont soumis aux ministres des « évolutions » de ces dispositifs fiscaux et non-fiscaux pour favoriser la production de nouveaux logements « destinés à l'occupation à titre de résidence principale », ou au profit de travailleurs saisonniers, et « réorienter en ce sens l'occupation du parc existant ». Comment ? « En étudiant la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales et en identifiant les outils mobilisables par les élus locaux ».
La création de meublés de tourisme jusqu'ici « constamment » encouragée...
Le rapport vient d'être rendu public le 13 mars. Sur l'hébergement touristique, les inspecteurs écrivent ainsi que « les politiques publiques ont d'abord encouragé [son] développement, en particulier les meublés de tourisme, avant, plus récemment, d'essayer de ralentir leur développement ».
La création de meublés, notamment de tourisme, ou de résidences de tourisme, a en effet été « constamment » encouragée par des mesures de défiscalisation des investissements et/ou des revenus de la location : dispositifs Demessine, Périssol, Censi-Bouvard...
S'il est nécessaire de déclarer son bien en « meublé de tourisme » en mairie, voire d'obtenir une autorisation préalable dans certaines communes, l'activité relève du régime micro et bénéficie d'un abattement de 71%, tant que les recettes n'excèdent pas 176.200 euros par an, comme le rappelle le site des impôts.
Les loueurs concernés sont également exonérés de cotisation foncières des entreprises, sauf si les collectivités territoriales ou les intercommunalités concernées votent le rétablissement de ladite CFE sur ces locaux.
...avec des « effets pervers »
En parallèle, les lois pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR, 2014), pour une République numérique (2016), sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN, 2018) ont renforcé l'encadrement des meublés de tourisme, « les dispositifs fiscaux ont non seulement perduré sur la même période, mais l'on sait déjà que leur suppression, pour partie déjà décidée, ne produira ses effets que quelques années plus tard », pointent les auteurs de l'étude.
Et de dénoncer les « effets pervers » de ce système : les dispositifs d'évaluation, de mesure d'impact avant et après leur mise en oeuvre sont « le plus souvent sous-optimaux » voire « partiellement inopérants ». C'est par exemple le cas de l'évaluation de la taxation des revenus issus des locations meublées. C'est pourquoi dans leur synthèse, les inspecteurs recommandent d'accélérer « l'extinction définitive » des incitations fiscales en faveur des meublés de tourisme.
Dans le même temps, juste avant le congrès des maires de novembre dernier, le gouvernement a monté un groupe de travail, composés d'élus des territoires concernés, de parlementaires et de professionnels, « afin de répondre à la [même problématique] » de raréfaction des résidences principales.
Tant est si bien que le 23 mars, les ministres des Collectivités territoriales, du Logement, des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme ont fait savoir que 73 propositions avaient été présentées et venaient « s'ajouter » à celles du rapport des trois inspections.
Une synthèse à l'été 2023
« Toutes ces contributions seront étudiées dans les prochaines semaines et les ministres en feront une synthèse d'ici à l'été 2023 », écrivent, dans un communiqué commun, Dominique Faure, Olivier Klein et Olivia Grégoire.
« Rien n'est arbitré », confirme à La Tribune une source ministérielle. « On explore les différentes pistes pour être dans une approche équilibrée pour préserver le côté touristique et permettre aux habitants de se loger. Le prochain rendez-vous est en juin pour trouver des réponses efficaces et adaptées », poursuit-elle.
D'elle-même, elle évoque la question du meublé touristique et « comment les revenus locatifs ne [doivent] pas [être] trop valorisants et favorisants au regard d'une location classique ».
Relancée sur la recommandation d'accélérer « l'extinction définitive » des incitations fiscales en faveur des meublés de tourisme, cette source fait savoir que « c'est la piste [dans le rapport rendu au gouvernement] la plus crédible qui pourrait être retenue ».
Autrement dit, le gouvernement songe à revoir la fiscalité des meublés touristiques, sans doute dans le cadre du budget 2024 dont l'élaboration devrait commencer dès le début de l'été pour une présentation à la rentrée de septembre en Conseil des ministres.
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