Déconfinement : le marché immobilier francilien va-t-il repartir ?

Après avoir été "en pause" voire "à l'arrêt", le marché du logement ancien, mais aussi du neuf, risque d'être atone ou temporisé. Les prix ne devraient pas baisser de sitôt en Ile-de-France.
César Armand
"Le volume d'avant-contrats signés et reçus en moyenne chaque semaine pour l'Ile-de-France a reculé de 90%", relèvent les notaires du Grand Paris.

Un coup d'arrêt brutal de l'activité immobilière, et ce, dès la semaine du 23 mars. C'est ce qui ressort de la dernière note de conjoncture des notaires du Grand Paris publiée le 6 mai dernier.

"Ces quatre dernières semaines, et par rapport à ce qui était observé depuis le début de l'année 2020, le volume d'avant-contrats signés et reçus en moyenne chaque semaine pour l'Ile-de-France a reculé de 90%", écrivent les professionnels franciliens. "De son côté, le volume d'actes de ventes définitifs a un peu mieux résisté: il reculerait d'environ 80% ce qui est cohérent car la vente intègre de nombreux éléments déjà présents dans l'avant-contrat", ajoutent-ils.

Un tassement qui devrait ou pas s'amplifier

Grâce à vingt-trois visites virtuelles rien que sur une agence, le réseau Guy Hoquet (198 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019 et 24.000 transactions) a réussi à réaliser "quelques ventes" sur un marché parisien-francilien "à l'arrêt". Quant à la reprise, "je n'ai pas de boule de cristal et je ne sais pas ce qui va se passer", déclare à La Tribune son directeur général Stéphane Fritz. "Les conditions sont en place chez nous, reste à savoir si les projets des clients suivront", précise-t-il.

Chez le réseau de mandataires Proprietes-privees.com (50 millions d'euros de chiffre d'affaires et 7.500 achats et ventes l'an dernier), "la rentrée de mandats la semaine dernière est revenu à 65% de son niveau d'avant Covid, ce qui est excellent", témoigne son président Michel Le Bras.

"Le marché parisien et première couronne sera sans doute atone ou du moins temporisé par le niveau des prix et du coronavirus", prédit-il toutefois. "Ce tassement devrait ou pas s'amplifier dans les prochaines semaines."

Villes moyennes : "plus des paroles que des actes"

Il n'est pas sûr pour autant que les petites villes et villes moyennes, où nombreux Franciliens se sont réfugiés pendant le confinement, deviennent les grandes gagnantes de cette crise. "Plus des paroles que des actes pour l'instant", dit Michel Le Bras. "C'est difficile à dire. Ce n'est pas une décision qui se prend en trois minutes. Nous verrons dans les prochains mois", estime-t-il encore.

"J'ai demandé au réseau d'y être attentif pour voir si nous assistons ou non à des transferts vers des maisons avec jardins, mais je ne suis pas convaincu..." déclare de son côté Stéphane Fritz, DG de Guy Hoquet.

L'immobilier haut de gamme a, lui aussi, souffert, mais paraît se porter mieux que ses confrères. Même si 12% de ses 6.700 prospects ont arrêté leurs recherches, Sébastien Kuperfis, directeur général et propriétaire de Junot Immobilier (400 ventes au prix moyen d'1,2 million d'euros), remarque en effet que "d'un marché hyperdynamique, nous sommes passés à un marché suspendu".

"La réponse des notaires à été assez différenciée", relève-t-il également. "Sans faire de généralités, les jeunes études très digitalisées, qui veulent prendre des parts de marché, ont été souvent plus réactives que certaines grandes études qui avaient mis leurs clercs au chômage partiel."

"Il faudra accélérer la numérisation"

Co-auteur de L'immobilier demain (Dunod) et co-fondateur de l'association Real Estech avec Robin Rivaton (400 startups du BTP, 503 M€ levés en 2019), Vincent Pavanello confirme que la digitalisation apporte des réponses en matière de recherche foncière et de vente, mais rappelle dans le même temps que "les services instructeurs des villes n'étaient pas suffisamment équipés pour traiter les demandes à distance".

"Ca va se payer en termes d'emploi et de PIB. A moyen-terme, il faudra accélérer la numérisation. A court terme, plusieurs startups risquent de mourir, du fait de problèmes de solidité financière", prévient-il.

L'une d'entre elles, la jeune pousse Ikimo9, comparateur de logements neufs, semble toutefois avoir anticipé ce risque se rapprochant, dès la fin de l'année dernière, de Cdiscount pour lancer Cdiscount immobilier. "Le marché francilien y est très dynamique et représente 40% des recherches", explique sa dirigeante Elisabeth Julien à La Tribune. "Lors de la requalification des demandes de rendez-vous par nos équipes, les prospects restent positifs et sont conscients du délai de livraison dans le neuf, qui sera potentiellement allongé", assure-t-elle.

Un marché très financiarisé

Le marché du logement ancien ou neuf, et a fortiori dans une zone tendue comme l'Ile-de-Francen'en demeure pas moins très financiarisé, avec peu de chances que les prix d'acquisition ne baissent. "La valeur de l'immobilier est complètement corrélée aux taux d'intérêts et aux financements bancaires. La santé du secteur va dépendre de ces deux facteurs", note Sébastien Kuperfis de Junot.

De même que Stéphane Fritz de Guy Hoquet considère que "le gouvernement a intérêt à soutenir la crise". "Si la moyenne des taux d'intérêt prend 0,2-0,5%, ce sera 40€ de plus par mois sur un prêt de 200K€ sur 20 ans. Cela n'impactera pas la dynamique du marché. Si les taux remontent, ça impactera le volume", alerte-il.

A contrario, Vincent Pavanello de Real Estech pense que la relance ne pourra passer par un énième dispositif fiscal. "Il faut profiter de cette crise pour changer de modèle, aller vers plus de constructions et davantage de logements abordables", exhorte-t-il.

"Bien sûr qu'il faut des espaces extérieurs, des logements plus grands, accentuer la végétalisation, faire attention à l'air intérieur ou aux ondes, mais nous pouvons aussi concevoir des bâtiments plus larges et en profiter pour créer des pièces aveugles destinées à la visioconférence comme au home cinéma", juge le président de la fédération des promoteur IDF, Marc Villand. "Une dérèglementation ciblée est nécessaire pour adapter nos immeubles: toitures végétalisées pour lutter contre les îlots de chaleur, balcon généreux à défalquer des coefficients d'emprise des bâtiments...", liste le pdg d'Interconstruction.

Les logements avec espaces extérieurs seront "survalorisés", renchérit Vincent Pavanello. "Un mètre carré de balcon était sous-pondéré de 60% par rapport à un mètre carré intérieur. Maintenant, ils seront surpondérés", prévoit-il. En attendant, "l'interpénétration des règles et le millefeuille administratif ne doivent pas empêcher l'adaptation de l'habitat à un monde en mutation", conclut Marc Villand.

Lire aussi : Bâtiment: en Île-de-France, la reprise de tous les chantiers d'ici à fin mai est-elle possible ?

César Armand

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Commentaires 6
à écrit le 14/05/2020 à 12:50
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La dernière crise sérieuse prix au max août 90 pour un plus bas à Paris quelque part en septembre 96.Les premières années pas sympa les vendeurs ne lâchants rien du tout pendant 2 ans sinon contraints et forcés ,et quand ils se décidaient le marché é...

à écrit le 14/05/2020 à 9:49
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Pourtant les prêcheurs néolibéraux n'ont pas arrêté de venir dire un peu partout que tout allait bien, et même ici. Les gars il faut vraiment que vous fassiez une séparation entre les publi-reportages de tout ces gens aux intérêts de nous tromper...

à écrit le 14/05/2020 à 9:03
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C'est évident, la France manque de logements et les chantiers sont à l'arrêt. On peut espérer que ce confinement va inciter les promoteurs à construire mieux, des logements avec terrasse ou balcons spacieux, des espaces pour garer les vélos et surt...

à écrit le 14/05/2020 à 8:51
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vu qu une partie des acheteurs vont disparaitre (on se met pas un credit sur 20 ans quand on sera peut etre au chomage dans 6 mois), une partie est carrement hors course (si vous etes restaurateur par ex) et une partie simplement plus pauvre (si vous...

à écrit le 14/05/2020 à 8:19
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Ça craint : le marché immobilier francilien va-t-il repartir ? On se rassure, on se souhaite bon appétit. Mais l'immobilier suivra le mouvement de la bourse vers le bas.

le 14/05/2020 à 14:10
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1) Beaucoup de Français ont préféré la pierre à la bourse pour se constituer un patrimoine. Tant que le cout d' acquisition (pret) est supportable (loyer ou revenu), ils ne vendront pas. Par contre les successions vont faire baisser les prix car les ...

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