« EduRénov », « fonds vert »... l'Etat joue gros sur la rénovation des écoles

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu et la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) veulent avancer sur la rénovation des écoles. A condition de lever plusieurs interrogations : comment le « fonds vert » va-t-il être pérennisé ? Le tiers-financement viendra-t-il à la rescousse ? Comment embarquer les maires ? Faut-il aller plus loin sur la « dette verte » ? Explications.
César Armand
Une école primaire dans le XVème arrondissement de Paris.
Une école primaire dans le XVème arrondissement de Paris. (Crédits : Reuters)

Drôle d'ambiance pour le lancement d'une offre de 2 milliards d'euros de la Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) à destination de 10.000 écoles publiques d'ici à 2027. Contrairement à ce qui avait été annoncé en amont, la conférence, en présence de toutes les parties prenantes, s'est finalement tenue à huis clos ce 9 mai au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires.

Lire aussiCrise du logement : « Il n'existe pas de solution miracle » (Olivier Sichel, CDC-Banque des territoires)

Pour en connaître le détail, il fallait soit avoir écouté au préalable un brief du cabinet de Christophe Béchu, soit suivre le jour même les questions au gouvernement pour entendre une réponse téléphonée de Christophe Béchu à une demande d'un député Renaissance, soit être présent dans la foulée à l'école maternelle Jacqueline Quatremaire à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) pour la première pierre des travaux d'un projet financé par ce programme baptisé « EduRénov ».

Comment le « Fonds vert » va-t-il être pérennisé ?

Toujours est-il que selon un informateur présent à l'hôtel de Roquelaure, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a fait savoir que sur les 3,7 milliards d'euros de demandes des territoires pour le « fonds vert », 37% concernent des demandes de rénovation énergétique.

Ce fonds d'adaptation au dérèglement climatique annoncé à l'été 2022 est une enveloppe de 2 milliards d'euros votée dans le budget 2023 à la main des préfets pour « renforcer la performance environnementale, s'adapter au changement climatique et améliorer le cadre de vie », dixit une circulaire du même Christophe Béchu datée du 14 décembre dernier.

« Un soutien de l'Etat » que la Première ministre Elisabeth Borne a déjà promis de « pérenniser » et qui fera l'objet d'une réunion, le 17 mai, avec les associations d'élus locaux dans le cadre de son « agenda territorial ».

Lire aussiRelations Etat-collectivités : Borne accouche (enfin) de son « agenda territorial »

Combien de lauréats à date ?

Autrement dit, entre les 2 milliards d'euros de prêts de la Banque des territoires fléchés vers les écoles, auxquels s'ajoutent 50 millions de crédit d'ingénierie et potentiellement les 2 milliards du « Fonds vert » pour les écoles, collèges et lycées, ce sont au maximum près de 4 milliards sur la table pour adresser la problématique de la rénovation des bâtiments scolaires français.

Selon le cabinet du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, sur les 400 millions de mètres carrés des bâtiments publics en France, 300 millions appartiennent aux collectivités territoriales dont 50 millions de m² rien que pour les 49.000 écoles. En d'autres termes, près de 20% de ces édifices propriétés des communes sont a priori éligibles aux prêts de la Caisse des Dépôts d'ici à la fin du quinquennat.

Pour ce qui est du « Fonds vert », également ouvert aux départements pour les collèges et aux régions pour les lycées, les 2 milliards d'euros de 2023 n'iront évidemment pas tous vers la rénovation de tous ces bâtiments mais « parmi les 1.300 premiers lauréats [de ce programme], 200 sont des bâtiments scolaires », a fait savoir Christophe Béchu lors de la séance publique des questions au gouvernement dans l'après-midi du 9 mai.

Les 220 millions d'euros de CEE suffiront-ils ?

Outre ces prêts et ce fonds, le ministre s'est félicité que « [trois autres] outils » soient à la disposition des élus locaux. 220 millions d'euros ont en effet été alloués au programme Actee+ [Action des collectivités territoriales pour l'efficacité énergétique], financés par des certificats d'économie d'énergie (CEE).

Derrière cet acronyme barbare de CEE, cela signifie que les fournisseurs d'énergie doivent financer des travaux d'énergie dans le tertiaire, l'industrie et chez les édiles au risque de s'exposer à des amendes proportionnelles à leur manquement.

Le tiers-financement viendra-t-il à la rescousse ?

Christophe Béchu en a également profité pour citer le « fonds chaleur » de l'Agence de la transition écologique-Ademe. Ou encore la proposition de loi du groupe Renaissance adoptée par l'Assemblée et le Sénat visant à ouvrir le tiers-financement à l'Etat, à ses établissements publics comme la Banque des territoires et aux élus locaux pour favoriser ces travaux de rénovation énergétique.

Ce texte soutenu par le gouvernement et porté par Thomas Cazenave, député de la 1ère circonscription de Gironde et président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation permet d'« inclure un tiers dans le portage financier d'une rénovation énergétique du bâtiment dans le cadre d'une offre complète ».

« Le tiers réalise l'investissement, puis le bénéficiaire des travaux lui rembourse l'avance et les intérêts associés à compter de la date de livraison des travaux », est-il écrit dans l'exposé des motifs.

Lire aussiRénovation énergétique des bâtiments publics: une loi de la majorité ne fait pas l'unanimité

Comment embarquer les maires ?

Toujours au Palais-Bourbon, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a annoncé, « avant le début de l'été », une campagne de communication « ciblée » en direction de « tous les maires de France ».

Effectivement, il y a urgence. Dès le 18 novembre 2022 aux « 24 heures du Bâtiment », le président Macron avait promis d'aller « plus vite » sur ce sujet. Suivi par le ministre du Logement Olivier Klein qui avait déclaré, le 9 janvier, que les bâtiments de l'Etat et des élus étaient « responsables des trois quarts de la consommation énergétique des communes » ­dont 50% rien que pour les édifices scolaires.

Faut-il aller plus loin sur la « dette verte » ?

Reste que malgré tous ces leviers, l'association d'édiles Amorce veut, elle, déjà aller plus loin et demande de retirer la rénovation des dépenses d'investissement des collectivités territoriales.

Lire aussiBruno Le Maire : « Nous voulons être la première puissance industrielle décarbonée en Europe »

Christophe Béchu travaille, lui, certes sur la « dette verte » de ces dernières depuis fin janvier et affirme vouloir « distinguer la bonne et la mauvaise dette », mais il l'assure aussi, « ce n'est pas du tout orthogonal » avec la volonté de son collègue de Bercy, Bruno Le Maire, de vouloir « passer au peigne fin toutes les dépenses publiques ».

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.