Rénovation énergétique des bâtiments publics : une loi de la majorité ne fait pas l'unanimité

L'Assemblée nationale examine actuellement une proposition de loi du groupe Renaissance visant à ouvrir le tiers-financement à l'Etat et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique. Objectif : apporter de nouvelles solutions de financement pour couvrir le mur d'investissements, malgré un code de la commande publique contraignant pour les élus locaux. Explications.
César Armand
(Crédits : DR)

4 milliards d'euros débloqués dans le cadre de « France Relance », 2 milliards d'euros du « Fonds vert » ou encore 100 millions d'euros de certificats d'économie d'énergie (CEE). Ajoutez à cela l'obligation imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d'énergie de financer des travaux, notamment dans les collectivités territoriales. Les leviers ne manquent pas pour rénover les bâtiments publics de l'Etat et des collectivités territoriales, qui représentent près de 45% des consommations d'énergie et 25% des émissions de gaz à effet de serre français.

Et le temps presse. Tous les propriétaires de surfaces supérieures à 1.000 mètres carrés, y compris les élus locaux, doivent réduire leur consommation d'énergie sur la base de celles de 2010 : - 40% en 2030, - 50% en 2040 et - 60% en 2050, horizon auquel doit être atteinte la neutralité carbone.

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 Un mur d'investissements

« Les bâtiments de l'État et des collectivités locales sont responsables des trois quarts de la consommation énergétique des communes. Le traitement des bâtiments scolaires, qui représentent 50 % de leur parc, constitue un enjeu important et le Président de la République en a fait une priorité claire », a, encore, rappelé le ministre du Logement, Olivier Klein, lors d'un débat, le 9 janvier à l'Assemblée nationale, sur le thème « Comment massifier la rénovation thermique ».

« Je souhaite qu'on aille plus vite dans la rénovation des bâtiments publics. (...) Il y a une initiative que je veux qu'on lance dans les prochains mois : la rénovation de nos écoles. On a besoin d'accompagner nos communes (...) pour les aider à mener à bien la rénovation thermique de nos écoles. Aujourd'hui beaucoup de nos écoles ne sont pas aux dernières normes, elles dépensent beaucoup d'énergie, on pourra améliorer les conditions pour nos enseignants et pour les enfants », avait, en effet, rappelé Emmanuel Macron lors des « 24 heures du Bâtiment » le 18 novembre dernier.

Tant est si bien qu'une proposition de loi visant à « ouvrir le tiers-financement à l'Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique », porté par le groupe Renaissance, vient d'arriver en séance publique au Palais-Bourbon. « Pour accélérer la rénovation, nous créons un nouveau dispositif pour lisser dans le temps les investissements considérables et mettre à niveau les bâtiments publics », déclare, en conférence de presse ce 16 janvier, le rapporteur du texte Thomas Cazenave, député de la 1ère circonscription de Gironde et président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Un Code de la commande publique contraignant

Autrement dit, « inclure un tiers dans le portage financier d'une rénovation énergétique du bâtiment dans le cadre d'une offre complète ». « Le tiers réalise l'investissement, puis le bénéficiaire des travaux lui rembourse l'avance et les intérêts associés à compter de la date de livraison des travaux », est-il écrit dans l'exposé des motifs de la loi. Par exemple, la société qui réalise les travaux de rénovation pourra en plus proposer une solution de financement à la collectivité. Pour l'instant, le Code de la commande publique interdit tout report de paiement dans les marchés passés par l'Etat et les collectivités.

« Cela revient à prendre un emprunt chez un opérateur », persifle Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, autoproclamé « premier réseau national de collectivités territoriales et d'acteurs locaux engagés dans la transition écologique ».

« Nous voulons aider, encourager, massifier en s'appuyant sur les marchés globaux de performance énergétique et en y adjoignant une capacité de financement pour faire face au mur d'investissements », rétorque le député Cazenave.

La promesse de l'efficacité énergétique

Concrètement, les collectivités locales pourront contractualiser avec une entreprise privée ou parapublique type Banque des territoires (groupe Caisse des Dépôts) qui devra s'engager sur l'efficacité énergétique - une baisse des consommations de 15, 20, 30 ou 40% - et qui sera remboursée selon la durée du contrat à 15, 20 voire 30 ans.

« Nous plaidons pour que ce soient les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les syndicats mixtes d'énergie, ou toute autre couche macro-communale pour créer un effet d'agrégation » qui apportent les financements, affirme Guillaume Perrin, pilote des 100 millions d'euros de certificats d'économie d'énergie à destination des élus.

« Nous allons déposer un amendement pour sécuriser le fait que les intercommunalités puissent jouer ce rôle et ne pas le restreindre à des acteurs privés », répond, en privé à La Tribune, Thomas Cazenave, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Vers un débat sur la dette ?

L'Amorce veut, elle, déjà aller plus loin et demande de retirer la rénovation des dépenses d'investissement des élus locaux. « Tous les chantiers de transition énergétique ne devraient pas être comptabilisés mais exonérés de l'autofinancement et du calcul de la dette », estime son délégué général Nicolas Garnier.

« Il faudrait un débat dans les prochains mois sur la dette. Ce n'est pas être mauvais gestionnaire que de conduire ces travaux », répond le député Cazenave, ex-délégué interministériel à la Transformation publique, ancien directeur de cabinet adjoint d'Emmanuel Macron à Bercy et ancien porte-parole du candidat-président sur ces sujets en 2022.

Le dispositif est prévu à titre expérimental et pour une durée de cinq ans. Le pilote des 100 millions d'euros de certificats d'économie d'énergie (CEE), Guillaume Perrin, se propose déjà d'accompagner les premiers à se lancer avec un droit de regard sur deux ans et se dit même prêt à lancer une ligne de financement dédiée pour encourager les collectivités.

Le délégué général de l'Amorce pousse, lui, à des bonus de CEE pour les élus engagés afin de solder leur reste à charge. « Rien ne les empêche d'aller chercher d'autres financements », conclut Thomas Cazenave.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 17/01/2023 à 11:01
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Vont faire comment tous nos élus et leurs services installés dans des manoirs, châteaux et hôtels particuliers même parfois des petites communes... Un non sens que ces bâtiments invivables inchauffables et un gouffre pour l'entretien courant..

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