
C'est une façon élégante de tirer sa révérence. Alors qu'il quittera ses fonctions le 21 avril prochain, le directeur général d'Icade vient d'annoncer le rachat de son entité Icade Santé, dont les espèces sonnantes et trébuchantes reviendront à son successeur Nicolas Joly. « Nous avons répondu à une offre non sollicitée », déclare Olivier Wigniolle à La Tribune. Détenue à 58,4% par la filiale immobilière de la Caisse des Dépôts, l'autoproclamée « leader dans l'immobilier de santé avec des hôpitaux privés et des maisons de retraite médicalisées » est sur le point d'être acquise par le gestionnaire d'actifs Primonial Reim.
Avec les autres actionnaires - Crédit Agricole Assurances (16,9%), Sogecap (10,3%), Cardif (9,1%) et CNP Assurances (5,3%), ils ont signé, le 13 mars, un accord d'exclusivité pour un montant total estimé, à date, à 2,6 milliards d'euros.
« C'est une première étape dans l'attente de l'avis des instances représentatives du personnel », poursuit Olivier Wignolle.
Un retournement de situation inattendu
Ce retournement de situation était inattendu. En septembre 2021, Icade Santé avait communiqué sur l'approbation de son document d'enregistrement par l'Autorité des marchés financiers. Objectif : s'introduire sur EuronextParis pour lever 800 millions d'euros et financer un plan d'investissement d'ici à 2025. Sauf qu'à peine trois semaines plus tard, la filiale immobilière de la « Caisse » reportait son entrée en Bourse, déclarant attendre « des conditions de marché plus favorables » dans un contexte « de marché actions particulièrement volatil ». « C'est une insatisfaction de ne pas avoir réussi cette introduction qui aurait permis d'extérioriser la vraie valeur de cette superbe entreprise », confiait alors Olivier Wigniolle à La Tribune.
Changement de ton ce 14 mars. « C'est une transaction gagnant-gagnant. Primonial aura le plus beau patrimoine spécialisé dans l'immobilier de santé », affirme le directeur général d'Icade. Sachant qu'au 31 décembre 2022, Icade Santé compte 159 établissements en France et en Europe pour une valorisation de près de 6,1 milliards d'euros.
« Cette opération permettrait de confirmer l'attractivité de la classe d'actifs d'immobilier de santé et d'adosser Icade Santé à une plateforme paneuropéenne de gestion d'actifs immobiliers de premier plan », relève ainsi le cabinet d'avocat Gide qui accompagne Primonial Reim (11 milliards d'euros d'actifs de santé sous gestion).
Un gain de 1,5 milliard d'euros dès 2023
Alors que vient de s'ouvrir le Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim) à Cannes, l'opération devrait rapporter près de 3 milliards d'euros à la filiale immobilière de la Caisse des Dépôts, dont 1,5 milliard dès 2023. Soit une plus-value de 1,2 milliard d'euros comparé à l'investissement initial, et un gain de 75% par rapport aux fonds investis, auxquels s'ajoutent 720 millions de dividendes distribués aux actionnaires d'ici à mi-2025, assure Olivier Wigniolle.
« Je laisse à mon successeur, Nicolas Joly, les moyens de financer son plan de développement. Cela lui donnera la capacité d'être flexible et manœuvrant pour saisir les opportunités de développement », poursuit l'actuel directeur général.
Nommé au printemps 2015, Olivier Wigniolle aura accompli deux mandats de quatre années au cours desquels Icade sera devenue la première foncière de bureaux dans le Grand Paris et les métropoles régionales. Malgré l'inflation, la filiale immobilière de la ''Caisse'' affiche en effet des résultats « très solides » pour 2022 avec un chiffre d'affaires de 1,8 milliard d'euros (+9%) et un cash-flow net courant en hausse de 7% à 417 millions d'euros. C'est 40% de plus qu'à son arrivée (300 millions) il y a huit ans.
« Je pars avec le sentiment du devoir accompli - les chiffres ont le mérite d'être objectifs », déclare aujourd'hui le directeur général.
« Il appartiendra à Nicolas Joly le soin d'élaborer avec le conseil d'administration la stratégie pour les quatre ans à venir. Icade est une société qui a beaucoup d'atouts et de potentiel de développement, à commencer par la qualité et l'engagement de ses équipes », enchaîne Olivier Wigniolle.
Ce dernier aura également accéléré la décarbonation de son groupe, en l'inscrivant dans sa raison d'être dès 2020 et en définissant une feuille de route dès 2021. « Je suis fier de notre travail en matière environnementale et de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Notre méthodologie extrêmement rigoureuse et nos résultats sont régulièrement salués en externe. Cela souligne notre implication et nos investissements significatifs dans ce domaine, notamment sur la réduction de notre empreinte carbone », dit-il encore. Avec la foncière tertiaire, il a aidé plusieurs jeunes pousses en capital et en contrat, comme Stock CO2 qui fait de la compensation carbone.
« C'est une entreprise leader, dont la trajectoire SBTi a été validée tôt, et qui reste suivie au jour le jour. Idem sur la taxonomie pour laquelle les travaux sont très avancés. Olivier Wigniolle a toujours développé les trois métiers avec, en ligne de mire, cette dimension bas-carbone », salue la présidente du comité innovation et RSE d'Icade, Sophie Quatrehomme.
« La raison d'être n'est pas quelque chose de "fake", elle a été co-construite des collaborateurs au conseil d'administration. C'est l'une des filiales de la Caisse les plus embarquées sur le sujet », enchaîne celle qui est aussi directrice de la communication de la Caisse des Dépôts et Consignations.
Autre exemple : la veille de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments dite « RE2020 », le directeur général d'Icade a poussé à la création d'une filiale spécialisée dans la construction en bois baptisée Urbain des bois.
« Il a fallu convaincre les équipes en interne, mais aujourd'hui, c'est visible. Anne Fraisse réalise un travail de développement superbe », se félicite-t-il. À date, cette branche compte 600 logements dans les tuyaux et vise un chiffre d'affaires de plus de 120 millions d'euros à horizon 2026.
Tenir son pari
À cet horizon, Olivier Wigniolle sera toujours dans l'immobilier. « Je compte bien travailler sept à huit ans en mettant à profit mon expérience de DG de grand groupe dans un projet entrepreneurial ».
Il compte en effet monter une plateforme d'asset management [gestions d'actifs, Ndlr] en fédérant des parties prenantes intéressées. « 2-3 ans d'investissements, 2-3 ans de gestion, et 2-3 ans pour en sortir. C'est un phasage idéal », souligne-t-il.
Pour l'heure, le directeur général entend tenir son pari de courir 60 marathons avant ses 60 ans. « Le jour de l'assemblée générale d'Icade, le 21 avril prochain, je serai sur la ligne de départ du Marathon des sables, 250 kilomètres dans le désert en 6 jours ». Un défi aussi difficile que de gérer une société cotée...
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