Olivier Wigniolle, Icade : « La crise sanitaire a renforcé le caractère essentiel de l'immobilier de santé »

GRAND ENTRETIEN. Au lendemain de l'annonce de l'introduction en Bourse d'Icade Santé, le directeur général de la filiale immobilière de la Caisse des Dépôts en précise, pour La Tribune, les tenants et les aboutissants. Sous sa casquette de promoteur, Olivier Wigniolle appelle le gouvernement et les élus locaux à coopérer et à se saisir du côté quantitatif de la politique du logement.
Olivier Wigniolle est directeur générale d'Icade depuis 2015.
Olivier Wigniolle est directeur générale d'Icade depuis 2015. (Crédits : Xavier Lahache)

LA TRIBUNE - Vous avez décidé d'introduire votre filiale Icade Santé en Bourse. Pourquoi maintenant ?

OLIVIER WIGNIOLLE -Après avoir conforté sa place de leader sur le marché de l'immobilier de santé depuis 2018, en croissance régulière, et compte tenu d'un plan de développement de 3 milliards d'euros supplémentaires d'ici à 2025, nous avons décidé de financer cette accélération de la croissance en introduisant Icade Santé en Bourse. Nous espérons ainsi lever 800 millions d'euros de capitaux pour financer le plan de croissance.

Pourquoi, alors que vous avez déjà levé un social et un green bond de 600 millions d'euros chacun ?

Nous ne pouvons pas financer ce plan qu'avec de la dette, mais nous referons dans le futur de nouvelles émissions obligataires ; nous sommes attachés à ce profil financier d'investment grade (titre investissable, Ndlr). Les actifs d'immobilier de santé bénéficient de baux longs qui nous permettent d'obtenir des taux attractifs sur nos financements. D'autant qu'en étant cotés, nous apportons davantage de confort et de transparence à nos prêteurs.

Les actionnaires minoritaires - Crédit Agricole Assurances (16,9%), Sogecap (10,3%), Cardif (9,1%), CNP Assurances (5,3%) - vont-ils rester au capital ?

Je ne peux m'exprimer pour leur compte. Toutefois, lorsque nous avons ouvert le capital à de grands investisseurs institutionnels en 2012, nous avions passé un accord de dix ans : nous nous devons d'organiser maintenant la liquidité ; en même temps, ma compréhension est que ces institutionnels partagent notre vision très positive sur l'immobilier de santé. Icade Santé est de plus un trophy-asset. Autrement dit, la plus belle société d'immobilier de santé ; elle devrait donc être très recherchée et bien valorisée par les investisseurs en recherche d'actifs au couple risque / rendement attractif.

Sans attendre quatre ans comme vous, Primonial, que vient d'acquérir le développeur, foncière et promoteur Altarea, détient pourtant déjà 9 milliards d'euros d'actifs santé sous gestion...

D'autres asset managers (gestionnaires d'actifs, Ndlr) comme BNP Paribas Real Estate Investment Management ou Axa Investment Management ont aussi des fonds dans l'immobilier de santé, mais contrairement à nous, ils ne sont pas cotés. Le succès de leurs levées de fonds en revanche nous a rendus confiants sur l'intérêt que suscite actuellement cette classe d'actifs.

La Covid-19 a-t-elle donc renforcé cette classe d'actif ?

La crise sanitaire a démontré et renforcé le caractère essentiel de l'immobilier de santé. Ainsi, sur les 18 milliards d'euros du Ségur de la Santé, un tiers est fléché vers les bâtiments de santé : ces actifs d'immobilier de santé sont une part essentielle des infrastructures du système de santé.

Quelle est la composition du syndicat de placement pour l'IPO d'Icade Santé ?

Nous avons retenu sept banques pour nous accompagner la cotation : Crédit Agricole Investment Bank, BNP Paribas, Société Générale, JP Morgan, Bank of America, Merrill Lynch, UBS et Natixis. Le marketing auprès des investisseurs a démarré il y a quelques jours et les premiers retours qui nous parviennent sont positifs

Quels sont les pays que vous visez pour le développement après la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne ?

Au 30 juin 2021, la valeur de notre patrimoine est de 6 milliards d'euros, en croissance régulière depuis la création d'Icade Santé en 2007 et son portefeuille est composé de 183 actifs, dont 40 à l'international et 143 en France. Nous avons d'abord ciblé les cliniques en France avant de nous diversifier vers les EHPAD et l'international en eurozone en 2018.

Aujourd'hui, nous restons concentrés sur la zone euro, qui est un marché très vaste et très liquide. La France représente 90% de notre portefeuille, suivie par l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Nos partenaires, les opérateurs tels qu'Elsan, Ramsay Générale de Santé, Korian et Orpéa, ont des stratégies de développement international. Notre ambition est de les accompagner aussi hors de France en Europe. De fait, nous pourrions regarder également des investissements au Benelux, en Autriche ou au Portugal.

Dans ce contexte, comment analysez-vous l'abandon du projet de loi sur le grand âge et le financement de la dépendance ?

L'allongement de l'espérance de vie et le financement de la dépendance qui en découle constitueront probablement un thème important de la prochaine élection présidentielle. Nous verrons alors quelles sont les mesures qui seront proposées.

Il est néanmoins certain que la question des infrastructures de santé sera l'un des éléments importants du sujet. Pour mémoire, dans le Ségur de la santé, la partie bâtimentaire représente 1/3, soit 6 milliards, des 18 milliards alloués à ce plan.

Externaliser les murs des établissements de santé, cliniques et EPHAD, auprès d'investisseurs comme Icade Santé peut permettre de faciliter le financement de la dépendance.

Au-delà du financement, pouvez-vous concevoir et construire des établissements de santé ?

Le groupe Icade a participé, d'une manière ou d'une autre, à la construction de près d'un hôpital sur quatre en France. Nous avons cette connaissance et cette compétence en immobilier de santé depuis plusieurs dizaines d'années. Dans les 5 dernières années, nous avons construit et livrés des cliniques ou des hôpitaux très importants. A titre d'exemple, je pourrais citer, pour ne parler que des plus récents, la Polyclinique de Reims-Bezannes, ou encore l'hôpital privé du Grand Narbonne.

Nous avons toujours eu cette double compétence d'investisseur mais aussi de conception et de construction, ce qui nous distingue des autres investisseurs en immobilier de santé. C'est cela que nous voulons dupliquer aussi en Allemagne, en Italie et en Espagne avec Icade Santé.

Comment Icade imagine-t-elle la ville post-Covid ?

La ville post-Covid, c'est celle qui constitue la raison d'être d'Icade : « concevoir, construire, gérer et investir dans des villes, des quartiers, des immeubles qui soient des lieux innovants, des lieux de mixité, des lieux inclusifs, des lieux connectés et à l'empreinte carbone réduite. Des lieux où il fait bon vivre, habiter, travailler ».

La métropolisation, contrairement à ce que l'on entend parfois, ne s'est pas ralentie avec la crise de la Covid. A cela, s'ajoute une pression migratoire qui augmente liée à des phénomènes climatiques ou géopolitiques.

La politique de la ville est donc un sujet essentiel pour les prochaines années ; à peine de vivre une crise majeure dans le logement. Avec des dizaines de milliers de personnes qui ne pourront, ne sauront comment se loger.

Il est urgent d'agir ; les chiffres de construction de logements en France étant depuis fin 2019 très mal orientés. Les missions en cours lancées par le gouvernement vont faire progresser le côté qualitatif des logements, leur performance environnementale aussi. Il est important que le gouvernement et les élus locaux coopèrent et se saisissent également du côté quantitatif de la politique du logement.

Les incitations mises en place par le gouvernement pour les maires bâtisseurs vont dans le bon sens : mais il va falloir faire beaucoup plus à mon sens.

Et les acteurs du logement, les promoteurs comme Icade Promotion doivent être capables de présenter des projets suffisamment vertueux et tractifs pour donner aux élus locaux l'envie de construire, de bâtir plus. Chez Icade, nous nous y attachons. C'est pourquoi nous sommes confiants pour 2021 et 2022.

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