
LA TRIBUNE - Il est habituel d'entendre de la part des professionnels du secteur que la transition écologique enchérit les coûts de construction. Est-ce pour leur répondre que vous publiez cette étude ?
LAURENT GIROMETTI - Si en tant qu'aménageurs, nous avons déjà une stratégie environnementale depuis longtemps, nous entendons souvent de la part des promoteurs : « financièrement, c'est compliqué » ou bien « c'est difficile ». C'est pourquoi nous avons voulu approfondir la question en regardant au plus près ces coûts de construction et les quantifier, considérant que nous avons un recul suffisant.
Le résultat est limpide : ce n'est pas aussi binaire, il n'y pas un coût qui domine plus qu'un autre et on ne peut se contenter de pointer les exigences environnementales. Le coût de la construction est un tout, un ensemble. Nous pouvons atteindre des ambitions en jouant sur différents postes de coûts.
Ce travail a mis en évidence les enjeux liés à la programmation et au cumul des contraintes. L'équation économique tient la route avec une véritable performance écologique à condition de travailler sur l'ensemble des postes qui font le coût d'une opération.
Comment comptez-vous opérer la révolution culturelle chez les promoteurs ?
Nous travaillons déjà avec les promoteurs. C'est le propre des aménageurs d'être à leurs côtés, de la consultation à la signature de la promesse de vente, puis jusqu'à la livraison. Nous pouvons donc leur proposer des pistes d'amélioration pour anticiper les interactions entre les différents postes de dépenses, faire attention aux coûts et aux risques de surcoûts.
Ce ne sera pas non plus une révolution culturelle. Nous avons déjà engagé 5.000 logements en bois sur les 5 dernières années, soit 50% de notre production résidentielle, les savoir-faire progressent. Il n'y a pas pour autant un modèle unique pour tenir les coûts. Les très gros opérateurs jouent sur les volumes, pendant que des sociétés de taille plus réduite ont des partenariats avec des entreprises techniques performantes.
Le gouvernement a fixé comme objectif « à horizon 2022 » aux établissements publics d'aménagement (EPA) comme le vôtre d'intégrer des matériaux biosourcés ou géosourcés dans au moins 50% des opérations. Comme vous, le bois semble plébiscité par le ministre de la Ville et du Logement Julien Denormandie. Comment passer des discours aux actes ?
Le discours de preuve sur le bois existe. Les craintes un peu irrationnelles sur le mode « Ce n'est pas solide » sont derrière nous. Le bois apparent en parement extérieur a aussi pu offrir des contre-références vieillissant mal. Il ne faut pas confondre le décor et la structure ! Les idées reçues sont en train de passer.
Ses avantages constructifs sont en outre mieux cernés : la rapidité de sa pose et le silence et la propreté du chantier. Les aménageurs comme nous ont ce levier dans une zone tendue comme l'Île-de-France où l'on peut inciter les acteurs en ce sens.
Les promoteurs ont par ailleurs commencé à se structurer sur ces questions, comme l'a montré le rachat de Woodeum par Altarea Cogedim, ou le propriétaire des zones commerciales Frey qui cherche à intégrer la chaîne de valeur. Ce sont des signes qui ne trompent pas.
D'autant plus que l'impératif du bas-carbone se profile et que la question des émissions carbone sur le cycle de vie du bâtiment sera une composante de la prochaine réglementation : tout un chacun s'y prépare.
La stratégie nationale bas-carbone vise justement à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'industries lourdes comme l'immobilier, mais pour répondre à la demande de logements, sont estimées à 500.000 le nombre de rénovations annuelles et à 500.000 celui d'habitats neufs. Comment relancer la production de ces derniers, tout en minimisant l'impact carbone ?
À mon échelle, je vous confirme que sur le territoire où l'EPA que je dirige intervient, la rénovation ne pourra pas répondre seule à la demande de logements. La construction ne va pas s'arrêter net. Au-delà des grands chiffres nationaux, il faut des analyses locales, étudier les différents potentiels de rénovation et de recyclage urbain en prenant ces questions par le bas.
En tant qu'acteurs de terrain, chacun doit faire son maximum : dans la rénovation, dans la restructuration de l'existant ou dans la construction neuve. Si chaque branche s'améliore, nous irons dans le bon sens.
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