«Les promoteurs ne sont pas des dinosaures» (Thierry Laroue-Pont, BNP Paribas Real Estate)

Pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire, le PDG de BNP Paribas Real Estate, Thierry Laroue-Pont, sort de son silence dans "La Tribune". La végétalisation de la ville s'est affirmée comme une nécessité et la flexibilité des usages va devenir la norme, estime le patron de la branche immobilière de la banque qui affiche plus de 1 milliard d'euros de revenus annuels.
César Armand
Le président de BNP Paribas Real Estate, Thierry Laroue-Pont.
Le président de BNP Paribas Real Estate, Thierry Laroue-Pont. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Entre des logements pas toujours utiles pour télétravailler et des bureaux désertés du fait du confinement, quels enseignements tirez-vous de la crise sanitaire ?
THIERRY LAROUE-PONT - Le choc a été brutal, frontal et global. Jamais un tel scénario n'avait été imaginé. Quoiqu'il en soit, il a été un accélérateur. Tout un chacun a dû s'adapter en termes de continuité d'activité, d'organisation du travail, de numérisation et de liens avec ses collaborateurs comme avec ses clients.
Si cette crise dessine des pistes pour le confort de vie, les espaces de respirations annexes et le résidentiel de demain, le danger consisterait à réagir dans l'émotion. Le télétravail ne peut pas par exemple être un modèle généralisable. Nous avons certes très bien géré le relationnel avec des hotlines, des wébinaires et des tables-rondes.
En revanche, générer des nouvelles affaires est beaucoup plus complexe. Une négociation via une webcam est plus bloquant qu'un rendez-vous traditionnel. C'est pourquoi nous avons mis en place des échanges réguliers pendant cette période de crise avec nos clients, qu'ils soient investisseurs ou utilisateurs. Entre un PDG de CAC 40 et un patron de PME ou d'ETI, leur vérité n'est pas la même.

L'attrait des métropolitains pour les villes moyennes est-il d'ailleurs un mythe ou une réalité durable ?
Juste avant le confinement, nous avons assisté au départ de 15% de la population parisienne vers les régions et un ailleurs géographique. Pour autant, ce plébiscite voire ce rééquilibrage en faveur des villes moyennes est déjà synonyme d'offres tertiaires mixtes, de qualités de desserte en TGV et de bonnes couvertures numériques.
Demain, ce sera donc plus simple de « vendre » ces villes fonctionnelles aux investisseurs. Collectivement, nous privilégierons des petites distances avec un maximum de services (logement, travail, écoles...) Les commerçants locaux seront ainsi soutenus, mais cela va aussi reposer la question de la logistique du dernier kilomètre. Les solutions devront s'avérer vertueuses, ne serait-ce que pour la jeune génération qui y aspire.

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Ce qui a manqué aux jeunes comme aux vieux, ce sont les espaces extérieurs. Comment offrir cette qualité de vie en ville dense ?
La végétalisation de la ville s'est affirmée comme une nécessité. Il faudra donner cette capacité à accéder à du vert, que ce soit un toit végétal, un balcon ou une cour mutualisable comme espaces de vie et de respiration. Cette offre de services devra également être totalement numérisable. Entre le télétravail et les familles recomposées, nous porterons une attention encore plus soutenue à la connectivité. La flexibilité des usages va effectivement devenir la norme. Les actifs accueilleront aussi bien de l'hôtellerie, du coliving que des logements où l'on peut travailler, vivre et faire l'école à la maison. Même dans les espaces tertiaires, nous nous interrogeons sur les espaces fractionnés dans la mutualisation des espaces, comme des parkings ouverts à toutes et à tous le soir et le week-end ou des commerces en rue intérieure accessibles à l'ensemble des riverains.

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Est-ce dans cet esprit de flexibiliser le cadre et les horaires de travail que vous lancez une offre en partenariat avec l'opérateur de tiers-lieux Now Coworking ? 
Le télétravail ne va pas tuer l'immeuble de bureaux. Nous n'avons pas besoin de moins de mètres carrés, mais de mieux de mètres carrés. Cette hybridation télétravail-tiers-lieux-flex office triomphera, avec moins de postes de travail fixes et davantage de coworking. De même que si vous érigez un immeuble désirable, vous pouvez faire naître de la fierté chez vos collaborateurs et recommencer les réunions tout en respectant les règles de distanciation physique.

C'est en outre un vrai enjeu de mobilités douces. Pour limiter le recours à la voiture thermique, il faut plus de parcs à vélos et de bornes de recharges. C'est une opportunité pour revisiter, mélanger et augmenter la durée de vie des produits immobiliers.

Comment trouver la juste équation économique ?
Nous avons une opération place des Ternes (Paris XVIIe) qui comporte des bureaux, des logements, un jardin planté et du commerce en rez-de-chaussée. Idem à Bagneux (Hauts-de-Seine) où nous proposerons 1.800 logements en accession, 700 logements sociaux, 12.000 m² d'agriculture urbaine, une ferme aquaponique de même que pendant le chantier, nous avons installé un marché pour créer du lien avec les habitants.
Sans oublier une opération tertiaire à Saint-Ouen avec 7.300 m² des terrasses et un parc de running, ou Arboretum à la Défense en partenariat avec Woodeum où des bureaux particulièrement adaptés aux nouveaux usages tertiaires post-covid au sein d'un parc de près de 9 hectares vont remplacer une usine de papeterie polluante.
Nous nous devons de créer des formes hybrides, vertueuses et réversibles. Nos équipes sont en demande. L'autre jour, un jeune ingénieur des travaux publics, qui adore travailler sur des projets mixtes, a dit à son chef : « Je ne veux plus bosser sur des gouffres énergétiques ! »

Le bilan carbone de l'industrie immobilière est pourtant perfectible...
Il faut intégrer l'empreinte carbone dans le bilan dès le début, comme nous l'avons déjà fait dans le cadre des concours Réinventer Paris ou Inventons la métropole du Grand Paris. Les promoteurs ne sont pas des dinosaures et savent se remettre en question. Nous avons été les premiers à mutualiser nos directions de recherche et développement et à donner à ces collectivités nos secrets de fabrication.
Les villes attendent de nous de travailler avec les élus locaux, les sociétés d'économie mixte et les établissements publics d'aménagement et d'associer leur population. Sinon, nous sommes bannis...

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Est-ce cette suradministration locale qui bloque le développement de nouveaux projets, comme l'estime la Fédération des promoteurs immobiliers ?
Ce sont les recours qui réduisent les temps de production. Il n'est pas normal qu'en Allemagne ou à Londres, une opération sorte en trois ans contre sept à huit ans en France, pénalisée par les recours abusifs, écologiques et politiques.
A l'inverse, les villes sont formidables avec nous. Leur administration nous facilite le travail en nous demandant de produire du neuf avec de la mixité sociale et bien entendu une empreinte carbone positive.

Lire aussi : Logement neuf: les promoteurs immobiliers fustigent la "diabolisation" de la ville

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 19/06/2020 à 9:07
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LOL ! Végétalisation comme nouveauté, greenwashing donc, alors que des gens qui travaillent dorment dans leurs bagnoles, dans des campings ou dans des taudis parce que votre cupidité maladive spécule sur l'outil de production le plus important qu...

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