Logement social : hausse de la production et réforme administrative, les candidats à la Présidentielle livrent leurs idées

A l'invitation de l'Union sociale pour l'habitat, de la Fondation Abbé Pierre, de la Fédération française du bâtiment et des associations d'élus France urbaine et Intercommunalités de France, six des candidats à l'élection présidentielle ou leurs représentants ont dévoilé ce 9 mars leur programme en matière de logement social.
César Armand
(Crédits : Philippe Wojazer)

En France, 10 millions de personnes vivent dans près de 4,7 millions de logements sociaux et au moins un Français sur deux réside ou a résidé en HLM au cours de sa vie. Le quinquennat qui s'achève aura été marqué, pêle-mêle, par la baisse de 5 euros des APL, le regroupement des offices HLM et la réduction de leur loyer de solidarité. Lors d'un débat en février avec Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, le président Macron a concédé ne pas être « allé suffisamment loin » sur la production de logements sociaux.

Malgré le volontarisme de sa ministre Emmanuelle Wargon, disant vouloir construire 250.000 logements d'ici à fin 2022, seules 104.800 autorisations à construire au lieu de 120.000 ont été délivrées en 2021 auprès des bailleurs sociaux. Ces derniers estiment au contraire qu'il en faudrait 150.000 par an pour répondre aux 2,2 millions de demandes de logements sociaux.

C'est dans ce contexte que l'Union sociale pour l'habitat, la Fondation Abbé Pierre, et la Fédération française du bâtiment et celle des Intercommunalités de France, ont interpellé hier les candidats à l'élection présidentielle ou leur représentant sur les questions cruciales du logement social.

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A un mois du premier tour, seule la maire de Paris et candidate du PS Anne Hidalgo avait fait le déplacement. Les autres étaient représentés par un membre de leur équipe de campagne : l'eurodéputé (LR) et ex-vice-président de la région Île-de-France chargé du logement Geoffroy Didier pour Valérie Pécresse, le secrétaire national d'EE-LV Julien Bayou pour Yannick Jadot, la ministre du Logement Emmanuelle Wargon pour le président-candidat Emmanuel Macron, l'adjoint (PCF) à la maire de Paris Ian Brossat pour Fabien Roussel et le député (LFI) de Seine-Saint-Denis, Éric Coquerel, pour Jean-Luc Mélenchon.

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 « L'étalement urbain a enlaidi certains de nos territoires » (Geoffroy Didier, LR)

Premier à monter sur scène, Geoffroy Didier s'est inscrit dans le programme de Valérie Pécresse, qui avait présenté ses propositions en la matière le 7 février à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). L'eurodéputé a réaffirmé l'objectif de 500.000 nouveaux logements construits ou mis en chantier. A titre de comparaison, 471.000 habitats neufs ont été autorisés à la construction en 2021 par les maires.

En cas de victoire de la candidate, les édiles se verront même doter d'un nouveau pouvoir en plus du permis de construire : "la politique de peuplement". Autrement dit, les élus attribueront 60% des logements sociaux de leur commune et pourront adapter localement le zéro artificialisation nette (ZAN) des sols. A condition d'inciter les promoteurs à utiliser les friches ou les zones d'activité commerciale. "Il s'agit d'éviter l'étalement urbain qui a enlaidi certains de nos territoires", a insisté Geoffroy Didier.

L'ex vice-président (LR) du conseil régional d'Île-de-France chargé du Logement a également annoncé que la politique de ville, actuellement pilotée par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), serait "sans doute régionalisée". Cela va dans le sens de la politique de décentralisation présentée par sa championne le 4 mars. Il a enfin confirmé la clause de 6 ans dans le logement social pour en faciliter l'accès aux travailleurs de la première ligne.

 « Ouvrir l'encadrement des loyers aux maires intéressés » (Anne Hidalgo, PS)

En première ligne depuis le début de la crise sanitaire, la maire de Paris est venue au Palais Brongniart dans ses habits de candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle. A la différence de sa politique locale où la part de logements sociaux est passé de 13% à 24% depuis 2001, elle veut que l'Etat se substitue aux communes qui ne veulent pas construire ce type d'habitats demandés par 2 millions de ménages.

Parallèlement, elle a promis d'ouvrir l'encadrement des loyers, en vigueur dans la capitale depuis le 1er juillet 2019, aux maires qui sont intéressé(e)s. L'élue locale en oublierait presque que cette disposition est inscrite dans la loi relatif à la décentralisation, à la déconcentration, à la différenciation et à la simplification de l'action publique dit "3DS" qui vient d'être promulguée.

De la même façon qu'Anne Hidalgo croit toujours en son "bouclier logement" afin que ce premier poste de dépenses des ménages n'excède pas 30% des revenus des classes moyennes et populaires. Dans cet esprit, les frais liés à la rénovation d'un logement seront pris en charge par un grand plan pluriannuel avant d'être acquittés lors de la vente ou de la succession du logement. Une piste qui fait écho au "prêt avance rénovation" commercialisé par la Banque postale depuis que le directeur général de la Banque des territoires a remis un rapport en ce sens au gouvernement en mars 2021.

 « Dans ce pays, le travail ne paie pas... » (Julien Bayou, EE-LV)

Pour répondre au coût du logement et payer les factures d'énergie, le candidat d'EE-LV Yannick Jadot érige "le pouvoir de vivre" en priorité. "Dans ce pays, le travail ne paie pas", a insisté son secrétaire national Julien Bayou ce 9 mars. Ils proposent donc d'instaurer un revenu minimum citoyen de 920 euros par mois et de mettre en œuvre la garantie universelle des loyers. En réalité, même l'ex-député (LREM) Mickael Nogal n'a jamais été suivi par l'exécutif actuel du fait du lobbying de certains acteurs...

Outre les habitats existants, les écologistes veulent construire 700.000 logements sociaux dans les cinq ans. En cela, ils ne font que répondre à la demande des bailleurs sociaux qui en demandent 150.000 par an, contre moins de 100.000 aujourd'hui. Ils espèrent même pousser le quota de logements sociaux à 30% d'ici à 2030, contre 25% d'ici à 2025, comme le prévoit la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) de 2001.

 « Plus de logements plus durables et plus abordables » (Emmanuelle Wargon, En Marche)

Vingt ans plus tard, le gouvernement a maintenu cette ambition de la loi SRU dans la loi 3DS. C'est d'ailleurs la ministre du Logement Emmanuelle Wargon elle-même qui est venue présenter le programme du président-candidat Emmanuel Macron. Sans surprise, l'ex-secrétaire d'Etat à la Transition écologique a prôné "la continuité" de l'action engagée depuis mai 2017.

Il a été question de "plus de logements plus durables et plus abordables", de "logements pour tous" et de "construction décarbonée". A ce titre, la réglementation environnementale des bâtiments neufs dite "RE2020" est présentée comme le cadre "commun et prévisible". De même que l'accent sera mis sur les approvisionnements de matériaux, la souveraineté stratégique et la création de filières.

En termes de rénovation, l'objectif quantitatif de 700.000 logements par an est de nouveau martelé. A la différence près que sur le plan qualitatif, la majorité actuelle veut passer "des rénovations simples aux rénovations plus globales". Une position défendue depuis longtemps par les professionnels pour réussir ces chantiers complexes. La porte-parole et ministre Emmanuelle Wargon a par ailleurs remis sur la table le revenu universel d'activité (RUA), évoqué mi-2019 avant d'être ajourné du fait de la Covid-19.

 « La crise du logement est une crise de l'aménagement du territoire » (Ian Brossat, PCF)

A propos de pouvoir d'achat, l'adjoint (PCF) au Logement d'Anne Hidalgo à Paris mais directeur de campagne de Fabien Roussel, Ian Brossat, a estimé que nous allions "passer d'une guerre vue à la télé à une guerre dans le porte-monnaie". Au-delà du bon mot, il a assuré que "pas plus de 20%" des dépenses des ménages seraient consacrés au logement à l'achat ou à la location.

"La droite a eu l'habitude de favoriser le logement en accession à la propriété, la gauche celle de développer le logement social, le ni droite ni gauche n'a pas favorisé le logement du tout", a ironisé le communiste.

Ce dernier s'est ainsi défini comme un "partisan" du logement social. Adjoint d'Anne Hidalgo chargé de ces questions depuis 2014, il ne peut dire le contraire. Comme EE-LV, Ian Brossat rêve de relever le quota de logements sociaux à 30% contre 25% actuellement et de faire bénéficier les maires d'aides à la pierre financées par l'Etat pour y parvenir.

Logiquement, l'élu de la capitale entend "réguler le secteur privé", "démétropoliser" la France et même la "déparisianiser". "La crise du logement est aussi une crise de l'aménagement du territoire", assène-t-il. Le porte-drapeau de Roussel souhaite d'autre part rénover 700.000 logements par an "par la question de l'argent".

 « On a aussi le droit d'avoir un logement là où l'on vit ! » (Eric Coquerel, LFI)

"On a aussi le droit d'avoir un logement là où l'on vit" a martelé, dans la foulée, Eric Coquerel. Représentant de Jean-Luc Mélenchon, le député (LFI) de Seine-Saint-Denis a rappelé la promesse d'ériger un million de logements sociaux d'ici à 2027, soit 250.000 chaque année. C'est le double de ce qui se fait actuellement. Sans oublier 15.000 nouveaux logements étudiants par an. Soit 75.000 sur le quinquennat. En comparaison, Emmanuel Macron en avait annoncé 60.000 mais seuls 30.000 sont sortis de terre.

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César Armand

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Commentaires 2
à écrit le 10/03/2022 à 8:29
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Les logements sociaux qui se construisent sont aussi moches que les barres de Pompidou mais pas chers permettant une grosse marge bénéficiaire des milliardaires privés sur les finances publiques leur passe temps favori, piller les caisses publiques. ...

le 11/03/2022 à 12:20
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On attend vos calculs. Critique facile qui reste à démontrer.

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