Logement : cette note secrète qui circule dans les QG de campagne

"Quelle conception de l'habitat adopter ?", "comment adapter la politique du logement au pouvoir d'achat des ménages, des bailleurs privés et publics ?", "quelle est la bonne répartition des compétences en matière de logement ?", "la politique du logement peut-elle demeurer une composante isolée de l'action publique" ou encore "comment organiser le secteur de l'habitat ?". Intitulée "Quelle politique du logement pour le prochain quinquennat", une note, que dévoile La Tribune en exclusivité, circule actuellement dans les états-majors des candidat(e)s à l'élection présidentielle. Objectif: interpeller le futur(e) ministre du Logement pour définir une politique "cohérente".
César Armand
(Crédits : Charles Platiau)

A l'approche des élections présidentielle et législatives, les milieux économiques tentent de peser sur les programmes. A défaut de prendre position dans le débat public, ils préparent des contributions informelles proposant des axes de travail voire des mesures concrètes que les membres des prochains gouvernement et Parlement trouveront sur leur bureau dès le jour de leur prise de fonctions... ou même avant.

Parfois qualifiées de "notes blanches", sur le modèle de ces documents courts et non-signés que les services de renseignement adressent aux responsables administratifs et politiques, ces "notes secrètes" se diffusent actuellement dans les QG de campagne. Celle que La Tribune révèle aujourd'hui est adressée au futur(e) ministre du Logement.

Intitulée "Quelle politique du logement pour le prochain quinquennat", cette note part du principe que quel que soit le vainqueur du 24 avril prochain, "le seul point essentiel est qu'une politique du logement soit décidée et qu'elle soit cohérente et, si possible, réaliste".

Un point qui a fait défaut sous le président Macron : d'abord absent des intitulés ministériels, le logement n'est réapparu que fin 2018 sous la forme d'un ministère rattaché à la Cohésion des Territoires et aux Relations avec les collectivités locales, avant de quitter ce giron en juillet 2020 et de passer sous la tutelle de la Transition écologique.

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"Les espaces périphériques et ruraux ont leurs cartes à jouer"

A sa première question rhétorique "Quelle conception de l'habitat adopter ?", l'auteur de la note répond que "l'habitat est un enjeu de compétitivité pour l'économie nationale et d'attractivité pour les territoires". Invitant à "repenser l'espace métropolitain", il affirme que "l'urbanisme doit être au service de la fluidité et de la lisibilité de l'espace".

"A côté des métropoles, les espaces périphériques et ruraux ont leurs cartes à jouer, en termes de complémentarités économiques, mais aussi de parcours de vie et d'inclusion sociale (...) Autrement dit, métropoles et ruralité doivent constituer des volets distincts et complémentaires", ajoute-t-il.

Il ne croit pas si bien dire. Même si l'association d'élus France urbaine se targue de signer des "contrats de réciprocité" avec ses territoires environnants, la crise des "Gilets jaunes" ou même le récent "convoi des libertés" traduisent une colère de la "France périphérique" assignée à résidence. Le prétendu "exode urbain" traduit certes une aspiration des Français à vivre mieux, mais en réalité, il ne concerne que des métropolitains capables de télétravailler et de s'offrir deux cadres de vie.

Éviter toute disposition "intempestive" de nature normative

L'auteur de la note se demande d'ailleurs "comment adapter la politique du logement au pouvoir d'achat des ménages, des bailleurs privés et publics". Il recommande ainsi qu'en période de hausse des taux d'intérêt et de stagnation du pouvoir d'achat, il serait "judicieux" d'éviter toute disposition "intempestive", notamment de nature normative, susceptible d'accentuer la réduction du volume et du prix des transactions.

"Dans le circuit de production, elles s'avèrent déterminantes pour le financement des constructions neuves" (...) C'est donc bien du côté des procédures dérogatoires qu'il paraît utile de porter l'attention, notamment dans la perspective de transformation de métropoles polycentriques", poursuit-il.

Force est de constater en effet qu'au lendemain d'une année record dans l'immobilier ancien, les transactions s'envolent certes, mais les stocks s'épuisent. D'autant qu'en même temps, la construction neuve plombée par la Covid-19 ne repart pas aussi vite qu'espéré par les professionnels de l'immobilier.

"Le développement de l'offre se heurte désormais au néo-malthusianisme des populations, majoritairement opposées à l'accueil "d'outsiders" et hostiles aux opérations d'urbanisme venant perturber leur environnement quotidien", relève-t-il.

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Systématiser des dispositifs dérogatoires

Aussi, dans un troisième temps, renvoie-t-il à la question d'adapter la politique du logement au pouvoir d'achat réel des ménages, elle-même renvoyant nécessairement à la question des normes et des procédures. Il propose donc de conduire sérieusement des études d'impact sur les réformes envisagées et d'alléger les normes et les procédures par la mise en place de dispositifs dérogatoires. "Cette voie mériterait d'être systématiquement envisagée", insiste-t-il

Sur les diagnostics de performance énergétique et ses conséquences sur la commercialité des actifs, nul ne saurait lui donner tort. L'interdiction des passoires thermiques classées G, F et E à horizon 2025, 2028 et 2034 risque de faire sortir des milliers voire des millions de personnes du parc locatif tout en décourageant les propriétaires d'investir dans ce type de bien.

S'agissant des normes, estimer au préalable tous les impacts d'une nouvelle réglementation pour en minimiser les plus défavorables et en maximiser les plus positifs risque en revanche de rester un vœu pieux... "Presque toujours en politique, le résultat est contraire à la prévision", conclut-il lui-même, citant Chateaubriand.

Affirmer un ministère politique portant la dimension transversale

Dans ces conditions, quelle est la bonne répartition des compétences en matière de logement ?, s'interroge-t-il.

"Faut-il rapprocher la responsabilité politique des compétences opérationnelles, en transférant la responsabilité de la programmation et du zonage aux régions et aux métropoles, constituant ainsi "un bloc de compétences" cohérent, par couplage des mobilités collectives et de l'habitat ?", enchaîne-t-il.

Aujourd'hui, les maires détiennent, encore et toujours, le pouvoir d'octroyer, ou non, un permis de construire, et élaborent un plan local d'urbanisme (PLU) et même un PLUi à l'échelle intercommunale. Les métropoles sont, elles, des autorités organisatrices de mobilité (AOM) et votent des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ainsi que des plans métropolitains pour l'habitat et l'hébergement (PMHH).

De leur coté, les conseils régionaux promeuvent le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l'accès au logement et à l'amélioration de l'habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine ainsi que le soutien aux politiques d'éducation et l'aménagement et l'égalité de ses territoires, précise l'article L4221-1 du Code des collectivités territoriales.

En clair, les compétences liées au logement et au transport sont éparpillées "façon puzzle". Pour en finir avec ce millefeuille kafkaïen, l'auteur de la note définit une "véritable priorité": "l'affirmation d'un ministère politique portant la dimension transversale de l'habitat du pays."

"Point donc de suppression, mais une élévation ; souvenons-nous que la disparition du ministère de l'Industrie a coïncidé, peu ou prou, avec la désindustrialisation accélérée du pays", pointe-t-il.

Régionaliser Action Logement

Sans surprise, il se questionne encore sur le fait de savoir si la politique du logement peut demeurer une composante isolée de l'action publique.  A cela, il estime que les grands services publics qui peinent à recruter "mériteraient" des logements de fonction au sein même des établissements ou à proximité immédiate. Idem pour les travailleurs-clés du secteur productif.

Dernière interpellation et non des moindres: comment organiser le secteur de l'habitat ? A cette problématique qui devrait mobiliser toute la chaîne de valeur de l'immobilier, des décideurs nationaux aux acteurs privés en passant par les élus locaux, l'auteur de la note répond "filières et territoires".

"La loi Élan, qui organise les rapprochements inter-bailleurs, aurait dû porter une plus grande ambition qui l'aurait rendue plus attractive, en élargissant lesdits rapprochements à l'ensemble des acteurs de la filière, aménageurs, investisseurs...", estime-t-il.

Les organismes de logement social de moins de 12.000 logements ont certes eu jusqu'au 1er janvier 2021 pour se regrouper ou rejoindre un groupe plus grand, mais entre la baisse des APL de 5 ans, leur contemporanéisation et la réduction du loyer de solidarité (RLS), il se construit moins de 100.000 habitats sociaux par an. Il en faudrait plutôt 150.000 pour répondre aux 2,2 millions de demandeurs.

Pour le volet territoires, il plaide pour la régionalisation des organismes HLM et de l'organisme paritaire Action Logement, "diverses considérations incitant à aller dans ce sens". A commencer par la nécessité de constituer des outils de financement capables de recapitaliser les instruments opérationnels de terrain. Reste que l'ex-1% Logement compte déjà 51 filiales et déploie un plan d'investissement "volontaire" de 9 milliards d'euros.

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César Armand
Commentaires 10
à écrit le 21/02/2022 à 19:21
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Le Gouvernement avec l'immobilier C'est : Il y a du beurre à se faire ! On va rajouter ,quelques contraintes ,normes, obligations ect..puis on taxe à donf .

à écrit le 21/02/2022 à 17:51
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Après avoir saccagé les centres villes et les banlieues, les bailleurs sociaux vont s'attaquer à nos villages et campagnes. Nous avions des paysages et n'avions pas de pétrole, nous n'aurons ni l'un ni l'autre demain ...

le 21/02/2022 à 20:07
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C'est sûrement encore pire que ça ; faites un effort...

à écrit le 21/02/2022 à 14:46
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Le progrès c’est de rendre accessible par des gains de productivité ce qui était cher avant et cela marche sur a peu près tout ,sauf naturellement les matières premières dépendantes de facteurs plus complexes, sauf pour l’immobilier.Si l’on voulait ...

à écrit le 21/02/2022 à 12:13
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Une seule chose a retenir, quelque soit le sortant aux prochaines elections, les taxes et impots de toutes sortes vont exploser. La transition est en marche avec son corollaire le porte monnaies des francais. Enfer fiscal quand tu nous tiens.

à écrit le 21/02/2022 à 11:48
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Cette "note secrète" identifie un certain nombre de vraies questions. De mon point de vue, le point fondamental reste le prix faramineux de l'immobilier qui interdit aux revenus moyens ou modestes de se loger décemment à proximité de leur lieu de tr...

à écrit le 21/02/2022 à 10:00
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En matière de logement je crains que la liberté atteint ses limites pour les résidences secondaires et autre logements temporaires de vacances pour certains secteurs sous tension pour les habitants du coin.

à écrit le 21/02/2022 à 8:33
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pompiers pyromanes, le retour!! chacun va expliquer pourquoi il veut de l'argent, surtout s'il a mis le feu a la baraque.......peut etre qu'il faut arreter de mettre la pression sur le logement en important la misere de la terre? peut etre qu'il faut...

le 22/02/2022 à 10:00
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Bien d'accord avec vous, avec des lois qui protègent le locataire et qui décourage le propriétaire de louer, les squatters qui joue sur la loi pour ne pas être expulsé et les 300 000 migrants par an qui viennent embouteiller les offices HLM, le logem...

à écrit le 21/02/2022 à 8:22
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Le point qui a fait défaut à Macron...? Heu...? sérieux ? vous n'êtes pas obligé d'être dans la complaisance absolue et de vous confondre avec la carpette.. on y gagne en dignité.

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