En Île-de-France, "nous pouvons aller chercher 200.000 emplois verts", Julien Bayou, EE-LV

RÉGIONALES - GRAND ENTRETIEN. Chef de file d'Europe-Ecologie-Les Verts aux élections des 20 et 27 juin, Julien Bayou promet un plan d'investissement vert de transformation écologique et économique de 3 milliards d'euros couplé à un "small business act". S'il est élu, le conseil régional créera un fonds de confiance vert patient pour investir dans les prêts à haut de bilan et pour soutenir les fonds propres des jeunes pousses et entreprises engagées.
César Armand
Outre le rétablissement de 30.000 emplois-tremplins que Valérie Pécresse a détruits, nous soutiendrons les activités économiques, les entreprises et leurs carnets de commande, déclare le candidat écologiste, Julien Bayou.
"Outre le rétablissement de 30.000 emplois-tremplins que Valérie Pécresse a détruits, nous soutiendrons les activités économiques, les entreprises et leurs carnets de commande", déclare le candidat écologiste, Julien Bayou. (Crédits : Benjamin Boccas)

Nous allotirons les marchés et descendrons dans la granularité de la commande publique pour que les plus petits puissent s'aligner.

Julien Bayou, candidat à la présidence de la région Île-de-France

A l'approche de ses 41 ans, l'ex-militant associatif de "Génération précaire" et de "Jeudi noir" est le chef de file d'Europe-Ecologie-Les Verts aux élections régionales en Île-de-France. Conseiller régional depuis 2010, Julien Bayou est aussi à l'aise pour promouvoir l'agroécologie et la rénovation des lycées que pour affirmer que l'économie circulaire peut créer 30 à 200 fois plus d'emplois aujourd'hui. En cas de victoire, il promet également de mettre l'accent sur les transports du quotidien et le logement social.

LA TRIBUNE : Vous voulez faire de la région Île-de-France la première région écologiste du pays. Comment allez-vous financer votre « Green New Deal » de 3 milliards d'euros ?

JULIEN BAYOU : Si l'activité économique permet de réaliser la transition, le rôle des pouvoirs publics consiste à encadrer et à investir à ses côtés. C'est à partir de cette idée qu'il faut relocaliser notre économie tout en tirant les leçons de la crise. Cette dernière révèle une Île-de-France vulnérable sur le plan alimentaire, écologique, économique, sanitaire et social. Il y a désormais près d'un million de chômeurs dans la région en plus du péril du dérèglement climatique.

La bonne nouvelle, c'est que les activités les plus favorables au climat sont les plus créatrices d'emploi. Par exemple, le sujet de la rénovation thermique avec zéro euro reste à charge pour les plus vulnérables. C'est bon pour le climat mais également pour les ménages, car cela permet d'en finir avec les 800 euros de factures d'électricité par mois, de même que c'est meilleur pour la santé. Sans oublier que cela crée un emploi tous les cinq à six logements rénovés. C'est cela le green new deal, le plan d'investissement vert de transformation écologique et économique que je défends. Couplé à un small business act, nous pouvons aller chercher 200.000 emplois verts qui ont du sens.

L'agroécologie figure aussi à mon agenda. Quand je parle de 100% de produits bio et de proximité dans les cantines des lycées, c'est concret. Moins de pesticides signifient plus de biodiversité, une viande de meilleure qualité et plus de repas équilibrés à la cantine. C'est en outre au moins un emploi par hectare quand on parle de maraîchage.

En matière d'économie circulaire par ailleurs, trop de déchets sont produits à Paris, brûlés à Ivry ou à Créteil - nous n'avons pas vraiment d'éléments sur les particules fines rejetées - , et enfouis en Seine-et-Marne où cela saccage les terres et pollue les cours d'eau ainsi que les nappes phréatiques. Au contraire, il nous faut réutiliser et réemployer. Si surveiller une décharge ne crée pas beaucoup d'emplois, organiser une filière de recyclage-maintenance-réparation permet de réenclencher un cercle vertueux. Cela permettrait, selon EY, de créer 30 à 200 fois plus d'emplois dans ce domaine.  

Paris ville-centre, Créteil (Val-de-Marne), département de Seine-et-Marne... Si vous êtes élu, comment le conseil régional y travaillera avec l'ensemble des collectivités franciliennes ?

La région jouera le rôle de grande sœur des autres collectivités qui s'engagent pour la transition écologique. Lors de la présentation de mon programme le 3 juin dernier, j'étais accompagnée de Carine Petit, la maire du XIVe arrondissement de Paris, et d'Olivier Thomas, maire de Marcoussis (Essonne). Les collectivités cherchent déjà le chemin de la transition. La demande de leur population augmente car elles perçoivent le lien avec la santé.

Si je suis élu, le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), qui supervise tous les documents d'urbanisme, viendra en soutien. Je n'explique pas que la centrale photovoltaïque de Marcoussis ne se soit vu offrir que 10.000 euros de la région - ce n'est pas sérieux -, alors que Safran a touché 1 million d'euros - de l'argent de poche - l'année même où il réalise 350 millions d'euros de chiffres d'affaires. Sans parler de Renault qui a licencié 2.800 personnes à Choisy-le-Roi tout en étant subventionné sans contrepartie par la région.

Nous, nous ferons le choix de « critériser », c'est-à-dire que nous aiderons les entreprises en transition et que nous accompagnerons celles qui sont en retard. De la même façon que nous choisirons les départements de grande couronne, les petits commerces et les TPE-PME car ce sont elles qui répondent aux besoins des territoires.

Y compris pour la rénovation thermique et phonique de 130 lycées et la construction de 5 nouveaux établissements que vous estimez à 5 milliards d'euros ?

La rénovation des lycées, c'est bon pour le climat et bon pour le bien-être des élèves et des agents. Du fait des derniers orages, ils ont mis des seaux partout. A Dugny, en Seine-Saint-Denis, ou à Coulommiers, en Seine-et-Marne, des salles de classes ont été inondées. Il y a urgence à rénover, et c'est aussi un moyen de soutenir les artisans du coin.

Nous allotirons les marchés et descendrons dans la granularité de la commande publique pour que les plus petits puissent s'aligner. Tout cela nécessite un travail des services techniques du conseil régional, mais cela favorisera les circuits de proximité et l'économie sociale et solidaire.

Vous avancez la création de 200.000 emplois verts. Sur quels fondements vous fondez-vous pour avancer de tels chiffres ?

Outre le rétablissement de 30.000 emplois-tremplins que Valérie Pécresse a détruits, nous soutiendrons les activités économiques, les entreprises et leurs carnets de commande. Nous apporterons notre appui aux agriculteurs, avec une aide aux installations, de la même manière que nous investirons dans les transports du quotidien.

Nous créerons ainsi un fonds de confiance vert patient pour investir dans les prêts à haut de bilan et pour soutenir les fonds propres des jeunes pousses et entreprises engagées dans la transition. Forts d'un tissu déjà très riche dans l'économie circulaire, de la consigne au vrac, nous investirons également dans les énergies renouvelables, la baisse des consommations et même dans les petites hydroliennes dans les cours d'eaux dans le respect des trames bleus (de biodiversité, Ndlr).

Justement, comment et combien investirez-vous dans les transports du quotidien?

Les transports, c'est un constat d'échec pour la droite régionale. Valérie Pécresse avait annoncé en 2015 700 rames neuves au cours de son mandat. Seules 203 ont été livrées pendant la mandature, principalement du fait des commandes de l'ancienne majorité. Les trains Région2N des lignes H et R du Transilien l'ont été par l'écologiste Pierre Serne, vice-président écologiste de Jean-Paul Huchon. 

Il faut dire la vérité. En matière de transports il n'y a pas de « en même temps » sinon cela consiste à déprioriser les transports du quotidien au profit du CDG Express ou des lignes 17 et 18 du Grand Paris Express. 

Auditionné au Sénat en mars dernier, le nouveau président du directoire de la Société du Grand Paris, Jean-François Monteilsa annoncé que le super-métro irait « jusqu'au bout ». Tout comme le Premier ministre, Jean Castex, vient de confirmer l'implantation d'une gare, la seule du Val-d'Oise, sur le triangle de Gonesse...

Si les lignes 15 et 16 sont évidentes, les lignes 17 et 18 sont beaucoup moins prioritaires. Pourquoi faudrait-il une gare égarée à deux kilomètres de Gonesse, alors que la priorité  est de lutter contre l'artificialisation des sols ? Autant la mettre à Gonesse ! Outre que le projet Europacity et le T4 de Roissy ont été abandonnés, il y a zéro habitant à la ronde. Cela va donc plomber à terme les comptes de la Société du Grand Paris (l'établissement public qui construit le Grand Paris Express, Ndlr) et d'Île-de-France Mobilités (l'autorité organisatrice des transports, Ndlr).

A quels besoins correspond sinon le trajet entre Le Bourget et Roissy ? L'Elysée l'a décidé en 2008 depuis le bureau de Nicolas Sarkozy, mais les utilisateurs de jets privés polluants qui y atterriront ne prendront jamais le métro ensuite. Nous nous devons d'interroger le tracé et sa pertinence. C'est pourquoi je préfère mettre davantage l'accent sur les mobilités du quotidien, comme l'extension des tramways. Le désenclavement du Val-d'Oise passe par le prolongement des T5 et T11. L'association des usagers des transports en Île-de-France dénonce des financements à l'arrêt. Nous les rétablirons.

Quant à la ligne 18, l'urbanisation de Saclay a été une erreur. Plutôt que d'y mettre le Grand Paris Express, privilégions un tramway entre Massy et le plateau. Il n'existe pas non plus de véritables flux entre Saclay et Saint-Quentin-en-Yvelines. Tout ceci incarne une vision très éloignée de la réalité et retarde les travaux nécessaires pour améliorer les RER B, C et D ainsi que la mise en accessibilité des gares pour les personnes en situation de handicap.

Vous proposez, enfin, 100 millions d'euros par an pour le logement social. Combien pour la construction neuve qui subit une crise inédite alors qu'elle érige la moitié des HLM ?

J'en veux à Valérie Pécresse d'avoir abandonné ce champ. Elle a fait des économies de bout de chandelle. Il faut réinvestir pleinement le logement social. Faire cela, c'est participer à la question des logements accessibles à tous et partout, comme à Paris pour les soignants. Pourquoi ériger des bureaux gare d'Austerlitz alors qu'on pourrait y construire des logements sociaux et remettre de la nature en ville?

Des villes refusent également de construire et préfèrent payer des amendes. Demain, la région ne soutiendra plus ces communes qui enfreignent la loi. Et nous accompagnerons les autres. Je suis allé à Colombes (Hauts-de-Seine) chez Patrick Chaimovitch où se trouvent un peu plus de 30% de logements sociaux. La loi SRU est respectée mais tout son enjeu consiste à rénover et à trouver de l'ingénierie financière et technique.

Certes, les fonds de l'Ademe et de l'Union européenne permettent de répondre à ces problématiques, mais les contraintes légales et le montage des dossiers sont tels que nombre de porteurs de projets y réfléchissent à deux fois. Le conseil régional musclera donc ses services pour garantir le suivi des dépenses conformément aux critères européens et afin que les porteurs se concentrent sur leurs projets. Il n'est pas normal que le Grand Londres bénéficie davantage de cette manne alors que l'Île-de-France détient un droit de tirage plus conséquent.

Enfin s'agissant du logement et de l'hébergement, le modèle français d'insertion en escalier fonctionne mal: vous pouvez retomber dans la rue tout le moment. Seule la révolution du « logement d'abord » peut permettre de le résoudre. Un logement et un accompagnement social. Et cela fonctionne.

Lire aussi 6 mnEn Ile-de-France, la région peut-elle résoudre la crise du logement ?

César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 10/06/2021 à 21:32
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Ce monsieur ne semble plus avoir les pieds sur Terre car il souhaite recruter des hommes verts...

à écrit le 08/06/2021 à 13:49
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Ahh les Verts !! Ça fait trente ans qu'on entend la même rengaine, et ça fait trente ans qu'il y a toujours autant de chômeurs.

à écrit le 08/06/2021 à 9:29
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Ce qu’il ne dit pas c’est combien d’emplois vont être supprimé par la politique économique des écolos. Un exemple la voiture électrique qui va supprimer des centaines de milliers d’emplois rien qu’en France, sans compter la problématique de l’augment...

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