
Le relèvement du taux de livret A de 1 à 2% au 1er août prochain ne fait pas que des heureux. Si les particuliers y placent leurs économies, les bailleurs sociaux souscrivent auprès de la Caisse des Dépôts des prêts à 50 voire 80 ans. Et ce pour au moins deux raisons: acquérir le foncier - le terrain - et ne pas répercuter sur les locataires des loyers trop élevés.
Entre la production neuve, la rénovation urbaine des quartiers politique de la ville et la réhabilitation thermique, l'Union sociale pour l'habitat (USH) évalue à 140 milliards d'euros le montant de la dette totale souscrite par ses adhérents. Avec un taux de 0,5%, cela représente 700 millions d'euros par an.
« Nous sommes à l'os »
Avec le relèvement à 2%, cela va coûter plus de 2 milliards d'euros au monde HLM, calcule la directrice générale de l'USH, Marianne Louis. Soit 10% des recettes du monde HLM qui engrange, chaque année, 21 milliards d'euros de loyers hors inflation.
« Nous allons allonger nos durées de prêt, mais cela aura un effet immédiat sur nos capacités d'endettement et donc sur nos capacités d'investissement », ajoute la DG de l'Union sociale pour l'habitat. « Après la baisse de TVA, celle des aides personnalisées au logement (APL) de 5 euros et la réduction du loyer de solidarité (RLS), nous sommes à l'os », témoigne encore Marianne Louis.
Dans le cadre du plan "France Relance" de septembre 2020, les bailleurs sociaux ont pourtant bénéficié d'une enveloppe de 500 millions d'euros. De 445 millions d'euros, corrige la directrice générale de l'USH.
Vers une augmentation de la demande de logement social ?
Pour donner un exemple, elle évoque la rénovation d'un logement catégorisé F en classe E ou D, qui coûte 40.000 euros. Sur cette opération, 8.500 euros sont éligibles à la subvention du plan de relance et 5.000 euros sont abondés en fonds propres. Le reste - 26.500 euros - est apporté par la dette.
« C'est logique qu'il faille rémunérer l'épargne populaire mais ce relèvement de taux va augmenter la demande de logement social », avance encore Marianne Louis.
Il reste en effet 2,3 millions de demandeurs mais seulement 400.000 y emménagent chaque année. Ceux qui en partent soit trouvent un autre bien dans le parc locatif, soit accèdent à la propriété, soit... meurent. Sauf qu'entre les prix d'achat et les taux d'intérêt qui augmentent et les loyers qui peuvent être rehaussés de 3,5%, « nous craignons une baisse de la rotation », poursuit la DG de l'Union sociale pour l'habitat.
Produire a minima 100.000 HLM par an
Avec l'ancienne ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, l'USH s'est engagée, début 2021, à livrer 250.000 logements sociaux d'ici à fin 2022. Sauf que sur le terrain, entre les maires qui refusent de délivrer des permis de construire et des coûts de construction qui explosent, les bailleurs espèrent déjà atteindre, a minima, la production de 100.000 habitats fin 2022.
« En Île-de-France, il y a 700.000 demandeurs de logements sociaux [740.000 en réalité, Ndlr] », a, d'ailleurs, relevé le nouveau ministre de la Ville et du Logement le 12 juillet.
« Au rythme actuel des attributions, il faudrait plus de cent ans pour loger tout le monde », a enchaîné Olivier Klein, maire (Divers gauche) de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris et président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Il ne croit pas si bien dire. Dans la région capitale, après 20.119 logements sociaux agréés en 2020, c'est-à-dire autorisés à la construction par le préfet, 22.292 l'ont été en 2021 d'après l'Union sociale pour l'habitat d'Île-de-France (AORIF). C'est bien en deçà des objectifs de la loi du Grand Paris du 3 juin 2010 qui fixe un objectif annuel de 37.000 logements sociaux.
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