Matériaux de construction : Bercy demande aux fournisseurs d'être transparents sur les prix

Pour établir leurs marchés et devis, les professionnels du bâtiment et des travaux disposent déjà d'indices Insee leur permettant de réviser et/ou d'actualiser leurs prix. Mais ils ne détiennent pas de tels renseignements traduisant les évolutions des différents facteurs de production. Pour y remédier, Bercy vient donc d'annoncer la création d'un dispositif d'analyse. Sauf que ce dernier est prévu pour avril et à condition que tous les acteurs jouent le jeu... Explications.
César Armand

C'est la dernière trouvaille du gouvernement après dix-huit mois de réunions avec les professionnels du bâtiment et des travaux publics sur les difficultés d'approvisionnement en matériaux de construction. Après la création d'un « comité de crise » et l'instauration d'une « médiation de filière » dès juin 2021, la tenue d'« Assises du BTP » en juillet 2022 et la présentation de treize mesures en septembre dernier, l'exécutif vient de répondre à une demande maintes fois entendue : l'amélioration de la prévisibilité des prix sur les marchés publics et privés.

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Suite aux travaux du Médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, chargé de travailler sur la prévisibilité des prix des matières premières, Bercy vient en effet d'annoncer la création d'un dispositif d'analyse des coûts de production pour accompagner la filière face à l'augmentation des prix. Un « outil objectif et indépendant destiné à éclairer les acteurs de la filière sur la décomposition des coûts de production de ces matériaux » vante le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, le 26 janvier.

Un indicateur portant sur les coûts de production des matériaux

Pour établir leur devis et marchés, les professionnels disposent déjà d'indices, calculés sur le matériel, les salaires et charges, l'énergie, les matériaux, les frais divers et le transport liés à leurs activités, qui leur permettent de réviser et/ou d'actualiser le prix. En revanche, ils ne détiennent pas de tels renseignements traduisant les évolutions des différents facteurs de production. C'est pourquoi l'exécutif a mandaté l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour recueillir, traiter et diffuser, « au plus tard en avril prochain », un indicateur portant sur les coûts de production des matériaux.

Selon nos informations, le béton prêt à l'emploi, les panneaux, l'acier, les tuiles, les pompes à chaleur, les profilés, le bois de structure, le verre, la robinetterie ou encore la laine de verre figurent parmi les matériaux concernés, la liste n'étant pas publique.

« C'est volontaire : l'Insee doit confirmer qu'il y a suffisamment d'entreprises qui répondent », explique, à La Tribune, Pierre Pelouzet, le Médiateur des entreprises. Les industriels sont certes invités à fournir « au plus vite » des données, mais « sur une base volontaire ».

« S'ils ne veulent pas jouer le jeu de transparence, ce serait dommage. L'objectif est d'en finir avec les fantasmes et de permettre aux entreprises de comprendre pourquoi tel matériau augmente et de l'expliquer à leurs clients », dit encore le haut-fonctionnaire Pierre Pelouzet.

« Nous ne sommes qu'un maillon de la chaîne », disent les producteurs

A la tête de l'Association française des industries des produits de construction (AIMCC, 7.000 entreprises. 430.000 emplois, 45 milliards d'euros de chiffre d'affaires), qui regroupe les syndicats et fédérations d'industriels, Philippe Gruat « aimerait bien qu'on se replace sur l'ensemble de la chaîne de valeur ».

« Nous aussi, nous sommes des transformateurs dépendant en amont des fournisseurs d'énergie et de matières premières qui nous ont imposé des hausses de prix considérables. C'est leur augmentation de prix qui nous a fait répercuter la nôtre. Nos marges opérationnelles ont été significatives malgré des volumes de bon niveau », déclare, en avant-première, à La Tribune, le président de l'AIMCC.

« Nous ne sommes qu'un maillon de la chaîne, j'insiste », souligne Philippe Gruat.

Ce dernier espère en outre que les règles de la concurrence soient respectées. « Dans chacune des familles de produit, il y a des situations d'oligopole. Si nous ne diffusons jamais les volumes, sauf avec un décalage de parfois un an, c'est justement pour éviter que chaque acteur connaisse les volumes des autres », affirme le patron de l'Association française des industries des produits de construction Philippe Gruat.

« L'Insee est reconnu pour sa méthode et sa confidentialité. Il va les interroger directement, ce qui permettra d'objectiver, de moyenner et in fine de publier une évaluation », rétorque le Médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet.

Les délais sont serrés : il reste deux mois aux industriels et aux statisticiens pour échanger avant de fournir ces éléments au monde du BTP.

César Armand

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