Etats-Unis : la FDA va favoriser les génériques pour faire baisser les prix

L'Agence américaine des médicaments va aider les "génériqueurs" à concevoir des copies de médicaments complexes pour accroître la compétition et faire baisser les prix. Cette initiative risque de ne pas suffire et pourrait produire des effets pervers.
Jean-Yves Paillé
La FDA veut influer sur les coûts directs et indirects du développement de médicaments.génériques afin d'encourager leur entrée sur le marché.

"Nous savons que nos exigences réglementaires influent à la fois sur les coûts directs et indirects du développement de médicaments."

Si, sur le papier, son rôle est avant tout de d'autoriser et suivre la commercialisation de médicaments, l'Agence du médicament américaine (FDA) veut aller plus loin. Elle a fait part de sa volonté d'encourager la compétition sur le marché pharmaceutique américain en soutenant mieux les fabricants de génériques.

Mandaté par Donald Trump, Scott Gottlieb, le patron de l'autorité de santé a publié en début de semaine un article sur le blog de la FDA annonçant l'arrivée prochaine de mesures pour s'attaquer aux barrières de développement des génériques complexes.

Certains médicaments sont en effet difficiles à reproduire en raison de leurs "caractéristiques" particulières. Elles demandent des connaissances poussées en systèmes d'auto-injection, inhalateurs par exemple, ou encore en utilisation de peptides (substance chimique composée d'acides aminés que l'on retrouve par exemple dans des insulines), détaille l'Agence du médicament.

Pour ce faire, l'Agence du médicament va multiplier les discussions avec les fabricants de génériques et leur proposer des guides précis pour les tenir au courant des procédures scientifiques à suivre, afin de raccourcir les durées de développement des génériques avant leur arrivée sur leur marché. Les produits de santé concernés par les génériques complexes "représentent des coûts de plus en plus importants", juge la FDA.

Enfin, l'institution envisage de lutter contre les tentatives de certains laboratoires "de jouer sur les règles" pour empêcher l'arrivée de copies de leurs médicaments phares.

Beaucoup de baisses de prix...

Augmenter la diffusion des génériques aux Etats-Unis était une promesse de campagne de Donald Trump pour faire baisser les prix des traitements. Mais cela sera-t-il assez efficace pour atteindre cet objectif ? La réponse est oui, du moins sur le papier.

Les prix des génériques ont fortement baissé en général entre 2010 et 2016, selon un rapport commandé par le Congrès américain.  Et il reste une marge de manœuvre pour l'administration américaine. Comme le rappelle ce rapport, quelques dizaines de génériques n'ont pas suivi la tendance et ont fortement augmenté, souvent faute de traitement concurrent. Car, si en France le prix d'un générique baisse régulièrement quoi qu'il arrive, ce n'est pas forcément le cas aux Etats-Unis en raison d'un marché fondé sur l'offre et la demande, avec des négociations entre les laboratoires pharmaceutiques et les organismes payeurs. Ainsi, pour que le prix d'une copie de médicaments baisse, il faudra qu'il soit sur le marché depuis plusieurs années et qu'il soit concurrencé par plusieurs autres génériques.

... et quelques hausses folles

Parmi les médicaments dont le brevet est tombé dans le domaine public, le prix de l'Epipen de Mylan, un traitement contre les chocs allergiques graves, est passé de 100 dollars à 600 dollars entre 2007 et 2016. Autre exemple, le Daraprim, médicament pour les malades du paludisme et du sida, dont le prix a été augmenté de 5.000% par Turing Pharmaceutical en 2015, un laboratoire alors dirigé alors par le sulfureux financier Martin Shkreli.

Ces hausses concernent également des anticancéreux. Lancés sur le marché il y a plusieurs décennies, ils finissent par augmenter plus rapidement que ceux arrivés récemment, comme le rappelle un article de la publication scientifique Jama Oncology, jeudi 6 octobre

Les génériques n'enrayent pas encore la hausse des coûts

D'un autre côté, favoriser les copies de médicaments risque de ne pas suffire. Ils sont déjà largement diffusés, représentant 89% des volumes de prescriptions aux Etats-Unis, selon IMS Health. Et la part totale des revenus du générique est passée de 29% en 2013 à 26% en 2016. Et ce, alors que les dépenses totales de médicaments aux Etats-Unis, après rabais, ont augmenté de 5% cette année-là, précise IMS Health.

La raison est que ces copies de médicaments ne parviennent pas à pondérer les prix élevés des nouveaux traitements et de ceux dont le brevet est encore protégé. Les nouveaux anticancéreux font partie des médicaments responsables de cette tendance. Leur prix de lancement par année de vie gagnée a été multiplié par 4 en vingt ans aux Etats-Unis, rappelle l'OCDE. Par ailleurs, une nouvelle classe de traitements contre le cancer, fondée sur l'ingénierie du génome arrive sur le sol américain, et fait craindre une nouvelle inflation des prix. le nouveau traitement de Novartis contre la leucémie aiguë lymphoblastique coûte 475.000 dollars par patient, par exemple.

Un risque accru de concentration dans le secteur des génériques ?

Autre élément qui pourrait être préoccupant: la viabilité des activités génériques. L'aide de la FDA pourrait apporter un second souffle dans le développement de certains génériques, mais la multiplication des concurrents pourraient avoir un effet pervers.

De faibles marges induites par plus de copies de médicaments  peuvent réduire l'offre en générique avec moins d'acteurs entrants, et encourager des mouvements de consolidation du secteur, comme l'expliquait le rapport publié dans le journal scientifique Jama Oncology en 2016. Et si le nombre de "génériqueurs" se réduit, la compétition entre ces derniers sera également moins forte. Teva souffre déjà de l'accroissement de la concurrence dans les copies des médicaments. La big pharma a choisi de réduire la voilure avec la suppression de 7.000 postes dans le monde, et la fermeture d'une quinzaine d'usines sur les deux prochaines années.

Jean-Yves Paillé

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Commentaire 1
à écrit le 05/10/2017 à 8:24
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Encore une fois si les états n'étaient pas là les gens mourraient dans les rues parce que ne pouvant pas se payer des médicaments. Pas de bol c'est dans le dogme néolibéral la suppression de l’interventionnisme étatique dans le social et la santé...

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