Il s'agit de "satisfaire la demande mondiale", souligne le communiqué commun de la biotech américaine Moderna et de son nouvel allié le laboratoire français Sanofi, pour expliquer pourquoi celui-ci s'engage à produire aux États-Unis jusqu'à 200 millions de doses du vaccin américain à ARN messager anti-Covid baptisé Comirnaty.
Le français annonce qu'il mettra les infrastructures de son site de Ridgefield (New Jersey) à disposition de la biotech pour aider dans les opérations de remplissage (embouteillage) et de finition, mais à partir de septembre 2021, pas avant quatre mois donc.
Après les accords avec Pfizer/BioNTech et Johnson & Johnson, le groupe pharmaceutique français noue ainsi son troisième partenariat avec des concurrents producteurs de vaccins.
Multiplication des alliances entre labos concurrents
De fait, on assiste à une multiplication des alliances entre laboratoires pour accélérer la production de vaccins contre le Covid-19. Cet élan de solidarité entre ceux qui, habituellement, se livrent à une concurrence féroce témoigne, dans un contexte d'urgence sanitaire, notamment d'une volonté de rattraper rapidement les grands retards pris envers les États commanditaires, lesquels, sur la question des délais de livraison, manifestent régulièrement leur impatience quand aux grands écarts entre promesses (contractuelles) et réalité. Tour d'horizon des alliances connues.
- Alliance Sanofi et GSK pour concevoir un vaccin: en retard
En avril 2020, le français Sanofi et le géant britannique GSK ont scellé un partenariat inédit pour développer un vaccin commun, Sanofi apportant le principe actif et GSK l'adjuvant. Ce vaccin est encore en phase d'essais.
- Sanofi aide Pfizer et BioNTech à produire le vaccin Pfizer/BioNTech
En retard de plusieurs mois sur ce projet, Sanofi a donc annoncé début 2021 qu'il allait se mettre au service, comme simple sous-traitant, de son concurrent Pfizer et de la biotech allemande BioNTech pour les aider à produire, à partir de l'été en Allemagne, des doses du vaccin Pfizer/BioNTech, le premier à avoir donné des résultats et obtenu une autorisation, à la fin de l'an dernier.
- Sanofi aide les labos Johnson & Johnson et Moderna
Depuis, le français a fait part de deux autres partenariats semblables: l'américain Johnson & Johnson, également en Europe, puis, ce lundi, avec la start-up Moderna, cette fois aux États-Unis (comme indiqué au début de cet article).
- Curevac aidé par Bayer et Novartis (lequel aide à produire le Pfizer/BioNTech)
Le vaccin de la biotech allemande Curevac, déjà alliée à GSK, bénéficiera de l'aide de l'allemand Bayer et du suisse Novartis. Et Novartis va aussi aider à produire le vaccin Pfizer-BioNTech.
- Aux États-Unis, Merck aide Johnson & Johnson
De l'autre côté de l'Atlantique, le géant américain Merck a annoncé en mars qu'il participerait à la production du vaccin Johnson & Johnson.
Le président américain Joe Biden a manifesté son enthousiasme envers ces élans de solidarité:
"C'est le genre de collaboration entre entreprises que nous avons vu durant la Seconde Guerre mondiale."
Se répartir les tâches tout en préservant ses secrets industriels
Mais si cette solidarité est effective, cela ne signifie pas que l'on renonce à ses secrets industriels. C'est pourquoi les labos se répartissent les tâches de manière à ne pas perdre leurs avantages concurrentiels.Ceux qui ont inventé les vaccins -(Pfizer/BioNTech, Johnson & Johnson...) gardent généralement la main sur la production des principes actifs. Quand Merck, Novartis - pour le vaccin Pfizer - et Sanofi arrivent pour prêter la main, c'est en bout de chaîne, pour conditionner les vaccins et les mettre en flacons.
C'est une étape qui nécessite en général des compétences moindres, même si dans le cas des vaccins à ARN messager, tel celui de Pfizer et BioNTech, les spécifications techniques peuvent être très complexes à satisfaire ceux-là nécessitant un froid intense, autour de -80°C.
Ce n'est pas la situation de CureVac qui fait appel à plusieurs grands groupes pour une répartition des tâches assez originale : ainsi GSK est étroitement associé à Curevac pour le développement du vaccin-même, Novartis est chargé d'en produire le principe actif, tandis que Bayer va aider plutôt plus en aval, de la chaîne de production aux questions de régulation.
Pourquoi ces alliances ?
Les laboratoires qui mettent leurs moyens à disposition de concurrents sont dans plusieurs situations différentes, qui leur donnent la marge nécessaire pour aider leurs concurrents.
Mais, dans l'ensemble, "c'est un intérêt d'image principalement. C'est une manière de dire: 'Moi aussi je suis un bon élève' ", juge auprès de l'AFP Jean-Jacques Le Fur, analyste pour Bryan, Garnier & Co, soulignant que l'embouteillage est une "opération à faible valeur ajoutée".
Dans le cas de Sanofi, le français continue de développer ses deux projets de vaccins, qui ne seront pas disponibles avant au plus tôt la fin de l'année et 2022.
Merck a, de son côté, carrément interrompu ses recherches sur ses principaux projets de vaccins anti-Covid, notamment l'un développé avec l'institut Pasteur, car il les juge trop peu prometteurs.
Enfin, Bayer et Novartis n'ont tout simplement pas investi le créneau car ils ne sont pas spécialistes des vaccins. Novartis a notamment vendu sa branche dédiée dans les années 2010.
(avec AFP)
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