Comment Air Liquide accélère dans l'hydrogène vert

Depuis cinq ans, Air Liquide a investi quelque 500 millions d'euros dans l'hydrogène vert et décarboné. L'industriel vient d'inaugurer, au Canada, une unité de production de 20 mégawatts, un record. Plusieurs projets devraient voir le jour en Europe avec des tailles au moins cinq fois plus importantes.
Juliette Raynal
Air Liquide a investi, en cinq ans, 500 millions d'euros dans l'hydrogène vert et décarboné.
Air Liquide a investi, en cinq ans, 500 millions d'euros dans l'hydrogène vert et décarboné. (Crédits : JEAN-PAUL PELISSIER)

Air Liquide muscle sa présence dans l'hydrogène vert. Quelques jours après avoir annoncé une prise de participation dans la société H2V Normandy, qui a mis au point un projet d'usine de production d'hydrogène par électrolyse de l'eau, l'industriel tricolore a inauguré en grandes pompes, le 26 janvier, une nouvelle unité de production de 20 mégawatts à Bécancour, au Québec.

« De par sa taille, c'est un projet unique au niveau mondial », s'est félicité Bertrand Masselot, PDG d'Air Liquide Canada, lors d'une conférence de presse.

Le dispositif, d'ores et déjà opérationnel, permet de produire de l'hydrogène (et de l'oxygène) en cassant la molécule d'eau à partir d'électricité renouvelable, grâce à une membrane échangeuse de protons. « C'est la plus grande usine de ce type à être actuellement en opération au monde et elle va permettre d'approvisionner le marché Nord-Est américain en hydrogène renouvelable », a indiqué Air Liquide.

Les émissions annuelles de 10.000 voitures évitées

Dans le détail, le site industriel est en mesure de produire un peu plus de huit tonnes d'hydrogène par jour pour fournir ses clients industriels et de la mobilité lourde. Selon Air Liquide, le dispositif permet d'éviter 27.000 tonnes d'émissions de CO2, soit l'équivalent des émissions annuelles de 10.000 voitures, par rapport à un procédé industriel classique ayant recours à des énergies fossiles.

Le projet de Bécancour a été initié il y a 24 mois et a bénéficié d'un investissement de plusieurs dizaines de millions d'euros.

« Cette unité de production est la démonstration que la production d'hydrogène bas carbone à l'échelle industrielle n'est pas un simple concept mais une réalité parmi nous », a insisté Bertrand Masselot.

Au Québec, Air Liquide est parvenu à surmonter l'un des principaux écueils de l'hydrogène vert : son coût de production qui reste encore élevé. Il évolue autour de 5 ou 6 euros le kilo, contre seulement 1,5 euro pour l'hydrogène gris.

Défier les coûts de production

« Dans le cas de Bécancour, nous avons réussi à faire beaucoup mieux. Son coût de production reste plus cher que celui de l'hydrogène au gaz naturel, mais c'est un coût qui reste très compétitif », a assuré Pierre-Etienne Franc, directeur de l'activité hydrogène monde d'Air Liquide.

Le groupe a en effet bénéficié de prix compétitifs sur les équipements, s'est intégré dans un site qui disposait déjà d'équipements auxiliaires et dit s'être approvisionné en électricité renouvelable compétitive auprès d'Hydro-Québec.

Cette performance tient aussi à l'expérience qu'a accumulée Air Liquide dans la production d'hydrogène classique.

« Depuis 20 ans, nous avons investi plus de 4 milliards d'euros dans le développement du business de l'hydrogène. Jusqu'à présent, ces investissements se limitaient à la production classique, c'est-à-dire à partir de gaz naturel. Mais depuis cinq ans, nous avons investi 500 millions d'euros dans l'hydrogène vert ou décarboné », retrace Pierre-Etienne Franc.

500 millions d'euros investis en cinq ans

Dès 2015, l'industriel a mis en service, en Normandie, un dispositif de captage du CO2 émis lors de la production d'hydrogène à partir de gaz naturel. Puis, il a mis sur la table 150 millions de dollars pour produire au nord de Las Vegas (Nevada) de l'hydrogène liquide renouvelable à partir de biogaz. Il est aussi l'un des membres fondateurs de la société HysetCo, qui développe une flotte de taxis hydrogène en région parisienne et un réseau de stations.

L'industriel français a donc fait le pari de l'hydrogène décarboné bien avant que le gouvernement ne décide d'en faire un axe majeur de la réindustrialisation et de la relance en France. A l'automne dernier, le gouvernement a annoncé qu'il allait investir 7 milliards d'euros sur dix ans, dont 2 milliards d'ici à 2022 dans le cadre du plan de relance. Avec comme priorités : la décarbonation de l'industrie et l'électrification de la mobilité lourde.

Des projets XXL en Europe

Cette feuille de route s'inscrit dans un programme plus large porté par l'Union européenne, qui souhaite produire 40 gigawatts d'hydrogène vert à l'horizon 2030. Un tremplin sur lequel Air Liquide entend bien s'appuyer. Le groupe, déjà présent dans de nombreux bassins industriels européens pour fournir ses clients en hydrogène gris, réfléchit ainsi à développer d'autres unités de production d'hydrogène vert d'une taille d'environ 100 mégawatts, soit cinq fois plus importante que celle de Bécancour au Québec.

Et le multiple grimpera à dix en Normandie, dans la zone industrielle de Port-Jérôme, près du Havre. Via la prise de participation dans H2V Normandy, Air Liquide devrait piloter à terme une unité de production XXL, dotée d'une puissance de 200 mégawatts. Cela représentera une production annuelle de 30.000 tonnes d'hydrogène vert. C'est le plus gros projet au monde de production d'hydrogène par électrolyse, selon l'industriel.

Juliette Raynal

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