Alors que l'hiver bat son plein et que la consommation énergétique des Français monte en flèche, la résilience du système électrique est mise à rude épreuve. Car l'Hexagone subit en ce moment un niveau historiquement bas de la disponibilité de son parc nucléaire, qui lui fournit en temps normal près de 70% de son électricité.
Et pour cause, le calendrier des contrôles, perturbé par les confinements successifs en 2020, s'avère inhabituellement chargé, nécessitant de couper la production de plusieurs centrales sur le territoire. Sans compter que cinq des réacteurs d'EDF ont récemment dû fermer de manière imprévue et pour de longues périodes, à la suite de défauts de corrosion détectés ou soupçonnés sur des circuits d'injection de secours. Un phénomène pris au sérieux par l'Agence de Sûreté Nucléaire (ASN), qui a demandé à EDF de procéder à une batterie de contrôles.
Situation sous surveillance
Et ce n'est pas tout : les marges risquent de se contracter un peu plus encore. En effet, dès ce week-end, plusieurs autres installations atomiques commenceront, à leur tour, des opérations de maintenance. En tout, ce sont six nouveaux réacteurs qui devront s'arrêter au mois de février pour vérifications. Des arrêts prévus de longue date, mais qui réduiront encore la production d'électricité, dans une conjoncture déjà tendue, pour atteindre une disponibilité près de 40 GW seulement d'ici au mois de mars.
Sans surprise, le contexte pousse ainsi le gestionnaire du réseau électrique RTE à maintenir sa « vigilance sur la fin de l'hiver » quant à l'approvisionnement du pays, a annoncé ce vendredi l'entreprise chargée d'assurer l'équilibre entre production et consommation à chaque seconde. Ce qui signifie que la situation restera surveillée de très près, sans néanmoins nécessiter, a priori, l'activation de moyens post-marché afin d'éviter un black-out, comme l'appels aux éco-gestes, l'interruptibilité de la consommation de sites industriels, la baisse de tension sur le réseau ou des délestages.
Les centrales à charbon appelées à la rescousse
Car malgré tout, certains éléments s'avèrent plutôt rassurants. Les prévisions météorologiques, d'abord, « sont favorables sur la période », sans « signal de vague de froid longue et profonde fin février », a précisé à la presse Thomas Veyrenc, directeur exécutif en charge du pôle Stratégie, Prospective et Évaluation de RTE. La demande de courant ne devrait donc pas exploser, même s'il est impossible d'être totalement certain aujourd'hui du temps qu'il fera effectivement en France à la fin de l'hiver.
En outre, même si des visites décennales vont prochainement s'ouvrir dans plusieurs de ses centrales atomiques, EDF a finalement choisi de reporter certaines d'entre elles, comme à Cruas (Auvergne-Rhône-Alpes), afin d'optimiser le calendrier. Et malgré quelques retards parmi celles déjà entamées en 2021, une partie se sont bien achevées en janvier, entraînant une remise en service des installations concernées. Ce qui permet d'atteindre une disponibilité « voisine de 50 GW » actuellement, soit le niveau prévu par RTE fin décembre, a ajouté Thomas Veyrenc.
Capture d'écran du Rapport Hiver 2021-2022 de RTE
D'autant que, pour sécuriser son approvisionnement sur le court terme, le gouvernement compte appeler à la rescousse les dernières centrales à charbon du pays. En effet, l'exécutif va rehausser, par décret, leur seuil de fonctionnement maximal pour février et mars, afin de les faire tourner à plein régime. Une manière d'apporter des marges de manœuvre supplémentaires au système électrique français, notamment dans un contexte d'explosion des prix du gaz, malgré la pollution que génère ce combustible fossile.
Nouveau programme de vérification
Il n'empêche que la situation pourrait déraper, du moins sur le moyen terme. Car les causes du défaut de corrosion récemment identifié par EDF dans quatre de ses réacteurs nucléaires (à Civaux, Chooz et Penly), restent inconnues, et pourraient bien nécessiter plusieurs contrôles supplémentaires. Fin janvier, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait en effet demandé à EDF de lui transmettre un programme priorisant les installations à vérifier au regard de cette anomalie, sur la base de recherches réalisées sur l'ensemble de son parc. Un calendrier qui devra « être évalué en fonction des enjeux de sûreté, avec des délais acceptables de vérification », avait alors expliqué à La Tribune le directeur général adjoint de l'ASN, Julien Collet.
« La stratégie de contrôle de ce type de défaut est susceptible d'avoir des conséquences en matière de sécurité d'approvisionnement. [...] Quand on aura une vision stabilisée là-dessus, on le dira, via des analyses saisonnières et des bilans prévisionnels », précise Thomas Veyrenc.
D'ici à fin mars néanmoins, cet imprévu « ne changera pas le diagnostic », assure-t-il. Pour cause, RTE avait déjà intégré dans sa dernière analyse cette anomalie. Et considéré que les réacteurs touchés seraient à l'arrêt, a minima, pendant tout l'hiver.
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