En France, l'énergie solaire est pénalisée par le manque d'installateurs de panneaux

La demande en panneaux solaires a explosé en 2023, suite au traumatisme de la flambée des prix de l'électricité et les cas de retards d'installations dans les entreprises et chez les particuliers se multiplient. Comment expliquer cet embouteillage ? La situation va-t-elle durer ? Explications.
Maxime Heuze
La demande d'installation de panneaux solaires « a fait fois dix en un an » assure Mathieu Cambet, directeur général de Reservoir Sun.
La demande d'installation de panneaux solaires « a fait fois dix en un an » assure Mathieu Cambet, directeur général de Reservoir Sun. (Crédits : Vincent Kessler)

Après la stupéfaction liée au niveau stratosphérique atteint par les prix de l'électricité, dont le cours a passé la barre des 1.000 euros le mégawattheure (MWh) en août dernier, contre environ 50 euros les années précédant l'invasion russe de l'Ukraine, nombre de particuliers et d'entreprises se sont tournés vers les panneaux solaires pour répondre, eux-mêmes, à une partie de leurs besoins électriques. C'est le cas de Richard, un éleveur normand ayant décidé, l'été dernier, de faire installer 86 panneaux solaires (pour une capacité de 35,5 KW) sur le bâtiment abritant ses tracteurs, pour un total de 38.240 euros.

La motivation derrière cet investissement coûteux ? La perspective d'atteindre une relative autonomie énergétique permettant d'alléger sa facture d'électricité. « Je devrais être autonome à 43% dès cet été », affirme-t-il fièrement. Sa ferme va notamment lui permettre de réaliser des économies sur sa facture et devrait rentabiliser son investissement au bout de quelques années. Généralement, ces appareils ayant une durée de vie d'environ 30 ans « sont rentabilisés entre 8 et 12 ans au prix actuels de l'électricité, sachant que dans 10 ans, ces derniers seront probablement plus élevés », explique Richard Loyen, délégué général d'Enerplan, le syndicat des professionnels de l'énergie solaire.

Des installateurs qui peinent à répondre à la demande exponentielle

Face à la promesse d'économies importantes à moyen et long terme, la demande dans l'Hexagone « a fait fois dix en un an », constate Mathieu Cambet, directeur général de Reservoir Sun, filiale d'Engie et de GreenYellow (Ardian) dédiée à l'autoconsommation d'électricité. Selon Enerplan, les nouveaux projets d'installation de panneaux solaires ont représenté 140 MWh pour le seul premier trimestre 2023, contre entre 20 et 30 MWh installés chaque trimestre en 2021.

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Face à une demande exponentielle, l'offre doit se développer à un rythme soutenu, ce qui ne se fait pas sans accroc, ni retard. Après avoir versé un acompte de 17.000 euros en septembre, dans l'optique de voir ses panneaux installés en février 2023, l'éleveur a vu ces derniers prendre la poussière dans sa cour pendant cinq mois avant d'être finalement installés le 24 juillet dernier.

Si le retard ne met pas en danger sa ferme puisqu'il reconnaît « avoir de la trésorerie en 2023 », il s'agace d'avoir loupé une bonne partie du pic de production réalisé en cette période estivale. « Ils n'ont pas produit pendant une grande partie de l'été ce qui va représenter un manque à gagner cette année alors que cet investissement est censé me faire faire des économies », déplore l'éleveur. Et sa situation n'est pas isolée. « Si ce n'est pas la majorité des cas, certains de nos clients ont fait face à des délais beaucoup plus longs que prévu à cause de la très forte demande », confie Sébastien Clerc, directeur général de Voltalia.

Pénurie de couvreurs qualifiés

Selon les professionnels du secteur, les entreprises d'installation de panneaux ont souffert d'un manque d'approvisionnement en pièces utilisées dans les centrales solaires en 2022, avant que la chaîne d'approvisionnement se détende cette année. En revanche, la très forte tension sur la main-d'œuvre ne s'est pas améliorée et sont au cœur de l'allongement des délais. Pour l'éleveur normand, le retard est notamment dû à la difficulté du groupe Elyor de trouver un couvreur prêt à renforcer sa toiture et à poser un bac acier nécessaire pour supporter ses panneaux. « Les entreprises [qui proposent des prix attractifs, ndlr] se déplacent pour une structure globale, type hangar solaire à construire, mais beaucoup plus rarement pour des petits travaux », se défend Maurice Chekroun, le directeur de l'entreprise d'installation qui a dû convaincre un couvreur du Cantal de monter jusqu'en Normandie pour réaliser les travaux après plusieurs mois de négociations.

D'après Enerplan, la filière compte actuellement 10.000 installateurs (comprenant couvreurs et électriciens) et aurait besoin de 8.000 professionnels de plus d'ici à 2025. Si les fermes solaires au sol ne subissent pas de manque de main d'œuvre et de retard selon les personnes interrogées, la situation est beaucoup plus tendue quand il s'agit de modifier des toits. « On manque déjà de couvreurs en France, alors c'est encore plus compliqué de trouver des couvreurs qui ont fait une formation pour poser des panneaux solaires », justifie Richard Loyen. Et pour cause, ces nouvelles compétences sont souvent techniques. « Il y a des questions de poids, d'étanchéité, d'électricité... bref, mettre des panneaux sur un toit demande des compétences et des connaissances qui ne s'apprennent pas en quelques semaines », rappelle Sébastien Clerc.

Pourtant les professionnels du solaire vont devoir s'adapter et vite. Car depuis le 1er juillet 2023, les nouveaux entrepôts de plus de 500 mètres carrés et ceux subissant des extensions ou rénovations lourdes doivent végétaliser ou solariser 30% de leur surface de toiture, conformément à la loi « Climat & Résilience » promulguée en août 2021. De quoi encore augmenter la pression sur la filière... et accroître les retards ?

Maxime Heuze

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Commentaires 14
à écrit le 02/08/2023 à 8:37
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Bonjour, avant toute chose, je remarque que lea panneaux so t surtout fabriqué a l'étranger... Ensuite , un. Panneaux cela est difficiles a déplacé, taille 0,90 mètre sur 1, 75 mètres sois 22 a 25 kg . Souvent vous être seul pour les porter.....

le 08/08/2023 à 19:58
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Oui ils sont à une écrasante majorité chinois. Et comme la fabrication est très énergivore, et que le mix électrique chinois est très carboné, le "temps de retour" sur le carbone émis pour la fabrication est de plusieurs années : est-ce donc bien ra...

le 17/01/2024 à 11:38
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Je vois en commentaire des plaintes comme quoi les panneaux viennent de Chine. Je ne sais pas si vous avez remarqué que le pétrole ou le gaz ne vient pas de France non plus. La souveraineté est bien meilleure avec des panneaux qui vont continuer de...

à écrit le 01/08/2023 à 22:27
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Nous sommes surtout pénalisés par les panneaux solaires produits en Chine, en Corée du Sud, au Japon, aux US...un peu partout et pas beaucoup en France et à des prix dissuasifs.

à écrit le 01/08/2023 à 14:00
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subventionnons les formations d'installateurs plutôt que de subventionner les chomeurs professionnels du monde du spectacle

à écrit le 01/08/2023 à 9:49
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En France, l'énergie solaire est surtout pénalisée par les Bâtiments de France !

à écrit le 01/08/2023 à 8:53
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Ces installations ne sont que sont du gâchis d'énergie, de temps et d'argent. Nous avons le nucléaire qui est efficace, pilotable, et sera de nouveau pas cher une fois que nous aurons quitter l'union européenne !

le 01/08/2023 à 10:47
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Non, le nucléaire n'est pas pilotable, il sert uniquement a la production du "talon" de consommation, la partie fluctuante de la consommation est assurée par des centrales dites "pilotable" (que l'on peut mettre en œuvre rapidement) comme l'hydrauliq...

le 01/08/2023 à 12:10
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@Frédéric. Votre argumentaire est fallacieux : La pilotabilité et la réactivité sont deux notions différentes. Tout système pilotable a sa propre inertie de fonctionnement. Le nucléaire EST PILOTABLE et assure 70% de la production d'électricité en Fr...

le 01/08/2023 à 18:15
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Sauf que les centrales nucléaires actuelles d'EDF vieillissent et que les nouvelles sont difficiles et couteuses à construire (voir Flamanville).

le 01/08/2023 à 22:14
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@FrancoisA. Regardez pour qui vous avez voté aux dernières élections présidentielles et législatives, et ainsi demandez-vous si vous n'avez pas une part de responsabilité dans le fiasco de la filière nucléaire française !

à écrit le 01/08/2023 à 8:38
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On ne veut surtout pas apprendre à se passer d'énergie, il en faut toujours plus et souvent gaspillé inutilement ! ;-)

le 01/08/2023 à 18:35
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Se passer de l'énergie, nos ancêtres l'on fait : cela s'appelle le sous-développement.

à écrit le 01/08/2023 à 8:13
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Ben disons que les salariés français abandonnent les métiers concurrencés par le travail détaché et ses employés moldaves et autres pays de crèves la faim européens à 300 balles par mois.

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