
Fini le temps des énergies renouvelables chères et subventionnées ? Alors que le coût des éoliennes et autres panneaux photovoltaïques a connu une baisse drastique ces dix dernières années, la crise du gaz de 2022 aurait encore accéléré la tendance. Jusqu'à inverser l'équation économique, en rendant ces sources de production d'électricité bas carbone largement rentables en comparaison des combustibles fossiles, en France comme ailleurs.
C'est en tout cas ce qu'affirme le réseau mondial des énergies renouvelables REN21 dans un premier module de son rapport annuel, publié ce jeudi. En se concentrant sur les quatre secteurs les plus énergivores (le bâtiment, l'industrie, les transports et l'agriculture), cette communauté de plus de 4.000 experts favorables au déploiement de ces infrastructures pointe leur « utilisation accrue » depuis 2020.
« Aujourd'hui, on observe vraiment un intérêt particulier. Les solutions renouvelables ont été reconnues comme stables, fiables, avec un bénéfice économique et plus seulement climatique », affirme sa directrice exécutive, Rana Adib.
Dans une interview accordée récemment à La Tribune, l'ancien PDG d'EDF, Pierre Gadonneix, expliquait lui aussi que « les prix de l'éolien et du solaire ont beaucoup baissé et deviennent compétitifs ».
Preuve en est : les contrats privés d'achat d'électricité (PPA), qui permettent aux utilisateurs de fixer des tarifs d'électricité à long terme, ont augmenté de 21% rien qu'en Europe en 2022, dépassant par un record de six fois la croissance de la capacité installée d'énergie renouvelable par services publics cette année-là, souligne Rana Adib.
+10% de pompes à chaleur en un an
Et pour cause, au même moment, les prix de l'énergie ont grimpé en flèche pour atteindre leurs plus hauts niveaux depuis 2008, dopés par la flambée des cours du gaz consécutive au Covid-19 et à la guerre en Ukraine.
Résultat : dans le secteur des bâtiments, par exemple, la recherche d'un approvisionnement énergétique fiable et moins coûteux a poussé les consommateurs à accélérer le passage des chaudières à gaz aux pompes à chaleur électriques, faisant de 2022 une année record pour les installations de ces dernières (en croissance de 10% sur un an). L'électrification des transports, quant à elle, a augmenté de 54% entre 2021 et 2022, pointe le rapport. Et pour ce qui est de l'industrie, « celle-ci se tourne largement vers des alternatives non fossiles et explore des options de relocalisation, alors que l'explosion des prix de l'énergie a un impact direct sur la production », ajoute Rana Adib.
Réponse politique forte
Reste que le marché ne suffit pas : l'élaboration des politiques de réponse à la crise s'est aussi « avérée être un moteur majeur de l'adoption accrue des énergies renouvelables dans les secteurs de la demande », font valoir les experts. Et de citer l'annonce par les États-Unis de la fameuse loi sur la réduction de l'inflation (IRA) de 500 milliards de dollars, qui prévoit de nouvelles dépenses, des crédits d'impôt et des incitations pour les secteurs énergivores. Mais aussi le plan REPowerEU de la Commission européenne, conçu pour « réduire rapidement [la] dépendance [de l'UE] aux combustibles fossiles russes », en augmentant la consommation finale totale d'énergie d'ici 2030 à 45% (contre un objectif 40% jusqu'alors).
« Avec ces plans, les gouvernements reconnaissent l'importance cruciale de ces infrastructures pour répondre à la crise, avec des considérations de création d'emploi et de réindustrialisation », se félicite ainsi la directrice exécutive de REN21.
Ailleurs dans le monde, la Chine a publié son quatorzième plan quinquennal, et devrait contribuer à près de la moitié de tous les nouveaux ajouts de capacité d'énergie renouvelable dans le monde au cours de la période 2022-2027. Autre annonce marquante : en janvier 2023, l'Inde a exposé « l'un des plans les plus complets au monde » pour l'hydrogène renouvelable, comprenant un programme de subventions de 2,3 milliards de dollars pour l'industrie et les transports, poursuit le rapport.
Les subventions aux énergies fossiles augmentent
Cependant, ce tableau reste loin d'être parfait, estiment les auteurs. Car de nombreux gouvernements ont, en même temps, répondu aux crises de manière plus « court-termiste », regrette Rana Adib. « Pour diversifier les ressources en combustibles fossiles, l'augmentation de l'exploration par les cinq majors pétrolières et gazières a été encouragée », ajoute-t-elle. Dans l'Union européenne, par exemple, de nombreux investissements ont permis de remplacer le gaz russe par du gaz naturel liquéfié (GNL) acheminé par bateaux, avec la multiplication de contrats avec différents pays producteurs et la construction de terminaux méthaniers pour le réceptionner sur les côtes.
« De nombreux dirigeants continuent de subventionner les fossiles, et d'envoyer des signaux contraires avec le développement d'infrastructures de GNL ou de champs gaziers, soi-disant nécessaires face à la crise », déplore ainsi Rana Adib.
Concrètement, le soutien public aux énergies fossiles de 51 pays parmi les plus avancés de la planète est passé de 362 milliards de dollars à 697 milliards en un an du fait de la hausse des prix de l'énergie, pointait en août 2022 une étude de l'OCDE. Si bien qu'au global, les énergies renouvelables ne sont toujours « pas en mesure de concurrencer équitablement les combustibles fossiles fortement subventionnés », note le réseau REN21. Lequel formule une demande claire : réduire massivement les fonds publics alloués à l'utilisation de gaz, de pétrole et de charbon dans le monde.
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