Géothermie : la ville de Cachan innove en s'inspirant du pétrole

Pour remplacer les quatre puits qui alimentent son réseau de chaleur depuis 1984, la ville d’Île-de-France est en train de creuser un seul nouveau doublet, en utilisant une ingénierie encore inédite dans le secteur : le forage sub-horizontal. L'objectif est d'augmenter le débit d'eau chaude récupérée et donc les calories produites.
Giulietta Gamberini
Le monde entier nous observe, souligne le responsable bureau d'étude chez Dalkia, Jean-Baptiste Sivery, en évoquant le potentiel d'application de cette nouvelle technologie à tout nouveau projet affichant des besoins de débit importants.
"Le monde entier nous observe", souligne le responsable bureau d'étude chez Dalkia, Jean-Baptiste Sivery, en évoquant le potentiel d'application de cette nouvelle technologie à tout nouveau projet affichant des "besoins de débit importants". (Crédits : DR)

C'est, selon la ville et son partenaire Dalkia, une première mondiale. Cachan, commune d'environ 30.000 habitants du département du Val-de-Marne, doit terminer dans les prochains jours le forage d'un couple de puits de géothermie qui appliquent une ingénierie déjà largement utilisée dans l'industrie pétrolière et du gaz naturel, mais encore inédite dans la production de chaleur renouvelable.

Dite "sub-horizontale", cette technologie présente l'avantage d'augmenter sensiblement la production de chaleur, pour des coûts ainsi que des temps de travaux réduits.

"On atteint une performance de l'installation hors norme", souligne Sylvie Jéhanno, Pdg de Dalkia, la filiale du groupe EDF qui réalise et finance le forage.

Cachan pionnière en matière de géothermie

Les deux nouveaux puits - l'un puisant du sous-sol de l'eau chaude, l'autre la réinjectant au fur et à mesure dans la nappe phréatique -, viennent remplacer deux doublets déjà existants depuis 1984 et désormais en fin de vie. La ville de Cachan est, en effet, une ancienne pionnière en matière de géothermie, technologie qui consiste à utiliser la chaleur de l'eau d'aquifères souterrains pour réchauffer l'eau distribuée par les réseaux urbains de chauffage et d'eau chaude sanitaire. Comme de nombreuses autres villes d'Île-de-France, elle exploite notamment le Dogger, aquifère calcaire situé entre 1.600 et 1.800 mètres de profondeur, dont la température est ici de 69°C.

Mais alors que les quatre puits, longs 1.800 mètres et creusés verticalement selon l'ancienne technologie, permettaient d'extraire 300 mètres cubes d'eau chaude par heure, les deux nouveaux, qui au total mesureront 3.000 mètres, dont 1.000 mètres courront horizontalement sous le sol, devraient en drainer au minimum 400, parie Dalkia. Grâce au meilleur débit, l'objectif est d'atteindre en 2019 une puissance totale de 13,5 mégawatts, à savoir 66% de l'énergie distribuée via les réseaux de chaleur, et de chauffer ainsi quelque 7.000 équivalents logements d'immeubles d'habitation, équipements publics ou entreprises. Les quatre anciens puits seront abandonnés après la fin des travaux, en 2019.

Plus d'aléa

La contrepartie de ces atouts du sub-forage horizontal est toutefois le caractère plus risqué du projet du point de vue technique (à cause de la longueur et du diamètre des puits) comme financier, explique Jean-Baptiste Sivery, responsable bureau d'étude chez Dalkia: un aléa plus facilement supportable dans une industrie fortement rentable comme celle pétrolière, mais qui a jusqu'à présent constitué un frein dans le domaine de la géothermie. Ce n'est, en effet, qu'une fois terminé le forage du deuxième puits, dans une dizaine de jours, que l'on connaîtra exactement la productivité de l'installation, ainsi que son coût final. Aujourd'hui, Dalkia estime son investissement à 19 millions d'euros, incluant l'extension du réseau de chaleur, à comparer avec les 10-12 millions d'euros que coûterait, selon Jean-Baptiste Sivery, un projet équivalent traditionnel. Si tout se passe bien, le temps des travaux sera réduit de huit à quatre mois.

"Le monde entier nous observe", souligne le responsable bureau d'étude, en évoquant le potentiel d'application de cette nouvelle technologie à tout nouveau projet affichant des "besoins de débit importants" - même si pour l'instant rien n'est concrètement prévu par Dalkia.

"La capitalisation des connaissance de l'industrie du pétrole au profit des renouvelables est un enjeu majeur du secteur", ajoute-t-il.

Une renouvelable non intermittente

Déjà puisée dans 48 sites en Île-de-France, dont 24 exploités par Dalkia, l'énergie géothermique présente par rapport à d'autres renouvelables deux avantages : elle verdit la chaleur, qui représente 48% de la consommation énergétique française comme européenne, et non seulement l'électricité, et elle n'est pas intermittente mais disponible 24 heures sur 24. Par rapport aux énergies fossiles, elle permet non seulement de réduire les émissions de CO2 (de 12.000 tonnes par an à Cachan, l'équivalent de la production de 3.600 voitures), mais présente aussi l'avantage de la stabilité dans la durée de son prix, déterminé surtout par l'investissement initial.

Sa compétitivité est toutefois encore dépendante des subventions des pouvoirs publics, reconnaît Sylvie Jéhanno : l'investissement de Dalkia a notamment été soutenu pour un tiers par l'Ademe, alors que le taux de la TVA payée par les clients de réseaux de chaleur utilisant à plus de 50% une énergie renouvelable, a été fixé à 5,5% en 2006. Les Cachanais devraient ainsi pouvoir aussi bénéficier d'une baisse de leur facture énergétique, promet Dalkia.

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Géothermie à Cachan

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Commentaires 8
à écrit le 03/03/2018 à 21:22
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EDF continue son expansion quasi-monopolistique profitant des revenus insensés de l’électricité issue de tous les moyens qu'elle peut s'approprier au détriment des PMI et ETI qui pourraient saisir ces marchés sans coup férir si la "fée électrique" ne...

à écrit le 03/03/2018 à 18:52
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Voilà un domaine pas suffisamment exploité. En France on préfère nous imposer de l’éolien pas rentable et défigurer nos paysages. Aujourd’hui encore en revenant de Reims, je n’ai pu que constater l’immobilité de nos champs d’éoliennes. Pour ceux qui ...

à écrit le 02/03/2018 à 12:58
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Les anciens tuyaux ("forage") ne sont pas corrodés avec le temps et les conditions de fonctionnement ? Me semble qu'à Fresnes (qui nous a causé des embouteillages pendant longtemps, pour accéder à l'A6) ils devaient choisir quoi faire, réparer, autre...

le 03/03/2018 à 8:49
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Pour information, la fracturation hydraulique a été inventée en 1947 et a commencé a être plus utilisée à partir de 1980 quand les forages horizontaux se sont développés. On a fait des frac pendant des décennies ; y compris en France sans le moindre ...

à écrit le 02/03/2018 à 10:56
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Merci pour cet article! Cette information devrait mériter une plus large attention des médias: c'est sur cette technologie que devrait investir massivement le gouvernement pour assurer à cette entreprise française une position de leader mondial! D'...

le 02/03/2018 à 13:06
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Les anciens bâtiments pas prévus pour, comment les raccordez vous ? C'est LE futur, mais quid de la distance ? En été, sais pas s'ils font de l'électricité avec la chaleur ? Sans doute pas assez chaud (fichue loi de Carnot !). Un endroit en Suisse...

à écrit le 02/03/2018 à 10:18
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Excellente mesure qui fait bien plaisir à lire, merci. On attend nos soldats boulets du nucléaire et du pétrole qui vont venir nous dire qu'on ne se rend pas compte du coup financier magistral et de la pollution phénoménale de ces méthodes moyen...

le 05/03/2018 à 13:35
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Celle-là elle est bien bonne : Ne sont-ce pas les écolos qui décrient cette technologie de fracking quand il s’agit de gaz de schiste (ouuuuh les tremblements de terre que ça provoque) mais qui l’encensent quand c’est pour de la géothermie ? Et sino...

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