"Si j'arrête le gaz russe, je paie des milliards immédiatement aux Russes" (PDG de TotalEnergies)

Le groupe français est engagé avec des entreprises russes sur des contrats de long terme, a rappelé le PDG Patrick Pouyanné sur RTL mercredi. Aussi, il a décrit les lourdes conséquences économiques pour les consommateurs européens et pout le continent. Un argumentaire repris ce mercredi par Richard Ferrand à l'Assemblée nationale, à quelques heures de l'allocution du président ukrainien Zelensky en visio-conférence dans l'hémicycle. Dans le même temps, les Occidentaux (UE, G7) mettent de nouvelles sanctions sur la table, dont celle d'exclure la Russie du G20. Mais la Chine va s'y opposer.
Si je décide d'arrêter d'importer du gaz russe, je ne sais pas le remplacer, je n'en ai pas de disponible.
"Si je décide d'arrêter d'importer du gaz russe, je ne sais pas le remplacer, je n'en ai pas de disponible." (Crédits : REUTERS/Charles Platiau)

Patrick Pouyanné l'avait déjà affirmé le 24 février dernier, le jour de l'invasion russe en Ukraine. Alors que le groupe a annoncé cesser ses achats de pétrole russe d'ici la fin de l'année, concernant le gaz, c'est une toute autre logique commerciale pour l'industriel français. "Je ne sais pas le faire", a lancé le PDG de TotalEnergies, au micro de RTL mercredi. Sans cette ressource énergétique importée sur laquelle "40%" du continent européen repose, l'économie européenne "s'arrêterait", a insisté le PDG.

Cette dépendance commerciale se résume en un chiffre : depuis le début du conflit en Ukraine, pétrole, gaz et charbon confondus, l'Europe a passé commande pour près de 17 milliards d'euros d'hydrocarbures russes.

"Si j'arrête le gaz russe, je paie des milliards immédiatement aux Russes", a opposé le PDG de TotalEnergies.

Et de détailler : "Je sais remplacer ce pétrole et ce diesel" russes mais "si je décide d'arrêter d'importer du gaz russe, je ne sais pas le remplacer, je n'en ai pas de disponible. J'ai des contrats de 25 ans et je ne sais pas sortir de ces contrats", a déclaré Patrick Pouyanné.


Concernant l'annonce de retrait de Russie de certains groupes anglo-saxons, "personne n'est parti, mes concurrents continuent de prendre le gaz russe parce qu'on a des contrats long terme et qu'on ne sait pas les arrêter, sauf si les gouvernements décident de sanctions qui font qu'on peut utiliser la force majeure", a affirmé le PDG.

"Sans gaz russe, on arrête une partie de l'économie européenne" et, "à ce stade, les gouvernements européens n'ont pas décidé de sanctionner le gaz russe", rappelle-t-il en ajoutant: "si nous arrêtons le gaz russe, nous savons que l'hiver 2023, nous avons un problème, en janvier 2023 il faudra rationner l'utilisation du gaz, pas pour les particuliers mais sans doute pour les industriels en Europe".

Une position que vient d'ailleurs soutenir le milieu politique français. "Nous ne sommes pas prêts parce que ce n'est pas possible", a abondé dans la foulée mercredi le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, à l'antenne de France Inter, ajoutant que "les sanctions servent à infléchir le pouvoir politique russe, elles ne servent pas à punir les Françaises ou les Français ou les autres Européens (...) Il ne s'agit pas d'assécher soudainement l'Europe".

Le poids de la Russie pour TotalEnergies

Quitter totalement la Russie?

"Je ne vais pas le faire, on a investi dans des usines pour presque 13 milliards de dollars, ce n'est pas un problème d'argent, ces usines vont continuer à tourner que je m'en aille ou non. Me retirer c'est donner ces 13 milliards à des Russes, pour zéro car personne ne peut les acheter. Vous voulez que j'abandonne des actifs en Russie pour enrichir des Russes qu'on a mis sous sanction ?" a-t-il lancé.

En creux, il s'agit des participations du groupe. De fait, TotalEnergies n'entend pas abandonner ses participations dans ses actifs gaziers russes. Concrètement, le groupe détient 19,4% du numéro deux du gaz du pays de Vladimir Poutine, Novatek. En tout (c'est-à-dire en comptant ses parts dans Novatek), il possède par ailleurs 29,7% de Yamal LNG, et 21,64% de Arctic LNG 2.

"La Russie c'était 5% de notre cashflow, 10% de notre résultat, l'entreprise n'est pas en jeu du tout. Depuis que M. Poutine a décidé d'envahir l'Ukraine, il n'y a pas de futur de croissance en Russie pour TotalEnergies, j'ai mis une croix sur tout le futur qu'on était en train de construire en Russie. Vous croyez que même après la guerre, je ne vais pas garder en tête ce qu'il s'est passé ?" a affirmé M. Pouyanné.

Dans les faits, la Russie reste néanmoins stratégique pour l'industriel. En tout, le groupe y a investi près de 20 milliards d'euros. Ainsi, au 31 décembre 2020, Total détenait 24% de ses réserves prouvées en Russie, d'où provenaient également 16,6% de la production combinée de liquides et de gaz du groupe en 2020...soit deux fois plus qu'en 2012.

Lire aussi 5 mnCoup de tonnerre : TotalEnergies stoppe ses achats de pétrole et produits pétroliers russes

Les alternatives de l'UE sont sur la table

Après la suspension du gazoduc Nord Stream 2la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a prévenu fin février la Russie que l'UE était capable de se passer du gaz russe cet hiver en cas de décision de Moscou de réduire ou cesser ses livraisons.

Autre mesure envisagée, dans le projet de déclaration finale du Conseil européen - dévoilé ce mardi 22 mars -, les États membres et la Commission européenne vont « travailler ensemble à l'achat commun de gaz naturel, de GNL et d'hydrogène »Des achats communs permettraient d'avoir un meilleur pouvoir de négociation face aux fournisseurs », avait indiqué le chef du gouvernement italien, Mario Draghi.

Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire a aussi défendu auprès de ses homologues européens l'idée d'avoir « un plafonnement à 27 des prix du gaz ». Cette mesure, qui n'a pour le moment pas reçu un accueil positif unanime, aurait pour but de lutter contre l'augmentation massive des prix de cette énergie.

Le 1er février dernier, le Qatar, en réponse à la demande pressante de Joe Biden d'aider l'Europe, avait expliqué qu'il ne pourrait pas compenser à lui tout seul un volume d'approvisionnement qui se compte en dizaines de milliards de mètres cubes de gaz. L'Allemagne par exemple, extrêmement dépendante de ce point de vue, a reçu de Gazprom quelque 50,2 milliards de mètres cubes en 2021 - Gazprom qui approvisionne aussi l'Italie, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, le Danemark, la Finlande et la Pologne...

Vers une exclusion de la Russie du G20 ?

Enfin, de nouvelles sanctions pourraient se profiler à la veille d'un sommet du G7 qui doit se tenir à Bruxelles jeudi ainsi qu'un sommet de l'UE.

Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux évaluent actuellement l'appartenance de la Russie au Groupe des Vingt (G20), ont déclaré mardi à Reuters des sources au fait de la question.

La possibilité qu'une tentative d'exclusion pure et simple de la Russie se heurte au veto des autres membres du G20 - qui comprend notamment la Chine, l'Inde et l'Arabie saoudite - fait craindre que certains pays préfèrent ne pas participer aux réunions du groupe cette année, ont déclaré les sources.

"Des discussions se sont tenues quant à savoir s'il est approprié que la Russie fasse partie du G20", a déclaré une source haut placée au sein du G7. "Si la Russie en reste membre, l'organisation sera moins utile."

Lire aussi 5 mn"Monsieur Jadot passe son temps à dire du mal de mon entreprise. Ce que j'observe c'est que ça le fait baisser dans les sondages" (PDG de TotalEnergies)

(Avec agences)

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Commentaires 16
à écrit le 25/03/2022 à 6:05
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En solidarité des personnes qui meurent sous les bombes il faut arreter de consommerr du gaz Russe. Je suis pret a me passer du chauffage cet hiver et nous nous sommes beaucoup a penser komme moi. La vie vaut plus que le profit.

le 05/05/2022 à 11:34
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Aha je vais surement pas me priver de quoi que se soit juste pour un confit qui ne me concerne absolument pas. les derives du social

à écrit le 24/03/2022 à 13:52
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J'ai un paquet d'actions Total et je n'ai pas envie que leur cours chute !

à écrit le 24/03/2022 à 9:01
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Pourquoi le PDG de Total s’exprime par « Je » : Je peux pas… Je sais pas… bizarre non ? Pour une multinationale c’est troublant.

à écrit le 23/03/2022 à 20:49
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Messieurs On a un gisement en Moselle qui peut représenter 5 années de consommation française de Gaza Qu en dites vous ?

à écrit le 23/03/2022 à 18:19
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On peut rompre les contrats car la Russie avait caché et menti en préparant l'envahissement de l'Ukraine déclenchant la guerre de fait. C'est recevable au niveau très tribunaux internationaux.Pus la menace Nucléaire sur les Européens .

à écrit le 23/03/2022 à 18:16
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En tant que consommateurs, ne pouvons-nous pas agir en faveur de l'arrêt des combats en évitant d'acheter aux entreprises qui n'ont pas quitté la Russie ?

à écrit le 23/03/2022 à 17:26
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Je pense que l'Amérique et ses affidés européens sont dans un délire total.qui va certainement coûter très cher aux européens. Bien entendu, les Ets Unis s'en sortiront indemnes et renforcés. En arriver à exclure la Russie du G20 et de toutes les or...

à écrit le 23/03/2022 à 17:22
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Un grand pays est un pays indépendant des autres grands pays. Il est de temps de sortir de la dépendance des énergies russes, on peut pas se permettre d'être éternellement sujet des chantages russes. Angela Merket a affaibli l'Europe en nous rendant ...

à écrit le 23/03/2022 à 17:22
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Un grand pays est un pays indépendant des autres grands pays. Il est de temps de sortir de la dépendance des énergies russes, on peut pas se permettre d'être éternellement sujet des chantages russes. Angela Merket a affaibli l'Europe en nous rendant ...

à écrit le 23/03/2022 à 14:46
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Le G7 ne va pas au G20, il n'y a donc pas de G20 ! On se casse la tête pour rien. Ce n'est que pendant cette guerre, après les rapports de force seront encore différent. On se souviendra de ceux qui n'ont pas soutenu l'Ukraine...

à écrit le 23/03/2022 à 14:42
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Ils peuvent pas arreter avec leurs sanctions ? C'est pas notre probleme l'Ukraine

le 23/03/2022 à 22:55
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Viva Petain!

à écrit le 23/03/2022 à 13:36
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Coquille "pour les consommateurs européens et pout le continent. " pour le

à écrit le 23/03/2022 à 13:26
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Ne pas commercer avec la mafia devrait être l'éthique minimale....

le 23/03/2022 à 13:44
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Il faut vivre avec ce qu'on a chez nous, donc quasi rien sauf du bois, le charbon c'est terminé (mais exploiter le grisou, ça serait intéressant, du méthane pour faire la cuisine et se chauffer). Quand Engie a un contrat long avec la Russie jusqu'en...

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