L'énergie à l'aube d'un monde nouveau

Depuis cet été, une avalanche d'annonces illustre une accélération de la compétitivité et du rôle joué par les énergies renouvelables. Celles-ci affichent une croissance insolente et les énergéticiens conventionnels investissent à tour de bras pour mettre un peu de vert dans leur « mix ».
Dominique Pialot
En quelques années, le coût de l'éolien en mer a été divisé par trois !

La première centrale solaire sans subventions publiques vient de sortir de terre en Angleterre. Certes, elle bénéficie de conditions particulières qui lui permettent d'abaisser significativement ses coûts. Mais cette nouvelle n'en constitue pas moins une étape marquante sur la route des énergies renouvelables vers la compétitivité face aux autres énergies. Et ce n'est que la dernière nouvelle en date d'une séquence particulièrement dense.

Les chiffres du World Nuclear Industry Status Report, publié le 12 septembre, sont sans appel. Quelque 240 milliards de dollars ont été investis dans les renouvelables en 2016, contre 10 milliards pour le nucléaire. Soit 130 GW de solaire et d'éolien produisant près de 210 térawattheures verts. En comparaison, les 9 gigawatts (GW) de nucléaire ajoutés en 2016 (et leur production de 35 TWh) font pâle figure. Même si les quelque 400 réacteurs installés dans le monde fournissent 10,5 % de l'énergie consommée, la Chine et l'Inde ont produit en 2016 plus d'électricité éolienne que nucléaire.

Les prévisions les plus optimistes n'avaient pas anticipé cette croissance fulgurante, favorisée par un effondrement des coûts. Ceux du solaire ont été divisés par dix en dix ans ! Même pour l'éolien en mer, la plus onéreuse des renouvelables, qui flirtait encore en 2014 avec les 150 £/MWh (soit 170 euros), ils sont tombés à 57,5/ MWh dans les derniers appels d'offres en Mer du Nord. En y ajoutant un back-up pour compenser leur intermittence, on parvient à 70 £, à comparer avec les 92,50 £/MWh concédés par le gouvernement britannique pour le nucléaire d'Hinkley Point.

Prises de participation en série

Aussi, en France (où le gouvernement a annoncé consacrer aux renouvelables 4,9 milliards de son « Grand plan d'investissement ») comme ailleurs, les grandes utilities [entreprises de services aux collectivités, ndlr], qui ont bâti leur fortune sur les énergies fossiles ou le nucléaire, investissent à tour de bras pour mettre un peu de vert dans leur mix. Dernière annonce en date : la prise de participation de 23 % de Total dans Eren Re, le dernier bébé du duo d'entrepreneurs français pionniers du secteur. Pâris Mouratoglou, rejoint en 2004 par David Corchia, avec qui il fait toujours équipe (voir son interview page suivante), avait déjà créé une entreprise dans laquelle avait investi EDF, jusqu'à en prendre le contrôle complet en 2011.

Le rachat par Total du fabricant américain de panneaux solaires SunPower en 2011 ou celui de Solaire Direct par Engie en 2015 étaient les premiers signaux de taille d'un mouvement qui s'est fortement accéléré ces derniers mois. En juin, EDF Énergies Nouvelles mettait la main sur 67 % du spécialiste de l'éolien Futuren (ex-Theolia) pour 320 millions d'euros, une première étape avant une OPA pour acquérir le solde. En juillet, le troisième distributeur français d'électricité et de gaz, Direct Énergie, levait 130 millions d'euros pour financer le rachat du producteur d'énergies renouvelables Quadran, acquis pour un montant global de 303 millions d'euros.

Accord avec l'indien Abraaj

Engie, dont les énergies décarbonées et décentralisées représentent déjà 20 % de l'activité, a rendu public il y a quelques jours son accord avec l'indien Abraaj, pour développer ensemble un portefeuille de 1 gigawatt d'éolien, dans un pays qui compte faire progresser son parc installé de 32 GW en 2016 à 60 GW en 2022. L'ex-GDF-Suez a également annoncé son troisième green bond [émission d'obligations destinée à financer des actions environnementales], pour un montant de 1,25 milliard.

Pour Total, qui a également acquis 100 % de Greenflex, qui accompagne les entreprises dans leur transition sociétale et environnementale, l'entrée au capital d'Eren Re vient couronner une séquence qui l'a vu racheter le fabricant de batteries Saft pour 950 millions d'euros en mai 2016, puis mettre un pied dans l'électricité en juin en s'emparant du fournisseur belge de gaz et d'électricité Lampiris, moyennant 200 millions. Eren Re, avec ses objectifs de 3 GW en 2022, représente un atout de poids pour Total qui vise 5 GW d'électricité verte à cet horizon. Pour autant, et bien que sa feuille de route prévoie que 20 % de son chiffre d'affaires résulte en 2035 d'activités « nouvelles « (gaz, électricité et énergies renouvelables), Total vient d'annoncer de gros investissements dans son activité historique, notamment le rachat en août de Maersk Oil pour 7,45 milliards de dollars.

Une goutte d'eau dans le "mix"

Qui qu'il en soit les renouvelables deviennent toujours plus incontournables dans la stratégie de ces grands de l'énergie. Ainsi EDF (par ailleurs précurseur avec le rachat de SIIF Énergies en 2011), présente désormais le nucléaire comme le complément indispensable aux énergies renouvelables en France (voir page 6). Tandis que, pour l'Agence internationale de l'énergie, c'était le gaz qui était promis à un avenir glorieux, en tant qu'énergie de la transition par excellence, plus flexible que le nucléaire et deux fois moins émettrice de CO2 que le charbon - des arguments rappelés récemment par les professionnels du gaz lors de leur congrès à Paris.

Si les énergies renouvelables ne sont encore qu'une goutte d'eau dans le mix énergétique mondial, et si les promoteurs d'une solution 100 % renouvelables apparaissent encore comme une poignée d'idéalistes, nul ne peut plus se permettre d'en ignorer la progression.

Dominique Pialot

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Commentaires 31
à écrit le 01/10/2017 à 11:36
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Les énergies renouvelables vont se développer massivement, puisque leur coût est déjà partiellement inférieur aux anciennes technologies et qu’en plus qu’elles offrent un avantage indéniable de moindre pollution. La tendance a été analysée par diver...

à écrit le 30/09/2017 à 17:05
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"Soit 130 GW de solaire et d'éolien produisant près de 210 térawattheures verts" Au final ça donne quoi en production sur une année? 5% 10% de la puissance installée?

le 30/09/2017 à 18:42
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37%

à écrit le 30/09/2017 à 10:21
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Les EnR accelerent car elles atteignent la parité réseau - cad elles competitionnent avec l'electricité achetée sur le réseau - qui plus est, elles ne génèrent pas de déchets à surveiller pendant 100 000 ans dans une mine à creuser sous 600m d'argil...

le 30/09/2017 à 13:54
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@ steph Je n’ai rien contre les EnR, Eolien et photovoltaïque qui sont efficaces là où il y a soleil en majorité et vents constants. Mais même en prônant l’usine à gaz genre « smart grid », ces énergies sont « intermittentes ». Elles ne peuvent p...

le 30/09/2017 à 17:23
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"Les sites en auto-consommation (avec batterie) sont deja 500 000 en Allemagne et 700 000 en Italie." batterie lithium? C'est très EnR... Surtout venant d'un anti-nucléaire historique

le 01/10/2017 à 6:25
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@ Charly 10 : le Danemark a près de 50% d'énergie éolienne onshore et offshore et il a pourtant l'un des réseaux les plus fiables d'Europe. Beaucoup de pays montent en puissance en % de renouvelables intermittente et n'ont pas de problèmes. Voyez les...

à écrit le 29/09/2017 à 22:03
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Le calcul du coût est faux car il ne prend pas en compte le coût du carbone. Le back up est au gaz. Le gaz produit 0,5 tonnes de co2 au mégawatt. Avec un prix du carbone a 100€ la tonne comme ne suede, le co2 coûte à lui tout seul 50€ le mgwt. Ok le...

à écrit le 29/09/2017 à 21:53
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On vous dit que le prix de l'éolien y compris avec le back-up sera inférieur au prix du nucléaire. Sauf que c'est l'éolien qui est le back up de l'énergie fossile en l'occurrence le gaz. En effet l'éolien ne fonctionne que 20 à 30% du temps, donc la ...

le 30/09/2017 à 10:08
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Eoline backup du gaz, apprenez donc d'abord ce qu'est un backup. Quand on dit un anerie, il faut la dire avec aplomb, plus c'est gros et mieux ca passe.

le 30/09/2017 à 10:24
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Pour steph, Je sais ce qu'est un back up mais quand le back up fonctionne deux fois plus longtemps que la source, c'est que c'est la source en l'occurrence l'éolien qui est le back up Vous ne croyez pas?

à écrit le 29/09/2017 à 21:53
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On vous dit que le prix de l'éolien y compris avec le back-up sera inférieur au prix du nucléaire. Sauf que c'est l'éolien qui est le back up de l'énergie fossile en l'occurrence le gaz. En effet l'éolien ne fonctionne que 20 à 30% du temps, donc la ...

à écrit le 29/09/2017 à 18:38
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Les énergies renouvelables vont se développer massivement, ne serait-ce que, comme le disait la pub « il faudrait être fou pour dépenser plus ». D’après des études et des rapports de l’ADEME, de financiers (https://www.lazard.com/perspective) et d’o...

à écrit le 29/09/2017 à 18:00
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L'intermittence sur le réseau Entso-e et avec les avancées et baisses des prix des stockages sont un argument d'attardés qui ne connaît rien au sujet c'est lamentable ! De même les renouvelables n'ont nul besoin de centrales thermiques que l'on ferai...

le 30/09/2017 à 10:09
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+1 sur tout sauf l'aerovoltaique qui est un support a escroquerie. Si on tente de vous vendre cela, mettez le commercial à la porte.

à écrit le 29/09/2017 à 17:01
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Quand on aborde ces questions à la télé, encore hier soir, quand on parle de l'éolien on nous montre de grandes et belles éoliennes sur fond de ciel bleu. Quand on passe au nucléaire, on nous montre d'énormes cheminées sur fond de ciel gris crachant...

le 29/09/2017 à 17:41
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"Après on nous explique que le nucléaire c'est dangereux, mais pourquoi en garde-t-on 50% ?" Pour faire tourner la boite qui enterre les déchets

à écrit le 29/09/2017 à 16:30
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C'est bien joli le soi-disant vert, mais que fait-on quand le temps est couvert et sans vent ? Comme les allemands on branche des centrales au charbon, c'est fichtrement écolo ça !

à écrit le 29/09/2017 à 16:18
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Toujours plus compétitives, mais toujours autant intermittentes. Les producteurs d'ENR devraient être taxés (et non subventionnés) pour contribuer aux moyens alternatifs de production (type centrale au gaz). Il est anormal qu'ils se défaussent de tou...

le 29/09/2017 à 18:18
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Rapport Entso-e sur l'éolien en Europe avec données éoliennes de parfois plus de 30 ans P43 je cite : "Grâce à l'effet lissant des différents vents européens la production éolienne européenne est relativement stable. Le niveau élevé des interconnexi...

le 29/09/2017 à 18:22
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"intermittent de l’électricité" , les premiers utilisateurs de l'énergie solaire s'appellent les plantes ( sur terre et dans les océans) par la photosynthèse ! Si celles-ci devaient raisonner comme vous (bêtement) je pense qu'elles devraient vous de...

le 30/09/2017 à 6:26
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Les interconnexions représente un faible pourcentage de la puissance disponible (quelques centaines de MW sur chaque frontière) et le transport longue distance induit des pertes de l'ordre de 30%. Les échanges ne permettent pas de lisser les intermit...

le 30/09/2017 à 10:11
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Vous ne connaissez pas le developpement des batteries residentielles et professionnelles. C'est comprehensible car le marché est en pleine eclosion, mais renseignez-vous un peu avant e commenter alors. Autre piste de recherche pour vous : tapez 'veh...

le 30/09/2017 à 17:55
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Ah oui j'oubliais de dire que nous pratiquons le stockage de l'énergie solaire depuis plusieurs année et ce pour pas cher SANS POLLUER : avec l'eau du combi solaire de marque Allemande ! Nous habitons dans le nord de la France (région réputée pour ...

à écrit le 29/09/2017 à 16:13
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« Les chiffres du World Nuclear Industry Status Report, publié le 12 septembre, sont sans appel. Quelque 240 milliards de dollars ont été investis dans les renouvelables en 2016, contre 10 milliards pour le nucléaire » Et pour cause !!Il est plus fa...

le 30/09/2017 à 10:15
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Argument parfaitement pertinent au contraire les EnR decentralisées permettent de s'affranchir des taxes locale et de des couts de transport. Si les EnR sont plus faciles a construire car moins dangereuses et donc moins couteuses, elles doivent l'em...

à écrit le 29/09/2017 à 14:07
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« Le III ème Ecolo-Reich » durera mille ans. L’inter-écolo fera le Genre Humain. Après les malfaisants noirs et rouges, voici les verts.

le 29/09/2017 à 17:43
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Vert de gris dans ce cas.

à écrit le 29/09/2017 à 13:48
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Vivement "La démographie à l'aube d'un monde nouveau"

à écrit le 29/09/2017 à 10:24
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Une bulle ...

à écrit le 29/09/2017 à 9:13
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A terme je ne sais pas si le rachat des PME liée à l'énergie solaire, que l'on voit beaucoup, par des énormes groupes comme EDF et TOTAL dont les intérêts sont aux antipodes du renouvelable est une bonne nouvelle. Je suppose que partout dans le ...

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