
L'incompréhension demeure à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) après l'annonce du gouvernement le 8 février de sa volonté de réunir les équipes de deux organismes majeurs pour la sûreté nucléaire : celle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et celle de son bras technique, l'IRSN. Ce dernier, né il y a 20 ans de la fusion entre l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) et l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN, historiquement rattaché au Commissariat à l'énergie atomique ou CEA), pourrait alors disparaître.
Or, le projet gouvernemental de réorganisation surprise interroge les experts et, surtout, inquiète les syndicats qui ont prévu de faire part de leurs craintes à la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, celle-ci devant les recevoir ce vendredi en fin de journée. Ils comptent également revenir, lundi, un peu plus nombreux, afin de manifester sous les fenêtres du ministère, avec les salariés en grève ce jour-là.
Une motion d'alerte votée
Pour appuyer leurs protestations, le conseil d'administration de l'IRSN a voté jeudi une motion alertant sur un risque de « paralysie » de la sûreté nucléaire, a-t-on appris, ce vendredi auprès de l'intersyndicale.
« Le conseil d'administration alerte le gouvernement et appelle à la vigilance sur le risque de départs du personnel de l'IRSN pouvant entraîner une paralysie du système de contrôle en radioprotection et sûreté nucléaire », indique cette motion votée à une très large majorité (18 voix pour, 4 contre, 2 abstentions), selon l'intersyndicale de l'institut.
Concrètement, l'exécutif entend scinder et répartir les compétences -donc les experts et scientifiques- de l'IRSN chargé de la recherche et de l'expertise sur les risques nucléaires et radiologiques au sein de trois autres organismes : l'ASN, son équivalent dans le monde militaire, le DSND, et le CEA, organisme public chargé de la recherche dans le nucléaire et les nouvelles énergies. L'objectif : « fluidifier les processus d'examen », avait indiqué l'exécutif au moment de l'annonce qui faisait suite à une décision prise lors du Conseil de politique nucléaire, réuni le 3 février dernier par Emmanuel Macron, et auquel l'IRSN n'était pas convié.
Le conseil d'administration de l'IRSN compte 25 membres, dont une députée, un sénateur, dix représentants de l'Etat, cinq personnalités qualifiées nommées par décret et choisies en raison de leur compétence dans le domaine d'activité de l'Institut, et huit représentants élus des personnels de l'établissement.
Ainsi, si cette motion a seulement une « portée symbolique », au regard de la composition du conseil d'administration, « cela veut dire que des représentants de l'Etat ont voté pour cette résolution », selon l'intersyndicale, qui y voit « une première reconnaissance de ce que nous défendons ».
Car, pour les syndicats, cette réforme fait planer le risque d'une fin de la structure « duale » du système de sûreté français (ASN/IRSN), certains y voyant une manière de mettre au pas l'institut.
Crainte de voir la disparition de la branche recherche
Ils craignent également de voir partir au CEA la branche recherche de l'IRSN, qui alimentait l'expertise.
Une « diaspora » des experts de l'IRSN « aurait pour conséquence de priver la France de sa capacité de recherche et d'expertise à un moment crucial marqué par les défis de l'allongement de la durée de vie des réacteurs existants et de la création de réacteurs de nouvelle génération », souligne la motion.
Le conseil d'administration rappelle également au gouvernement dans cette motion le rôle de l'IRSN dans « la protection des travailleurs, de la population et de l'environnement contre les rayonnements ionisants avec un large spectre, la gestion de crise et des situations post-accidentelles, les usages de la radioactivité dans les domaines industriel, médical et militaire ».
(avec AFP)
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