Solaire : EDF et Total veulent inventer la prochaine génération de cellules

L’Institut photovoltaïque d’Île-de-France a été inauguré ce 18 décembre à Saclay, en présence des présidents des entreprises, écoles et laboratoires qu’il regroupe et du ministre de la Transition écologique. Ce pôle d’excellence veut inventer des panneaux solaires aux rendements améliorés et aux coûts plus bas.
Dominique Pialot
L'Institut photovoltaïque d'Île-de-France veut faire passer le rendement des cellules de 29 à 42%.
L'Institut photovoltaïque d'Île-de-France veut faire passer le rendement des cellules de 29 à 42%. (Crédits : Frédéric Thual)

Seulement 3% des panneaux solaires installés en France y sont aujourd'hui fabriqués. Mais la recherche française (publique et privée) entend prendre sa part de la prochaine génération. L'Institut photovoltaïque d'Île-de-France (IPVF), installé sur le plateau de Saclay depuis octobre 2017 et inauguré ce 18 décembre, a en effet vocation à inventer le solaire de demain.

Sur 8.000 mètres carrés, ce pôle d'excellence repose sur un partenariat public-privé. Il a été créé en 2014 à l'initiative de EDF et Total (actionnaires à plus de 40% chacun), qui disposaient chacun d'un laboratoire de recherche avec le CNRS pour EDF, avec Polytechnique pour Total. Ces quatre partenaires ont été rejoints par d'autres industriels : Air Liquide, dont les gaz sont utilisés dans la fabrication des panneaux solaires, ainsi qu'Horiba et Riber, acteurs du plateau de Saclay spécialisés dans l'instrumentation.

L'IPVF a vocation à devenir un acteur de la R&D mondiale mais aussi de l'industrialisation dans le domaine du photovoltaïque. « Sur l'échelle TRL - technology readiness level - qui va du concept (1) au produit fini (9), les activités de l'IPVF se situent aux niveaux 3 à 5 environ », précise à La Tribune Bernard Salha, directeur de la R&D et directeur technique groupe chez EDF.

Faire passer les rendements de 29 à 42%

Les quelque 150 chercheurs qu'il regroupe déjà planchent sur de nouvelles technologies de modules photovoltaïques à haut rendement, bas coût et durée de vie allongée. Ils travaillent également à améliorer les procédés de fabrication des modules existants et à les pousser jusqu'à leurs rendements théoriques maximaux, qu'on estime à 29% contre 17% aujourd'hui.

Mais ils se focaliseront surtout sur des technologies de rupture, telles que les panneaux « tandem ». Ces derniers, qui associent des cellules constituées de matériaux différents et complémentaires, pourraient en théorie dépasser des rendements de 42%. Cela doit permettre de diminuer le nombre de séquences de fabrication nécessaires et donc de minimiser les prix.

Parmi ces matériaux, la filière des pérovskites (cristaux minéraux composés d'oxyde de calcium et de titane) semble particulièrement prometteuse, notamment pour fabriquer d'ici à 2020 des mini modules transparents de taille industrielle.

« La course à la recherche n'est pas du tout perdue, veut croire Bernard Salha. Il y a certainement beaucoup à gagner à faire travailler ensemble des chercheurs dans un mode un peu business, avec des plans de recherche ciblés, des livrables précis, des investissements en matériel... Le tout supervisé par un conseil d'administration. »

Labellisée « Institut pour la transition énergétique » (ITE), cette plateforme interdisciplinaire du domaine des énergies décarbonées est soutenue par l'État dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, et a reçu une subvention de 18,5 millions d'euros pour ses six premières années, soit un quart environ du coût de fonctionnement, qui s'établit à 15 millions d'euros par an, pris en charge à plus de 80% par EDF et Total à parts égales, comme pour le coût de construction du bâtiment et d'investissement dans des outils de laboratoire, de 30 millions.

« Nous n'avons pas vocation à devenir installateurs mais si nous parvenons à atteindre les performances que nous visons, nous pensons qu'il y a matière à valorisation, que ce soit sous forme de vente de licences, de partenariats, etc... »

Des offres de locations destinées à des startups technologiques

L'IPVF prévoit de travailler essentiellement en mode collaboratif. « En nous installant dans ce bâtiment, nous sommes passés d'un fonctionnement en réseau à une unité de temps et de lieu. » Le bâtiment qu'occupe l'institut regroupe d'ailleurs de nombreux espaces dédiés et peut accueillir des chercheurs partenaires.

Un demi-étage est réservé à de nouveaux arrivants éventuels, auxquels seront proposées des offres de location de bureaux et de laboratoires, accompagnées de prestations d'accompagnement. Ces offres, destinées en priorité à des startups technologiques, s'inscrivent dans une volonté d'ouverture vers l'éco-système de l'institut et ont pour objectif d'entretenir un esprit d'innovation et de collaboration.

Naguère pionnière dans les énergies renouvelables, la France, qui a comme la plupart des pays occidentaux cédé sous les coups de boutoir des fabricants chinois, peut-elle encore prendre sa revanche avec les cellules de prochaines générations ? Lors de la COP21, l'IPVF avait publié l'initiative 30/30/30 proposant un programme de recherche international visant la mise sur le marché d'ici 2030 d'un module de plus de 30% de rendement à un prix inférieur à 30 centimes par Watt. L'horizon et les performances demeurent, mais les récents progrès technologiques permettent d'envisager un coût inférieur, plus proche des 20 centimes.

Tout en reconnaissant être en compétition avec d'autres instituts de recherche, Bernard Salha rappelle : « La croissance du marché photovoltaïque est très forte ; les rendements vont s'améliorer, les coûts vont continuer à baisser, nous-même nous avons un plan solaire de 30 gigawatts à installer entre 2020 et 2035... Il y aura de la place pour les panneaux plus performants sur lesquels nous travaillons. »

Dominique Pialot

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Commentaires 7
à écrit le 19/12/2018 à 8:33
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Le photovoltaïque, contrairement aux éoliennes offshore, marée motrice ou à la méthanisation, impose de pouvoir stocker l'énergie, innovation d'ailleurs qui pourrait profiter à bien d'autres secteurs, car produire de l’électricité sans pouvoir la sto...

le 19/12/2018 à 9:39
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les soi disantes inventions d'une jeune chercheuse de 14 ans ou des vitres photovoltaiques ne sont que des inventions journalistiques , il n'y a pas grand chose derriere .Tout comme le scan-eat qui etait sensé detecter les pesticides dans l'alimentat...

le 19/12/2018 à 10:05
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Les éoliennes offshore ne sont pas à ma connaissance pilotables même si leur facteur de charge est meilleur que celui des éoliennes terrestres. Donc, il faut aussi disposer avec cette filière soit de moyens de stockage techniquement et économiquement...

le 19/12/2018 à 10:52
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"les soi disantes inventions d'une jeune chercheuse de 14 ans ou des vitres photovoltaiques ne sont que des inventions journalistiques , il n'y a pas grand chose derriere " Ah bon... la situation donc est encore pire que je ne le pensais ? "L...

à écrit le 19/12/2018 à 7:11
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A ma connaissance, des cellules solaires réalisées à partir d'un empilement judicieux de couches minces de semiconducteurs développé au CEA à Grenoble, ont été industrialisées par la société française SOITEC localisée à Bernin dans l'Isère. Les rend...

à écrit le 19/12/2018 à 6:18
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Il y a aussi toutes les intégrations possibles dans le bâtiments car les seuls panneaux ne sont pas très intégrables. Par exemple il y a très peu de tuiles solaires hybrides thermique + photovoltaïques comme Nelskamp alors que beaucoup de toitures so...

le 19/12/2018 à 10:16
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Je vous signale que dans les années 1972-1974 où on parlait déjà de la création d'un Commissariat à l'Energie Solaire (qui a vu le jour plus récemment avec l'Institut INES au Bourget du Lac), il y a avait déjà des études sur les tuiles solaires. Il y...

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