Solaire : raisonner à deux ans n’a pas de sens

André Joffre, PDG du bureau d'étude TECSOL et président du pôle de compétitivité DERBI spécialisé dans les énergies renouvelables, se réjouit des avancées réglementaires récentes concernant l’autoconsommation dont il est un promoteur de la première heure. Il parie sur des progrès plus rapides qu'annoncé par les grands opérateurs.
Dominique Pialot

LA TRIBUNE - Plusieurs textes de loi parus récemment encadrent l'autoconsommation, vous semblent-ils suffisants ?

ANDRÉ JOFFRE - Ces textes, qui concernent l'autoconsommation individuelle et collective sont le fruit d'un long travail. Même les acteurs historiques comprennent qu'il s'agit d'une tendance de fond à laquelle il n'est pas possible de s'opposer. C'est déjà un grand progrès que les gens comprennent que l'autoconsommation n'est pas illégale en France. Pendant longtemps, l'obligation pour EDF d'acheter la production solaire des particuliers à des tarifs fixés par le gouvernement (appelée obligation d'achat, NDLR) a été interprétée comme une « obligation de vente » imposée à ces mêmes particuliers. Or cela n'a jamais été le cas. Par ailleurs, il a toujours été plus simple de consommer sa propre production, car la ré-injection dans le réseau (pour la vendre) nécessite un dispositif spécifique.

Grâce à la baisse drastique des coûts du solaire, divisés par huit dans les dix dernières années et qui devraient être à nouveau divisés par deux dans les cinq prochaines années, les économies réalisées sur la facture d'électricité grâce à l'autoconsommation permettent aujourd'hui d'amortir une installation photovoltaïque en dix à douze ans.

Qu'attendez-vous du nouveau « TURPE autoconsommation » en discussion ?

Ce nouveau tarif d'utilisation des réseaux de transport d'électricité doit s'appliquer aux clients qui produisent une partie de leur consommation et recourent donc moins au réseau. Dans certains cas d'auto-consommation, tels que les bâtiments tertiaires équipés de solaire, de mon point de vue, ce coût devrait s'approcher de zéro. C'est un peu différent pour des quartiers entiers (qui pourraient continuer de recourir plus au réseau, NDLR).

Pour que les opérateurs puissent continuer de financer l'entretien des réseaux, qui, comme ils le font remarquer, n'apportent pas seulement de l'électricité, mais aussi une assurance, l'assiette de calcul du TURPE devra être modifiée. La puissance devrait y être plus prise en compte au détriment du volume d'électricité vendue comme c'est aujourd'hui le cas.

Tout cela promet de belles discussions au deuxième semestre de cette année, pour une entrée en vigueur prévue à l'été 2018.

Quelles sont les grandes innovations que vous voyez émerger ?

Dans l'autoconsommation individuelle, on peut imaginer recharger sa voiture électrique à une borne publique, mais en puisant dans la production solaire de son domicile.

On voit actuellement fusionner les écosystèmes de la voiture électrique et de la maison. Lors du salon Intersolar qui s'est tenu récemment, il y avait des batteries partout ! Le prix a été divisé par quatre depuis 2010, et Musk dit qu'il s'est trompé d'un facteur trois en dimensionnant sa Giga factory.

Les limites de l'autoconsommation collective et les temps d'expérimentation envisagés aujourd'hui par Enedis ou EDF EN, par exemple, vous semblent-ils justifiés ?

Aujourd'hui, l'autoconsommation collective n'est permise qu'en aval d'un transformateur de 1 GW. C'est déjà nettement mieux que ce qui était prévu dans l'ordonnance d'origine, ça permet de faire pas mal de choses.

Ainsi, à Perpignan, nous allons développer un projet regroupant des logements sociaux, un bâtiment du conseil départemental, des lotissements construits sur 400 parcelles, et une centrale solaire construite sur un bassin  de rétention sur pilotis. Nous étudions la forme juridique (association ou coopérative) la mieux adaptée.

Mais aujourd'hui, le solaire, c'est du digital. Et dans le digital, on ne peut pas raisonner à deux ans. Six mois, c'est déjà beaucoup...Mais on va pousser le système à ses limites et faire preuve d'inventivité. Aujourd'hui, le sujet n'est pas la rentabilité, mais la technologie. Le juridique suivra.

Quels sont d'après vous les principaux défis que le nouveau gouvernement devra résoudre en matière de transition énergétique ?

Le photovoltaïque va continuer à se développer grâce à la baisse des coûts et à la parité réseau. La réflexion sur le photovoltaïque va d'ailleurs entraîner la promotion du solaire thermique.

Mais il va falloir accélérer pour atteindre les 23% d'énergies renouvelables en 2020. Le véritable enjeu, c'est de massifier. Tout a été démontré sur le plan technologique, maintenant il faut généraliser les usages. L'habitat diffus et la précarité énergétique constituent un vrai défi. Pour les ménages les plus modestes, même les crédits d'impôt ne suffisent pas. Il faut envisager de quasiment tout payer, car ces personnes ne peuvent faire l'avance des frais, même minimes. Et il s'agit de petits montants qui ne justifient pas une ingénierie financière complexe. Les bailleurs sociaux, qui voient la précarité énergétique s'aggraver et le bâti se dégrader, sont très intéressés par le solaire.

Ici, en Occitanie, des pans entiers de logements sociaux sont de véritables passoires thermiques. Par exemple toutes les résidences de vacances construites en bord de mer dans les années 1970, non isolées et non chauffées. Devenues ensuite des logements étudiants, elles sont aujourd'hui occupées à l'année. Un grand programme de rénovation est d'ailleurs lancé.

Dominique Pialot

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Commentaire 1
à écrit le 12/06/2017 à 15:10
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Dans l'absolu en effet non seulement le court terme est improductif mais en plus il est bien trop aléatoire c'est une certitude. Maintenant nous sommes au sein d'un système financier qui fait que seul les revenus à court et très court termes sont...

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