Attention aux conséquences à retardement. Dans l'immédiat, l'impact des mouvements sociaux dans les centrales nucléaires d'EDF est indolore pour le réseau électrique et les consommateurs. Mais leurs effets sur le niveau de la production électrique seront palpables dans quelques semaines. RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, anticipe ainsi un décrochage de la disponibilité du parc nucléaire de la fin octobre à la mi-novembre par rapport à sa courbe de prévision.
« La disponibilité du parc nucléaire va s'écarter à la baisse de notre vision centrale, de la fin du mois d'octobre jusqu'à la mi-novembre. Ce sont les conséquences des mouvements sociaux sur le parc qui ont conduit à des prolongations d'arrêt généralement de deux à trois semaines sur les réacteurs dont la remise en service était proche ou imminente », a expliqué Thomas Veyrenc, directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE, lors d'un point presse mensuel sur le passage de l'automne et de l'hiver, dans un contexte très tendu pour le réseau électrique.
Cette vision centrale de RTE, publiée pour la première fois le 14 septembre dernier, anticipe une disponibilité de 29 gigawatts (GW) à la mi-octobre, de 38 GW début décembre et de 45 GW début janvier. Soit une disponibilité largement inférieure à celle que prévoit EDF, qui table encore sur un niveau supérieur à 65 GW pour le mois de janvier.
Point de vigilance sur la mi-novembre
En conséquence, RTE anticipe un risque moyen pour le réseau électrique pour la première quinzaine de novembre, qui ne devrait pas être marquée par une vague de froid selon les prévisions météorologiques à 45 jours. Sur cette période, le niveau de risque s'établit à 3 sur 5. En revanche, « une prolongation du mouvement social aurait des conséquences importantes sur le cœur de l'hiver », prévient le gestionnaire.
« Sur le nucléaire, il faut retrouver le niveau de la trajectoire rouge [qui correspond à la vision centrale de RTE, ndlr] à la mi-novembre », avertit Thomas Veyrenc. « Ce qui est toujours possible », ajoute-t-il. « La deuxième partie de novembre est le point sur lequel nous sommes vigilants », a-t-il encore souligné. Selon lui, si la remise en service des réacteurs prévue en novembre est de nouveau retardée, cela va « accroître le risque sur la sécurité d'approvisionnement électrique ». Résultat, la perspective de vigilance renforcée de mi-novembre à la fin de l'hiver est maintenue.
Aujourd'hui à midi, 12 centrales nucléaires d'EDF étaient concernées par le mouvement de grève, selon un décompte de la CGT (Belleville, Blayais, Bugey, Cattenom, Cruas, Dampierre, Gravelines, Penly, Paluel, Saint Laurent, Saint Alban, Tricastin). Dans le détail, 17 réacteurs à l'arrêt pour maintenance sont concernés par ce mouvement social avec pour effet une suspension des travaux. Tandis que trois réacteurs subissaient des baisses de production partielles. Des négociations salariales avec la direction d'EDF doivent s'ouvrir dès demain.
Une puissance disponible bien inférieure aux minima historiques
En parallèle de ces incertitudes liées aux mouvements sociaux, une bonne nouvelle : « la vision à date de la disponibilité du parc est exactement celle anticipée par RTE début septembre », a souligné Thomas Veyrenc. Selon l'expert, c'est le signe que « les travaux sur la corrosion sous contrainte se passent bien ». Les travaux de contrôle et réparation sont ainsi terminés pour les réacteurs Bugey 4, Cattenom 4, Chinon 3, et depuis peu sur Civaux 1.
Pour rappel, le parc nucléaire d'EDF est en grande partie affaibli en raison d'un problème de corrosion sous contrainte (qui se traduit par des micro-fissures sur des tuyauteries) découvert il y a un an et qui a poussé EDF à mettre à l'arrêt une quinzaine de réacteurs pour effectuer des contrôles ou des réparations.
La disponibilité du parc s'approche ainsi de 30 GW actuellement. Cela reste un niveau très faible au regard des niveaux observés à la même période les années précédentes. RTE constate ainsi un écart de 8 GW en dessous des minima historiques. Cette grande fragilité de l'appareil productif met ainsi en tension le système électrique français à l'approche d'un hiver marqué par une crise gazière qui frappe toute l'Europe, et qui pourrait affaiblir le volume d'importations d'électricité venus d'Allemagne et d'Autriche. Deux pays qui produisent habituellement une part non négligeable de leur électricité à partir du gaz.
Baisse de la consommation électrique : une première
Outre le niveau de production électrique, le gestionnaire du réseau, qui doit assurer en permanence un équilibre entre l'offre et la demande d'électricité, étudie également avec une grande attention le niveau de consommation. Dans ce cadre, il constate « pour la première fois depuis quelques mois une tendance baissière, corrigée des aléas météorologiques ». Le mois de septembre marque ainsi une diminution de 2 à 4% par rapport à la tendance.
La raison ? Une baisse de la consommation du secteur industriel qui a été contraint de diminuer son niveau de production en raison de la flambée des prix de l'électricité. Cette diminution, qui permet au réseau de retrouver des marges, « devrait être prolongée par le déploiement du plan sobriété », anticipe RTE.
Dans ce contexte inédit, et pour éviter le recours à de possibles coupures d'électricité organisées, le gestionnaire a mis en place un système d'alerte baptisé Ecowatt.
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