TotalEnergies : à la veille de résultats « stratosphériques », la colère gronde dans les ONG

Demain, comme les autres majors pétro-gazières, TotalEnergies devrait dévoiler des profits records, presque deux fois supérieurs à ceux de 2021. De nombreuses associations jugent ces bénéfices indécents. Elles réclament que ces multinationales soient davantage taxées, qu'elles mettent fin aux nouveaux projets fossiles et appellent à la mobilisation. Très décriée pour ses activités « climaticides », la major française se défend en expliquant qu'il est l'un des plus gros investisseurs mondiaux dans les énergies renouvelables.
Juliette Raynal
Les si bons résultats de la major française tiennent en grande partie à la flambée des prix du Gaz naturel liquéfié (GNL) qui affiche une empreinte carbone trois fois supérieure aux pipelines de gaz.
Les si bons résultats de la major française tiennent en grande partie à la flambée des prix du Gaz naturel liquéfié (GNL) qui affiche une empreinte carbone trois fois supérieure aux pipelines de gaz. (Crédits : STEPHANE MAHE)

Après Chevron, Exxon, Shell et BP, le français TotalEnergies s'apprête, lui aussi, à partager un bénéfice annuel record, dopé par les cours des hydrocarbures. Il présentera demain matin, mercredi 8 janvier, ses résultats annuels pour l'exercice 2022. « Le marché s'attend à un résultat ajusté de 36 milliards de dollars, contre 18,1 milliards de dollars en 2021, soit presque un doublement », précise Ahmed Ben Salem, analyste pétrole et gaz chez Oddo. Des superprofits qui provoquent la colère de nombreuses ONG.

Lire aussi55 milliards de dollars : les superprofits d'ExxonMobil préfigurent ceux de TotalEnergies

Au cours des derniers jours, les majors pétrolières ont, sans exception, publié des chiffres vertigineux. En 2022, les américaines ExxonMobil et Chevron ont respectivement enregistré un bénéfice de 55,7 et de 35,5 milliards de dollars. Le britannique Shell, a, pour sa part annoncé la semaine dernière le bénéfice le plus élevé de son histoire à 42,3 milliards de dollars, tandis que son compatriote BP a fait état, ce matin, d'un bénéfice, hors éléments exceptionnels (indicateur le plus suivi par les marché) à 27,7 milliards de dollars. Un montant qui a plus que doublé en un an. BP affiche néanmoins une perte nette de 2,5 milliards de dollars, en raison d'une importante charge reflétant sa sortie du géant pétrolier russe Rosneft.

Plus de 200 milliards de dollars de profits en 2022

« Au total, les principales majors pétrolières ont réalisé plus de 200 milliards de dollars de profits en 2022. Ce sont des sommes stratosphériques et indécentes face à la situation de crise et l'inflation auxquelles doivent faire face les ménages, qui peinent à payer leur facture de gaz et d'électricité. Ces superprofits ne sont pas le fruit d'un travail ou d'efforts supplémentaires, mais des prix du pétrole qui ont explosé à cause de la guerre en Ukraine. Ces majors profitent d'une situation de crise et ces superprofits vont être reversés sous forme de dividendes aux actionnaires », déplore Edina Ifticène, chargée de campagne pétrole chez Greenpeace.

Selon Ahmed Ben Salem, ces superprofits restent « momentanés ». L'analyste anticipe, en effet, leur baisse au cours des prochains trimestres, « même si on ne s'attend pas à ce qu'ils s'effondrent », nuance-t-il. « Les prix du pétrole, du gaz et les marges de raffinage baissent. L'industrie pétrolière reste une industrie cyclique », observe-t-il. Pour le quatrième trimestre 2022, le consensus du marché table ainsi sur un résultat ajusté de 7,5 milliards de dollars pour TotalEnergies, soit une baisse d'environ 20% par rapport au précédent trimestre, qui constituait un record.

Malgré cette tendance baissière, Greenpeace, comme de nombreuses autres associations environnementales dans le monde, demandent à ce que les majors pétrolières soient davantage taxées. « Je comprends que nos superprofits fâchent l'opinion publique », a récemment reconnu le PDG de TotalEnergies Patrick Pouyanné, dans une interview accordée au quotidien belge L'Echo.

Son groupe devrait verser environ un milliard de dollars à l'échelle de l'Union européenne au titre de la contribution spéciale de solidarité, décidée par Bruxelles. « Si nous ajoutons le Royaume-Uni, nous dépassons les deux milliards de nouvelles taxes en Europe dans le cadre de la crise énergétique », a-t-il précisé. Un montant « absolument pas à la hauteur », selon Greenpeace France.

Le GNL, une activité très rentable mais mauvaise pour le climat

Les si bons résultats de la major française tiennent en grande partie à la flambée des prix du Gaz naturel liquéfié (GNL). « La division Gaz cette année a vu ses résultats presque tripler », note Ahmed Ben Salem. TotalEnergies est le numéro trois mondial du GNL, derrière Shell et Qatar Energie (qui n'est pas coté). « C'est le premier exportateur de GNL aux Etats-Unis et le premier importateur en Europe et c'est là où la marge se fait », souligne l'analyste.

Si le GNL présente l'avantage de pouvoir être transporté par bateau depuis n'importe quel endroit dans le monde, il est aussi bien plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) que le gaz naturel acheminé par pipeline, avec une empreinte carbone presque trois fois plus élevée.

« Ces profits nous mènent droit dans le mur alors que l'urgence climatique est là. Depuis 2021, TotalEnergies a lancé une vingtaine de nouveaux projets pétroliers et gaziers alors que l'Agence internationale de l'énergie [AIE, ndlr] dit qu'il faut les stopper pour atteindre la neutralité carbone en 2050 », rappelle Edina Ifticène.

Dans un rapport très remarqué publié au printemps 2021, l'AIE a, en effet, appelé à l'arrêt de tous nouveaux investissements dans de nouvelles installations pétrolières et gazières (hormis les projets qui ont déjà été approuvés) afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour l'AIE, cet appel avait constitué un changement de doctrine radical, après avoir soutenu pendant des années l'industrie des hydrocarbures.

Des investissements colossaux dans les renouvelables, mais insuffisants pour les associations

Pour sa défense, TotalEnergies assure être l'un des plus gros investisseurs mondiaux dans les énergies renouvelables.« Quel groupe français investit plus que nous dans les énergies renouvelables ? 4 milliards en une année, nous faisons partie des cinq plus gros investisseurs au monde dans les énergies renouvelables », avait lancé Patrick Pouyanné, en novembre dernier devant des députés de la commission des Affaires étrangères. « TotalEnergies est en avance par rapport à ses concurrents. Près d'un tiers de ses capex vont dans la transition », relève Ahmed Ben Salem.

« Compte tenu des sommes investies dans les énergies fossiles et le trop faible niveau mis dans les renouvelables, nous n'atteindrons pas la neutralité carbone en 2050, » rétorque Edina Ifticène de Greenpeace.

« Malgré sa volonté de se renommer TotalEnergies, la multinationale pétrolière et gazière continue aujourd'hui à produire 447 unités d'énergies fossiles pour une seule d'énergies renouvelables. Total continue ainsi d'investir massivement dans le développement de nouveaux projets d'énergies fossiles, comme le très controversé projet pétrolier d'EACOP entre l'Ouganda et la Tanzanie », pointent le collectif #StopTotal, 350.org, les Amis de la Terre France, Alternatiba Paris, Bloom, GreenFaith et le Mouvement Laudato Si.

Dans la nuit du 7 au 8 février, les militants de ces associations prévoient de coller des affiches dans les rues de France afin de dénoncer « ces profits illégitimes et appeler à rejoindre une plateforme nouvellement créée par 350.org : stoptotal.fr. ».

Lire aussiScandale financier en Inde : Adani Enterprises réussit à faire bondir son titre en Bourse de +15,5%

Une exposition limitée aux turbulences de l'indien Adani ?

TotalEnergies détient quatre participations dans le conglomérat indien Adani, accusé d'une vaste fraude comptable. Le pétrolier affirme que ses investissements ne représentent que 2,4 % des capitaux employés par le groupe. Cette exposition ne se reflètera pas dans les résultats 2022, mais dans les trimestres à venir. « Le risque financier est limité. Son exposition correspond à 3 milliards de dollars ce qui n'est rien par rapport aux 180 milliards de dollars des capitaux employés », estime Ahmed Ben Salem, analyste chez Oddo. « Les investisseurs pourraient néanmoins s'interroger sur l'allocation du capital », reconnaît-il. « Pour compenser, TotalEnergies se tourne vers les Etats-Unis, où il consacre 24% des capitaux employés dans les énergies renouvelables ».

Juliette Raynal

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Commentaires 17
à écrit le 07/02/2023 à 19:01
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Au lieu de demander à papa ils n'ont que à recolter l'adhesion et l'argent des citoyens pour acheter une majorité relative dans l'actionnariat de Total. L'argent se mérite. Une ong ne devrait rien demander de la part de l'état. Seulement en France ...

le 07/02/2023 à 22:10
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D où sortez vous ong dépend des subsides de la France .. citez des ex des faits et vos sources et non des lieux communs par facilités et paresse intellectuelle.. bref pas des fakes News auxquelles vous nous habituez …

à écrit le 07/02/2023 à 18:15
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Les ONG "grondent" ? Celles dont les adhérents s'habillent en polaire ? Mais ils savent que c'est du pétrole qu'ils portent et que c'est grâce à Total notamment qu'il est extrait ? Et que notre nourriture résulte de cultures et d'élevages ou de pêche...

à écrit le 07/02/2023 à 18:13
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On ne le sera jamais mais je sais que les français seraient horrifiés de connaître les actionnaires de total. Il y a peut être même des oligarches russes..?

à écrit le 07/02/2023 à 18:05
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Toutes ces ONG gauchisantes payées avec nos impôts n'aiment que les boites qui font des pertes et n'aiment surtout pas les quelques grandes boites Françaises qui brillent à l'international.

à écrit le 07/02/2023 à 17:56
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y a pas que les canards qui se gavent .

à écrit le 07/02/2023 à 17:16
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A part ça il n'y a pas d'argent pour les retraites Total , les banques françaises les fournisseurs d'énergie, les assurances,j'en passe et des meilleures Tous ont reçues des millions ou plus du quoi qu'il en coûte, est le gouvernement n'a pas de mo...

le 07/02/2023 à 19:24
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Vous avez bien raison. Et d'ailleurs, nous devrions taxer a 90% les profits de Total pour que les chauffeurs de la RATP ainsi que les aiguilleurs de la SNCF puissent prendre leur retraite a 34 ans. Mais juste eux, car ils font un travail bien plus pé...

le 07/02/2023 à 20:36
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Continuer à rire sans mourir, c'est quand même mieux. Je voudrais juste vous signaler avant que vous soyez mort que Total a refusé toute aide de l'état pendant le Covid, même s'il a fait une perte de plus de 4milliards en 2020. Maintenant que vous le...

le 07/02/2023 à 20:37
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Continuer à rire sans mourir, c'est quand même mieux. Je voudrais juste vous signaler avant que vous soyez mort que Total a refusé toute aide de l'état pendant le Covid, même s'il a fait une perte de plus de 4milliards en 2020. Maintenant que vous le...

le 07/02/2023 à 22:13
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Et comment l état finance les Jo2024? Mystère . Peut être par la réforme des retraites ?

à écrit le 07/02/2023 à 17:16
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A part ça il n'y a pas d'argent pour les retraites Total , les banques françaises les fournisseurs d'énergie, les assurances,j'en passe et des meilleures Tous ont reçues des millions ou plus du quoi qu'il en coûte, est le gouvernement n'a pas de mo...

à écrit le 07/02/2023 à 16:46
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Sans doute des citadins dépourvus de voiture qui ne se rendent pas compte qu'à peu près tout ce qu'ils consomment quotidiennement nécessite l'usage direct ou indirect de produits pétroliers.

à écrit le 07/02/2023 à 16:33
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Râler et vouloir taxer sans remettre en cause le système qui permet de tels profits ne rime à rien. Le plus déplorable ce sont les escrocs et intermédiaires qui ne produisent rien, comme les fournisseurs alternatifs, et qui font du gras sans plus val...

à écrit le 07/02/2023 à 16:26
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Ce n'est pas beaucoup. Exxon c'est 50 milliards en 2022 et Shell, c'est 40 milliards. Et Aramco, 130 milliards. Dans la restructuration énergétique mondiale qui s'avance, je crains que nous perdions notre petite entreprise, même si elle ne connaît pa...

à écrit le 07/02/2023 à 16:19
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Les ONG bobos peuvent bien râler, cela ne changera pas grand chose. Le monde a soif d'énergie et donc les groupes énergétiques sont incontournables. Pour ma part détenteur d'actions de TE ce bénéfice me réjouit car synonyme de dividendes confortabl...

à écrit le 07/02/2023 à 15:59
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C'est vrai que les ONG n'aiment pas le pétrole puisqu'elles sont pro charbon. Sur ce point c'est un triomphe. L'Allemagne n'a jamais brulé autant de charbon, l'Australie n'a jamais fait autant de bénéfices. Même la France s'est remise au charbon d'Af...

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