Les super pouvoirs trop méconnus de la fabrication additive

Pierre angulaire de l’industrie du futur, l’impression 3D reste trop souvent la chasse gardée de grandes entreprises malgré les spectaculaires avancées qu’elle permet. En Normandie où Ariane Group montre l’exemple, la filière aérospatiale démocratise la fabrication additive en aidant des PME à se jeter à l’eau. Les brassards sont fournis.
La fabrication additive permet la fabrication de pièces complexes sans assemblages. Ici une croix cardan en métal réalisée par la société Volum-e pour la fusée Ariane
La fabrication additive permet la fabrication de pièces complexes sans assemblages. Ici une croix cardan en métal réalisée par la société Volum-e pour la fusée Ariane (Crédits : MMB Volum-e)

Oubliée la fabrication soustractive de papa, vorace en moules, outillages et matériaux. S'il vole un jour, le futur moteur Prométhéus low cost de la fusée européenne, en cours de prototypage chez Ariane Group à Vernon, sera presqu'entièrement imprimé en 3D. Une petite révolution sous la coiffe. Challengés par SpaceX, les dirigeants d'Ariane Group ont vite compris tout le parti qu'ils pouvaient tirer des super pouvoirs de l'additif : réduction des délais de conception, diminution des assemblages et des soudures, allègement des coûts et des structures, possibilité d'imaginer des pièces d'un seul tenant d'une complexité inouïe ...

« Le développement d'une grosse pièce d'injection, qui demandait 18 mois hier, n'en prend plus que six. En outre, on peut se permettre le luxe de recommencer » s'enthousiasme Eric Baustert, responsable R&D de la société Volum-e installée dans la vallée de la Bresle qui a mis au point plusieurs pièces pour le lanceur.

Mais pour une poignée de convaincus, combien de sceptiques ? « Beaucoup de dirigeants de PME pensent, à tort, que cette technologie clé de l'industrie du futur est l'apanage des grands joueurs » constate Philippe Eudeline, président de Normandie Aeroespace (NAE) : très actif réseau des entreprises de l'aéronautique et du spatial. C'est à son initiative que vient d'être lancée la marque FAN (alias Fabrication Additive en Normandie). Objectifs : créer des liens entre les acteurs privés ou académiques disposant d'un bagage dans cette spécialité et accompagner la conversion des entreprises industrielles. « Il s'agit de populariser des procédés connus mais dont la diversité et la technicité peuvent faire peur » explique Sébastien Vernay, référent fabrication additive et composites chez NAE.

"Un écosystème dynamique"

Pour entraîner des wagons, encore faut-il de bonnes locomotives. A cet exercice, FAN ne part pas de zéro. La Normandie peut, en effet, se flatter d'abriter un gisement de compétences de très haut niveau sur plusieurs segments de la chaîne de valeur. L'annuaire de Normandie Aeroespace répertorie une vingtaine d'industriels en pointe dans l'impression 3D et une trentaine de cursus de formation ad hoc. Une puissance de feu saluée par le président de France Additive qui réunit 200 acteurs clés dans l'hexagone. « Il existe ici un écosystème extrêmement dynamique incarné par des entreprises d'envergure mondiale comme Volum-e, probablement le meilleur fabricant de pièces qui soit. C'est pourquoi nous regardons ce projet avec beaucoup d'intérêt » indique Jean-Daniel Penot.

Pour faciliter l'appropriation, la nouvelle marque peut s'appuyer sur les deux plateformes technologiques qui ont vu le jour, l'an dernier sous l'impulsion de NAE. La première est installée au sein du centre de recherche d'Arkema dans l'Eure spécialisé dans la mise au point de polymères biosourcés, la seconde chez Francofil, un fabricant de filaments destinés à l'impression 3D domicilié en Seine-Maritime. Leur vocation ? Permettre à des PME de se confronter un parc d'imprimantes dernier cri et d'expérimenter la fabrication additive en vraie grandeur sous l'œil d'experts aguerris. Le tout à moindre coût grâce à des financements de la Région. « Nous sommes en mesure de tester la faisabilité de certaines pièces ou de réaliser des cas d'études voire de formuler des matériaux » détaille  Ornella Zovi, ingénieur recherche chez Arkema. Le réseau devrait accoucher prochainement d'autres plateformes sur les procédés métalliques (Cold Spray, fusion lit de poudre, dépôt de fil...).

Côté enseignement, FAN planche sur la création d'une « académie de la fabrication additive » pour étoffer l'offre de formation. « Nous avons repéré des trous dans la raquette qui peuvent être comblés » indique Sébastien Vernay. Last but not least, Normande Aeroespace a été désigné par la DGE comme référent pour la normalisation. Plusieurs de ses membres, dont Eric Baustert, siègent à Bruxelles dans les commissions, arbitres des élégances en matière d'impression 3D.

Pas exactement un point de détail pour Jean-Daniel Penot : « Nous avons besoin de faire entendre une voix dans le concert européen d'autant que la France, hier en pointe, tend à décrocher face à l'Allemagne et aux Etats-Unis ». Un message apparemment reçu 5 sur 5 à Bercy où l'on vient d'installer un 19ème comité stratégique de filière dans l'espoir de stimuler l'adoption de « solutions pour l'industrie du futur » ... dont fait partie la fabrication additive.

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Commentaires 3
à écrit le 28/04/2021 à 12:55
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Pour les petites séries ça marche bien, fusées, navires militaires, mais pour la série c'est pas près d'être compétitif par rapport aux bon vieux moules, les temps de fabrication sont énormes à coté d'un moule et d'une presse... Sans oublier que il ...

le 29/04/2021 à 11:28
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Ca tombe bien justement car nous n'avons pas besoin de production de masse.

à écrit le 28/04/2021 à 9:24
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Merci pour cet article, rare. Il devrait y avoir une imprimante 3D pour dix français mais voilà, l'imprimante 3D mettrait rapidement à mal les marges bénéficiaires des milliardaires qui possèdent et détruisent notre monde donc ils se la gardent pour ...

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