Naval Group accélère sur la fabrication additive

Naval Group vient d’équiper le chasseur de mines tripartite « l’Andromède » d’une hélice à cinq pales entièrement réalisées grâce à un procédé de fabrication additive. Validée par les services et autorités compétentes, cette première mondiale devrait permettre d’accélérer les cadences de production et de maintenance sur les sites du leader européen du naval de défense.
Grâce à l'utilisation de la fabrication additive, Naval Group a pu notamment divisé par dix le temps de fabrication d'une hélice à cinq pâles.
Grâce à l'utilisation de la fabrication additive, Naval Group a pu notamment divisé par dix le temps de fabrication d'une hélice à cinq pâles. (Crédits : Naval Group)

« Nous ne sommes plus dans une phase de test mais bien dans l'opérationnel avec un navire reparti en mission avec une hélice innovante, entièrement conçue en fabrication additive », explique Cyrille Nota, coordinateur de fabrication additive sur le site de Naval Group, à Indret près de Nantes, où vient d'être fabriquée une hélice de 2,50 mètres d'envergure en cupro-d'aluminium, composée de cinq pales de deux cents kilos. "Une prouesse technologique", clame-t-on chez Naval Group.

Acheminée à Brest en novembre, elle a été montée sur l'Andromaque, un chasseur de mines tripartite qui a repris la mer, après un arrêt technique majeur et des essais concluant fin décembre. Il aura fallu cinq années de R&D et trois à quatre millions d'euros d'investissement par an depuis 2018 pour que Naval Group maitrise la technologie de fabrication additive et en fasse un véritable projet industriel. « Obtenir une qualité navale militaire réclame une mise au point rigoureuse. Près de trois années de R&D, menées par la direction Technique et Innovation avec l'Ecole Centrale Nantes dans le cadre du LabCom Joint Laboratory of Maritime Technology, ont été nécessaires pour qualifier le procédé de dépôt de matière par fusion de fils métalliques », mentionne Emmanuel Chol, directeur du site de Nantes-Indret, fier de cette « prouesse technologique » présentée comme une première mondiale. « C'est le plus grand propulseur réalisé en fabrication additive métallique et c'est la première hélice issue de cette technologie, embarquée à bord d'un navire militaire et fabriquée pour aller au-delà de l'expérimentation essais en mer », dit-il. A ce jour, seul le chantier naval danois -civil- Damen se serait aventuré sur cette technologie. Sur des hélices de moindre dimension.

 Dix fois plus rapide

« Nous avons pris le train de la fabrication additive en 2015 en travaillant sur trois technologies ; la projection de poudre, la fusion laser sur lit de poudre déployée sur le site d'Angoulême Ruelle et le dépôt de fil métallique choisie pour l'hélice de l'Andromaque», explique Cyrille Nota. « Cette orientation stratégique est le fruit d'une rencontre entre une veille technologique poussée et un besoin opérationnel. Les hélices aujourd'hui produites en fonderie impliquent un procédé très complexe où la maitrise de la qualité n'est pas toujours très ancrée. Or, la fabrication additive nous semblait un procédé prometteur. Les services R&D ont montré qu'il était possible de repenser nos modèles pour produire des hélices innovantes aux performances supérieures », précise-t-il.

Parmi les trois technologies à sa disposition, Naval Group a, ici, opté pour celle du dépôt de fil métallique, plus adaptée aux pièces de grandes dimensions et offrant un haut rendement de productivité. C'est l'un des points clé de cette technologie. Outre des caractéristiques mécaniques intrinsèques bien meilleures qu'avec une fabrication conventionnelle en fonderie, la durée de fabrication des ébauches n'excède pas six semaines quand il fallait trois, six voire douze mois pour fabriquer une hélice en fonderie. « C'est d'autant plus intéressant que nous pouvons accroître le maintien en conditions opérationnelles des navires. De plus, la pièce est réparable ce qui n'est pas le cas, encore une fois, avec la fonderie », ajoute-t-il.

Le procédé de fabrication a été validé par la DGA (Direction Générale de l'Armement), le Service de Soutien de la Flotte (SSF), la Marine Nationale et Bureau Veritas intégrés dès le début de la démarche de qualification. «C 'est là où se situe la vraie avancée, précise Cyrille Nota, les hélices n'ont pas été seulement testées, elles restent en mer jusqu'à la fin de vie des navires, sans restriction opérationnelle. Le but était de créer une première référence à la mer». En l'occurrence, l'Andromaque, un des dix chasseurs de mines en opération en France, devrait poursuivre sa route jusqu'en 2030.

Vers des designs que l'on s'interdisait...

La suite de la feuille de route définie avec la Marine nationale devrait amener Naval Group à travailler sur des pâles innovantes plus complexes, capables d'équiper de plus gros navires ou des sous-marins. Dans le cadre du programme européen H2020 Ramsses, Naval group a déjà finalisé un projet portant sur des pâles creuses avec le concours de l'Ecole Centrale de Nantes, réunie au sein d'un laboratoire de recherche commun (Joint Laboratory of Maritime Technology). Cette collaboration doit se poursuivre pour améliorer les procédés de fabrication. Car, « outre l'optimisation des coûts et des délais propres à la fabrication additive,  ce gain de masse a montré qu'en s'affranchissant du poids, on ouvrait la voie vers des modèles design vers lesquels on s'interdisait d'aller. Or, ils permettent d'avoir , à la fois une meilleure performance en acoustique et en propulsion, des notions généralement antinomiques... », se réjouit-il.

Penser la conception autrement

Signe de l'accélération engagée, le leader européen du naval de défense a décidé d'investir 7 millions d'euros sur l'ensemble de ses sites de production en faveur de la fabrication additive métallique en 2021. A Nantes-Indret, le site dispose désormais de deux cellules robotisées. La première dédiée à la R&D permet la mise au point des paramètres d'impression , la caractérisation des matériaux en en vue de leur qualification et la réalisation de démonstrateurs. La seconde utilisée pour la production est la plus grande machine de fabrication additive d'Europe. Elle autorise la fabrication de pièces de 3,5 mètres de diamètre pouvant peser jusqu'à 5 tonnes. De nouveaux cas d'usages émergent déjà. Des études menées sur le procédé de fabrication additive par projection de poudre ont montré que ces technologies pourraient être utilisées pour la fabrication d'échangeurs de grandes dimensions, et d'équipements nucléaires qui pourront intégrer les navires et sous-marins de nouvelle génération.

Pour accompagner cette montée en puissance, Naval group entend favoriser le transfert de l'innovation dans l'industrie et créer un écosystème autour de l'Ecole Centrale nantaise, les laboratoires de recherches, les sous-traitants, l'Université, la filière robotique, les organismes certificateurs, etc. « Nous sommes une entreprise qui fonctionne sur des cycles longs. Il faut cinquante mois pour construire une chaudière nucléaire. Or, la fabrication de l'hélice a montré que l'on pouvait, à qualité égale ou supérieure, fabriquer dix fois plus rapidement et diviser les volumes par dix. Produire plus vite et mieux, ce sont deux des enjeux essentiels. La fabrication additive apporte une valeur ajoutée forte aux pièces », indique Cyrille Nota, qui en favorisant le transfert de cette technologie vers l'industrie et en identifiant de nouveaux cas d'usages, veut aussi amener une autre façon de penser la conception des pièces.

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Commentaire 1
à écrit le 27/01/2021 à 12:07
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pale = aile d'une hélice pâle = blanc terne, manque d'éclat Les 2 mots n'ont rien à voir ! Soyez circonspects avec les circonflexes :-)

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