Planet Sushi : "Livrer des plats en 10 minutes ? Je trouve la promesse d'Uber géniale"

La restauration à domicile change de régime. Comment réagissent ses acteurs ? Exemple avec Planet Sushi, cette chaîne française qui, à l’orée des années 2000, avait senti monter la vague du poisson cru pour en faire un concept au marketing très étudié.
Siben N'Ser, 38 ans, a affiné son concept de restaurant de sushi avec les conseils du duo de publicitaires Fred&Farid

Dimanche soir, réfrigirateur vide? Un reflexe déjà bien installé: se faire livrer un repas. Longtemps, pour le menu, un seul choix: sushi ou pizza. Mais depuis plusieurs mois les Take Eat Easy, Foodora, Deliveroo, Resto In (dont La Poste compte prendre le contrôle) et autres UberEats déboulent sur le macadam. Dans la hotte de ces livreurs pas toujours salariés, une multitudes de nouveaux plats, des soupes, des salades bio, des burger à toutes les sauces et même de l'andouillette AAAAA.

>> ChronoFresh, ChronoFreeze... La Poste s'engouffre dans le marché de la livraison alimentaire

Comment les pionniers du secteur comme Planet Sushi, chez qui 70% des ventes proviennent de la livraison, réagissent-ils dans un tel contexte? Siben N'Ser, fondateur et propriétaire de la chaîne créée juste avant les années 2000 qui vient de sortir d'une procédure de sauvegarde, apporte quelques réponses.

La Tribune - Dans votre secteur, l'un des changements majeurs concerne le statut des livreurs. Beaucoup ne sont pas salariés. Pensez-vous possible de procéder de la même manière?

Siben  N'Ser - J'ai 200 produits dans ma carte, je ne peux pas faire appel à n'importe qui. Uber a un concept : il fait appel à des particuliers (en réalité, ce sont des professionnels, ndlr) qui vont chercher des plats, qui les mettent dans leur coffre, et les livrent dans les 10 minutes sur une zone très restreinte. D'autres acteurs se lancent dans la course pure et dure. En France, je n'y crois pas.

Pour quelles raisons?

Le modèle dans lequel l'entreprise prend une commission sur la course peut être intéressant pour un chauffeur payé entre 15 à 50 euros. S'il s'agit de demander à des gens de courir, parfois avec un sac à dos, ou bien de faire un tour à vélo, c'est moins évident. Cela peut-être agréable en été, c'est autre chose en hiver. Et puis ce n'est pas cher payé par tournée. Sans compter qu'à Paris, il y a beaucoup d'immeubles sans ascenseur, ça peut devenir très chronophage.

Je crains aussi des problèmes de sécurité, pour le livreur et pour le client qui fait monter chez lui quelqu'un qu'il ne connait pas. Ensuite, il y a un problème d'image. Pour moi, elle est très importante, elle constitue une part importante de ma marque. Je ne suis pas sûr qu'elle sera véhiculée correctement avec ces personnes-là. Cela dit, je le reconnais, il nous arrive aussi d'avoir des livreurs qui conduisent mal! Pour toutes ces raisons, je pense que cela prendra du temps avant que ces modèles fonctionnent correctement.

Comment répondrez-vous à cette nouvelle concurrence?

Nous nous différencions aussi parce que nous avons des emplacements: vous pouvez vous arrêtez dans nos points de vente pour consommer sur place. Mais nous réfléchissons à des moyens de faire évoluer le service. Le modèle auquel je crois le plus, c'est celui d'Uber. J'ai une offre, et surtout un délai très court. L'appel de la faim est terrible. Quand j'ai faim, la notion du temps est distordue. Dix minutes? La promesse est géniale. Même si des confrères, amis, hommes d'affaires n'y croient pas, moi si, dur comme fer. Je suis plus dubitatif sur les services créés par d'anciens coursiers.

  [ UberEats dit pouvoir livrer en dix minutes, à partir du moment où la commande est passée, puisque les plats sont préparés en amont, en heure creuse. Ndlr]

Comment gère-t-on une flotte de livreurs dans une entreprise comme la vôtre?

Le problème tient parfois à la jeunesse des livreurs. Nous n'embauchons qu'à partir de 18 ans, mais il arrive que certains ne se lèvent pas, n'aient pas envie de travailler ou d'autres choses à faire et préviennent à la dernière minute. Attention,je ne les dénigne pas, j'ai connu ça moi aussi. Mais c'est compliqué. On a donc une gestion particulière avec des livreurs à temps plein, d'autres à temps partiel, d'autres que l'on appelle en renfort et l'on se fait aider en cas de besoin. Cela se gère au jour le jour, par le directeur, en fonction de ses relations avec les livreurs.

Quelles sont les amplitudes de personnels par restaurant?

Dans un restaurant comme celui du boulevard Malesherbes (Paris VIIIe), un point de vente important, il y a entre 20 à 25 livreurs salariés et cela peut aller jusqu'à 70.

Pouvez-vous mutualiser cette main d'oeuvre?

Nous avons des contrats qui nous permettent de faire appel à du personnel d'un point de vente à un autre en cas de besoin.

C'est donc un point important du modèle économique pour assurer la qualité du service...

Oui, mais très compliqué. Nous réfléchissons beaucoup sur ce sujet en conseil d'administration. Notre métier c'est le service, et on a du mal à le faire correctement en France, parce qu'il y a beaucoup de turn-over, etc. En Espagne ou au Maroc, j'ai moins de problèmes.

Quelles sont les perspectives d'ascension sociale pour ces employés?

Il y en a! Notre directeur des achats actuels, qui gère entre 30 et 40 millions d'euros de dépenses, a commencé en tant que livreur quand il était étudiant. De nombreux franchisés, voire multifranchisés, sont d'anciens livreurs.

Parce qu'il s'agit aussi souvent d'étudiants?
Oui, mais nous embauchons aussi des jeunes en réinsertion.

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Sushis et brochettes s'installent en grande surface

A 38 ans, le fondateur et président Siben N'Ser vient d'en finir avec la procédure de sauvegarde, qui, selon la direction, n'a impliqué aucune réduction d'effectif. Au cours des deux dernières années, deux restaurants ont été fermé, notamment un au Havre. Cette procédure s'est inscrite dans une période tendue pour le marché de la restauration. L'an dernier, ses ventes ont même reculé pour la première fois en dix ans. Et les chaînes de restauration sont les premières à en avoir souffert. Parmi elles, les restaurants spécialisés dans ces préparations inspirées des sushis et makis japonais, dont le nombre a explosé, ce produit encore peu connu dans les année 1990 en France ayant désormais conquis jusqu'aux rayons des supermarchés. D'autres chaînes ont également connu des déboires, comme Matsuri, qui avait importé le concept du convoyeur à l'intérieur des restaurants, s'est aussi retrouvé en procédure de sauvegarde l'an dernier.

Mais l'enseigne au logo en forme de carcasse de poisson a tout de même continué d'ouvrir des établissements, - 10 en deux ans - en particulier dans le sud de la France et à l'étranger. Il en comprend désormais 70 dont deux tiers de franchisés un tiers en propre principalement en France mais aussi en Espagne, un à Miami et ou au Maroc. Sur sa carte figure toujours les makis au Nutella qui ont participé à la notoriété de la marque, mais aussi un menu pour les enfants avec un gadget, sur le modèle du Happy Meal de McDonald's. Ses brochettes produites en région parisienne et réchauffées dans les restaurants devraient prochainement être vendues en grandes surfaces.

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Commentaires 3
à écrit le 09/11/2015 à 4:56
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Comment être possiblement raisonnable quand on vit dans un monde où il y a des Sushis ?

à écrit le 09/11/2015 à 4:53
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La photographie , très bien choisie en ce qui concerne le sujet montre un Monsieur qui ouvre une bouche démesurément grande...et il y a certainement là quelque chose qui relève de l'hybris. Cette photographie signifie que ce Monsieur veut en croquer...

à écrit le 08/11/2015 à 18:05
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Se déplacer vite, travailler plus vite, manger plus vite encore pour... mourir plus vite, sans avoir profité vraiment de la vie! Je considère depuis longtemps que le système économique dans lequel nous pataugeons est obsolète, qu'il fait passer les ...

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