Le TGV fête ses trente ans

A l'occasion de cet anniversaire, l'heure est à la réflexion pour faire évoluer ce trentenaire dont le modèle tend à s'essouffler en France alors qu'il est prometteur à l'étranger.
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Le TGV, l'un des fleurons technologiques de la France au même titre que Concorde, les avions Airbus, les fusées Ariane et le nucléaire, fête cette année ses 30 ans de mise en service, le 27 septembre 1981 entre Paris et Lyon. Ce jeudi, la SNCF a ouvert les cérémonies pour célébrer le succès planétaire commercial de ces rames construites par son compatriote Alstom, hier enviées, aujourd'hui imitées par d'autres pays, notamment par la Chine.

Quelle belle initiative lancée par le président Georges Pompidou en 1974 même si, aujourd'hui en France, le modèle économique du train à grande vitesse de la SNCF semble quelque peu s'essouffler (lire ci-dessous). Gageons que parmi les investissements d'avenir décidés par le gouvernement se nichent d'aussi belles réussites technologiques... et commerciales « made in France » comme celles du TGV, devenu fierté nationale. Car, en 2010, SNCF Voyages a transporté, à plus de 250 km/h, 131 millions de voyageurs, dont 98,5 millions dans les 480 rames à grande vitesse en service (TGV, iDTGV, iDNight), dont 151 à deux niveaux, à raison de 800 TGV par jour.

D'ici à 2020, le réseau des LGV devrait gagner 2.000 kms grâce à sept nouveaux projets inscrits dans le cadre du Grenelle de l'Environnement. Soit 50 milliards d'euros de financement. Et des questions se posent. Quelle sera la rentabilité de ces lignes ouvertes à la concurrence ? Quelle sera la part in fine de l'État, des collectivités et des usagers pour le financement de l'exploitation ?

Michel Cabirol
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Dans le monde, le réseau à grande vitesse va doubler d'ici à 2030

Près de 35.000 kilomètres de ligne à grande vitesse sont prévus au cours des deux prochaines décennies.

En Chine, au Brésil, en Arabie saoudite, au Maroc, en Russie en Afrique du Sud,... les projets de lignes à grande (plus de 250 km/h) et très grande vitesse (plus de 300 km/h) se multiplient aux quatre coins du globe. Selon plusieurs experts, le réseau devrait plus que doubler au cours des deux prochaines décennies, passant de 15.000 kilomètres aujourd'hui à 30-35.000 kilomètres à l'horizon 2025-2030. Le parc, aujourd'hui composé de 2.000 rames à grande vitesse (dont moins de 500 en France) devrait bondir à près de 5.000 en 2025.

Un bon tiers de ces nouvelles rames seront destinées au marché chinois. Le reste sera absorbé par le renouvellement des trains les plus anciens circulant dans les pays déjà équipés de trains à grande vitesse (France, Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Japon, Corée du Sud...), et par l'aboutissement de plusieurs projets au Brésil, en Russie, en Turquie, au Maroc, en Arabie saoudite et en Russie.

En revanche, pour des raisons à la fois budgétaire et politique, les projets aux États-Unis, en Inde, au Portugal ou en Iran ne sont pas pour demain. « La grande vitesse va se multiplier dans le monde, explique le secrétaire général de la Fédération des industries ferroviaires (FIF), Jean-Pierre Audoux. Pour autant, elle n'est pas accessible à tous les pays. Il y a une différence entre ceux qui annoncent des projets et ceux qui peuvent les réaliser. »

La « Maison France » d'abord

Pour rafler ces différents marchés, la bataille fait rage entre les constructeurs Alstom, Siemens, et les industriels japonais, coréens, canadiens et chinois. Ces derniers disposent d'une grande puissance de frappe car ils sont capables de faire des offres complètes (matériel, financement et infrastructures).

« Le gros du financement, c'est l'infrastructure, sur laquelle la compétition est la plus rude. Or, nous réalisons essentiellement le matériel roulant qui ne représente que 10 % du coût total », précise le directeur général de Alstom Transport France, Jérôme Wallut. « Pour proposer une offre complète qui comprenne le financement, il faut se présenter en équipe. Pour Alstom, le premier choix est celui de la ?Maison France?, c'est-à-dire l'association avec des entreprises comme Bouygues, Systra ou Vinci, qui permet de créer une structure adaptée », à la demande des clients.

Bref pas un mot sur le fameux Airbus du ferroviaire que d'aucuns appellent pour mettre fin à la bataille que se livrent Alstom et Siemens sur les marchés export.

Fabrice Gliszczynski
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Les ambitions impériales de Pékin dans le ferroviaire suscitent crainte et espoir à l'étranger

Le gouvernement central table sur un réseau à grande vitesse de 16.000 kilomètres en 2015. Les constructeurs chinois multiplient toutefois les contrats internationaux.

« Je viens m'informer des dernières technologies dans la grande vitesse, le métro et le tramway mais aussi pour présenter l'industrie ferroviaire chinoise. » Secrétaire général de la première délégation chinoise présente au Sifer (le Salon international de l'industrie ferroviaire, qui fermera ses portes jeudi à Lille), Yang Junliang ne passe pas inaperçu. Ce membre de la direction du plus grand constructeur ferroviaire de l'empire du Milieu, CNR, et cacique de la municipalité qui l'abrite, Changchun, suscite à la fois espoir et crainte sur le salon.

Car d'ici à quatre ans, les projets chinois vont redistribuer les cartes du secteur : le pays, qui ne comptait aucune ligne à grande vitesse voilà quelques années, prévoit d'y consacrer jusqu'à 450 milliards d'euros d'ici à 2015. La Chine sera alors dotée d'un réseau de 120.000 kilomètres, dont 16.000 dédiés à la grande vitesse, soit le double d'actuellement. Les principaux constructeurs chinois CSR et CNR s'y préparent. En deux ans, le groupe de Changchun a porté ses effectifs de 10.000 à 15.000 personnes. L'industriel, public mais coté à Shanghai, table sur un chiffre d'affaires de 3,2 milliards d'euros en 2011, trois fois supérieur à celui de 2009.

Sur leur territoire, les Chinois font peur car les industriels des pays matures les accusent régulièrement de piller leurs technologies lors de partenariats locaux, comme l'a fait le japonais Kawasaki. C'est la raison pour laquelle Alstom Transport refuse de transférer ses technologies dans la grande vitesse en Chine même si le groupe y est actif dans la vitesse conventionnelle et le métro (lire ci-contre). « Les technologies avancées sont la propriété de l'humanité entière, rétorque Yang Junliang. Notre R&D se développe et nous sommes de plus en plus autonomes », affirme le responsable. « Il serait intéressant d'inviter des entreprises françaises sur le parc de Changchun », qui regroupe 130 sociétés chinoises.

Opportunité

Certaines s'y préparent. C'est le cas de deux membres de l'Association des industries ferroviaires (AFI) qui regroupe 102 entreprises dans le Nord-Pas de Calais et 9.700 employés, sur les 17.000 que compte la filière en France. « Il s'agit d'une opportunité, le marché est mondial et les PME-PMI doivent s'y adapter », affirme son directeur général, Héric Manusset. Car, pour les entreprises de cette taille, « remporter un contrat en Chine génère de la trésorerie, ce qui permet d'investir dans la R&D et de conserver une longueur technologique d'avance ».

À l'international, les fabricants chinois commencent à faire de l'ombre à leurs concurrents étrangers car ils multiplient les accords dans les pays émergents (Afrique du Sud, Venezuela, Thaïlande..) avec le soutien de puissantes banques publiques (ICBC, Citic..) finançant les infrastructures. Aux États-Unis, General Electric s'est associé au chinois CSR pour répondre aux appels d'offres du plan de relance dans la grande vitesse. Et Héric Manusset de prévenir : « J'ai parlé avec le patron de CNR. Sa priorité est la Chine mais, à terme, il viendra commercialement en Europe ». « Nous serons là où les gens ont besoin de nous », confirme Yang Junliang.

Eric Chalmet
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Le modèle du train français à la recherche d'un deuxième souffle

L'État envisage de nouvelles lignes d'ici à 2030 alors que la SNCF souffre et que la concurrence est toujours fermée.

Trente ans déjà. Et tout est aujourd'hui à repenser. Centré sur un monopole public, celui de la SNCF, le modèle du TGV français de la société ferroviaire tricolore, est aujourd'hui à bout de souffle. Vache à lait du groupe pendant des années, le business modèle est aujourd'hui jugé, par la SNCF, incompatible avec l'inflation des péages à Réseau ferré de France (RFF). Une flambée des redevances, qui remettrait en cause les capacités d'investissement de la SNCF, à l'heure où une grande partie de son parc de rames, vieillissant, doit être renouvelé.

L'enjeu est crucial alors que l'État a lancé des projets colossaux de construction de nouvelles lignes à grande vitesse au cours des deux prochaines décennies (18 projets doivent être engagés d'ici à 2020, un dix-neuvième Paris-Orléans-Clermont-Ferrand, Lyon, après) et que l'ouverture du marché français à la concurrence ne pourra pas être repoussée éternellement.

« Il y a deux calendriers qui ne coïncident pas, analyse le délégué général de la Fédération des industries ferroviaires (FIF), Jean-Pierre Audoux. Celui des constructions de lignes à grande vitesse d'ici à 2030 dont les financements (environ 80 milliards d'euros) restent d'ailleurs à trouver, et celui des perspectives d'investissements des opérateurs qui concernent aujourd'hui en France essentiellement la SNCF. »

Ouverture à la concurrence

Si certains experts s'interrogent en effet sur la capacité du groupe à investir dans du matériel roulant de grande vitesse après 2014, d'autres estiment au contraire que l'entreprise dirigée par Guillaume Pépy ne pourra faire l'impasse si elle veut assurer sa survie. La question ne se posera vraiment que le jour où le marché intérieur français sera ouvert à la concurrence (et non seulement à travers un cabotage de liaisons internationales). Et que les Virgin, Veolia ou autre Trenitalia seront convaincus de l'existence d'une impartialité dans la régulation ferroviaire en termes d'accès au sillon notamment. Reste à savoir si, le jour où ces conditions devaient être réunies, cela pousserait Air France, à déterrer son projet de TGV à ses couleurs ?

Fabrice Gliszczynski
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Entretien Jérôme Wallut, directeur général Alstom Transport France

« L'avenir est à l'optimisation du TGV »

Quelles sont les perspectives technologiques et commerciales du TGV ?

La France a atteint la quintessence de ce qu'il se fait car le TGV peut rouler sur une même ligne, à vitesse grande ou conventionnelle, sans rupture de charge et donc sans perte de temps. L'avenir est à l'optimisation : les trains devront transporter davantage de passagers, être plus confortables et permettre de réaliser plus d'économies en électricité et durée de vie des infrastructures. Alstom Transport peut construire des trains plus rapides mais est-il plus rentable pour l'exploitant de gagner quelques minutes sur un trajet et d'être de fait contraint d'y faire circuler moins de trains ? En Bourgogne, un TGV Paris-Lyon passe toutes les 4 minutes à 300 km/h. Faire circuler un train à 350 km/h toutes les 15 à 20 minutes n'est pas viable économiquement et apporte moins de flexibilité au passager. Ceci étant dit, si un client étranger nous demande un train à 350 km/heure, on saura le faire.

Le TGV reste-t-il compétitif à l'international ?

Tout à fait. À titre d'exemple, en Italie, Alstom Transport a remporté un contrat de 25 rames d'AGV (automotrice à grande vitesse) dont la société NTV démarrera l'exploitation à la fin 2011. Les pays de l'Est vont commencer à s'équiper en grande vitesse. Et Alstom est bien positionné sur les lignes transfrontalières, comme le prouve le Paris-Bruxelles. Nous finalisons aussi les essais du RGV2N2 (rame à grande vitesse 2 niveaux de deuxième génération). Ce train débutera son service avec l'ouverture de la ligne Rhin-Rhône en décembre.

La Chine est le plus grand marché mondial. Comment y êtes vous positionné ?

Nous avons livré des trains Pendolino à l'exploitant CNR avec qui d'autres discussions sont en cours, mais rien n'est arrêté. Nous refusons le transfert de technologies et préférons créer des coentreprises afin que les trains soient construits dans des usines Alstom sur place. La défense de la technologie est aussi celle de l'emploi et du tissu industriel français. Avant de faire un coup commercial, il faut mesurer les conséquences à long terme. En décembre, Alstom Transport a signé un accord avec le ministère chinois des Transports. Les négociations restent ouvertes, mais dans les conditions que je viens d'évoquer.

Propos recueillis par Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 3
à écrit le 11/04/2011 à 11:50
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30 ans ? Super ! Il faut augmenter les tarifs pour fêter ça !

à écrit le 10/04/2011 à 11:45
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> La France a atteint la quintessence de ce qu'il se fait Au fou! Le TGV est un engin vieillot et inconfortable! Allez prendre le Shinkansen avant de prétendre être une parole respectable sur les trains à grande vitesse!

le 11/04/2011 à 13:22
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